Des chars égyptiens repérés à la frontière libyenne

En avril 2019, fort du soutien des Émirats arabes unis, de l’Égypte et de la Russie [ainsi que d’autres…], le maréchal Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne [ANL] qui relève du gouvernement de Tobrouk, issu des élections législatives de juin 2014, lança une offensive renverser le Gouvernement d’union nationale [GNA] installé à Tripoli sous l’égide des Nations unies et alors soutenu par une myriade de milices, proches des Frères mulsumans pour la plupart.

Seulement, cette offensive de l’ANL s’embourba… Et, ayant d’autres intérêts à défendre, notamment en Méditerranée orientale, la Turquie, soutien du GNA avec le Qatar, s’impliqua dans le conflit, en envoyant des équipements militaires, des « conseillers » ainsi que des mercenaires recrutés parmi les rebelles syriens pro-Ankara. L’équilibre des forces en fut modifié, malgré la présence de la société militaire privée russe Wagner aux côtés des troupes du maréchal Haftar.

Ces dernières semaines, et alors que ce dernier n’était jusqu’alors pas enclin à signer un accord de cessez-le-feu, l’ANL a subi une série de revers cuisants face aux forces pro-GNA, le dernier en date étant celui de Tarhouna, ville située à 80 kilomètres au sud-est de Tripoli. Ce nouveau recul des troupes du maréchal Haftar a donc mis fin, de facto, à leur offensive vers Tripoli. Et ravivé, dans le même temps, le spectre d’une partition de la Libye.

Cependant, on n’en est pas encore là… dans la mesure où le GNA, sur la lancée de ses récents succès militaires, entend désormais reprendre le contrôle de Syrte, ville qui, tombée dans l’escarcelle de l’ANL en janvier dernier, est un verrou stratégique vers l’Est et les installations pétrolières les plus importantes du pays.

Syrte étant désormais menacée par le GNA, le maréchal Haftar serait désormais favorable à un cessez-le-feu, que ses adversaires ne sont plus disposés à accepter, maintenant qu’ils ont l’initiative sur le terrain. En tout cas, c’est ce qui en est ressorti de l’entretien qu’il a eu le 6 juin avec Abdel-Fattah al-Sissi, le président égyptien.

En effet, à l’issue de cette rencontre, M. al-Sissi a proposé un plan qui, appelé « Déclaration du Caire », propose une période de transition pendant laquelle le pays serait gouverné par un conseil présidentiel au sein duquel les trois régions libyennes seraient représentées. Cette initiative prévoit également l’unification des institutions pétrolières et financières, la dissolution des milices et le départ des « mercenaires ». Mais le plus important est l’idée de cessez-le-feu, qui aurait dû entrer en vigueur dès ce 8 juin. Évidemment, le GNA ne l’a pas accepté, d’autant plus que, plus tôt, son chef, Fayez el-Sarraj, venait d’obtenir la promesse du président turc, Recep Tayyip Erdogan, d’une aide militaire supplémentaire.

Ce plan égyptien a cependant été favorablement accueilli par la France, dont le chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian, a dit soutenir le « l’objectif d’une reprise du processus politique » sur les bases qu’il propose. La Russie et les Émirates arabes unis sont aussi sur la même longueur d’onde.

C’est donc dans ce contexte que sont apparues sur les réseaux sociaux, le 7 juin, des images montrant une colonne de 18 M1A2 Abrams [sur des porte-chars, nldr] égyptiens faisant route vers la frontière libyenne. Via Twitter, l’ANL a diffusé des photographies de ces chars, suggérant qu’ils étaient arrivés en Cyrénaïque.

A priori, ces chars Abrams seraient accompagnés par des hélicoptères d’attaque Mil Mi 24 « Hind », habituellement basés à Bordj Al Arab près d’Alexandrie en Egypte. Ces appareils auraient été aquis d’occasion par Le Caire en 2017 ou 2018. Évidemment, il est compliqué, pour le moment, de vérifier l’authenticité des documents diffusés via les réseaux sociaux.

En tout cas, le président al-Sissi avait averti qu’il ne tolérerait pas de présence militaire turque en Libye. « Nous n’autoriserons personne à contrôler la Libye […], c’est une question qui relève de la sécurité nationale de l’Égypte », avait-il affirmé en décembre 2019, en faisant allusion à la Turquie. Récemment, a rapporté RFI, il a même évoqué une intervention militaire directe si les forces du du maréchal Haftar devaient être « mises en difficulté dans leur lutte contre le terrorisme » [comprendre : contre le GNA].

Pour rappel, la Libye est soumise à un embargo sur les armées, décidé par les Nations unies. Et l’Union européenne a lancé l’opération navale IRINI pour le faire respecter [à ce propos, elle ne compte acutellement qu’un navire, en l’occurrence la frégate grecque Spetsaï qui vient juste de la rejoindre, ndlr]. Cependant, les « parrains » des deux belligérants livrent surtout leurs équipements militaire par voie aérienne.

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