La Turquie annonce des manoeuvres navales russes impliquant des tirs réels à l’est et à l’ouest de Chypre

Le 3 septembre, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a indiqué que la Grèce et la Turquie avaient accepté « d’entamer des pourparlers techniques » sous l’égide l’Alliance afin de réduire les tensions en Méditerranée orientale.

Tensions qui sont montées d’un cran depuis qu’Ankara a envoyé, sous escorte militaire, son navire de recherche sismique Oruç Reis dans une zone maritime relevant du plateau continental grec. Et cela, après qu’Athènes et Le Caire ont signé un accord sur leurs frontières maritimes respectives, faisant fi de celui signé par les autorités turques avec le gouvernement d’union national libyen [GNA]. L’enjeu est l’exploitation de réserves de gaz naturel.

« Après mes discussions avec les dirigeants grec et turc, les deux alliés ont convenu d’entamer des pourparlers techniques à l’Otan pour établir des mécanismes de ‘désescalade’ militaire afin de réduire le risque d’incidents et d’accidents en Méditerranée orientale », a en effet avancé M. Stoltenberg, via Twitter. « La Grèce et la Turquie sont des alliés précieux, et l’Otan est une plate-forme importante pour les consultations sur toutes les questions qui touchent à notre sécurité commune », a-t-il ajouté.

Si, dans un communiqué publié le 3 septembre au soir, le ministère turc des Affaires étrangères a dit soutenir l’initiative de M. Stoltenberg, Athènes a démenti toute discussion avec Ankara. « Les informations qui ont été révélées sur des discussions techniques présumées à l’Otan ne correspondent pas à la réalité », a fait savoir la diplomatie grecque. « Nous avons retenu l’intention du secrétaire général de l’Otan de travailler à la mise en place de mécanismes de désescalade […]. Cependant, la désescalade n’aura lieu qu’avec le retrait immédiat de tous les navires turcs du plateau continental grec », a-t-elle conclu.

Ce 4 septembre, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a remis une pièce dans la machine en s’en prenant à la Grèce et à la France, tout en insistant sur l’importance de l’Otan.

« Celui qui ment n’est pas le secrétaire général de l’Otan, mais la Grèce. Cela montre le vrai visage de la Grèce. […] Elle n’est pas pour un dialogue », a ainsi réagi le chef de la diplomatie turc au sujet du communiqué diffusé la veille par Athènes.

Quant à la France, M. Cavusoglu l’a accusée d' »encourager » la Grèce. « Nous lui conseillons d’abandonner cette attitude hystérique qui ne sert à rien. Nous faisons partie de l’Otan », a-t-il dit. Et d’insister : « La France devrait venir discuter avec nous sur comment travailler ensemble. Une telle attitude profiterait à tout le monde. »

Cela étant, la Turquie vient d’émettre deux nouvelles notices maritimes [NAVTEX] pour annoncer que la Russie a l’intention de mener deux exercices navals à tirs réels en Méditerranée orientale, précisément dans la région où des navires de recherche sismique turcs sont à l’oeuvre. Le premier doit avoir lieu du 8 septembre au 22 septembre à l’ouest de Chypre et le second se tiendra du 17 au 25 septembre, à nord-est de l’île.

D’où la question : pourquoi la Turquie, membre de l’Otan, a-t-elle annoncé la tenue de manoeuvres navales russes, dans une région contestée? Certains y ont vu un soutien implicite de Moscou aux revendications turques dans la zone… Ce qui n’est en réalité pas le cas.

L’ambassade russe à Athènes a publié un communiqué pour donner une explication. « La Russie mène régulièrement des exercices militaires en Méditerranée orientale, toujours dans le plein respect des règles du droit international. Dans le cas d’exercices navals, le Service mondial d’avertissements de navigation [WWNWS] reçoit une notification tandis que pour les manoeuvres aériennes, une procédure bilatérale est suivie. C’est la pratique habituelle », a-t-elle assuré.

Les mers et les océans sont divisés en 21 zones de navigation, appelées NAVAREA [Navigation areas] et pour lesquelles lesquelles différents États sont responsables des avertissements de navigations. Celle couvrant la Méditerranée et la mer Noire [NAVAREA III] relève de l’Espagne.

Or, a fait valoir Kyriakos Kousios, le porte-parole du gouvernement chypriote, « tout le monde sait que, depuis de nombreuses années, la Russie s’adresse à Chypre dans le cas d’émission de Navtex pour des exercices dans la zone de navigation III [NAVAREA III] ». Surtout quand ils doivent se tenir dans la zone de responsabilité chypriote.

Cela étant, et selon le quotidien Cyprus Mail, depuis quelques temps, Moscou s’adresse d’abord au centre basé en Espagne pour notifier ses manoeuvres militaires dans la zone. Et il revient ensuite à ce dernier d’émettre un Navtex. Ce qu’il a d’ailleurs fait pour les deux exercices devant avoir lieu près de Chypre.

« En soi, cela ne court-circuite pas Chypre car, en fin de compte, le résultat est le même : l’autorisation viendra de Nicosie », ont expliqué des sources au journal chypriote. D’ailleurs, les autorités de l’île n’ont pas tardé à diffuser deux NAVTEX pour annoncer les deux exercices russes.

A priori, pour annoncer ses exercices navals en Méditerranée orientale, la Russie privilégierait désormais l’Espagne plutôt que Chypre pour ne pas se laisser entraîner dans le différend entre Nicosie et Ankara. En revanche, en ce qui concerne les exercices aériens, cependant, Moscou continue de demander les autorisations nécessaires directement aux autorités chypriotes.

Selon le site grec EuroPost, les NAVTEX de la République de Chypre pour les exercices russes auraient été publiés à 18h00, soit « environ une heure et demie avant celui turc, qui serait sorti à 19h40. »

Quoi qu’il en soit, le porte-parole du gouvernement grec, Stelios Petsas, a déclaré que les exercices russes seraient « surveillés par tous les pays de la région, ainsi que par nos alliés et partenaires de l’Otan au sein de l’Union européenne »… Ce qui exclut la Turquie.

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