Nouvelle « attaque » contre le programme des sous-marins australiens confié au français Naval Group

Depuis plusieurs semaines, le programme « Future Submarine » [encore appelé « Attack »], confié par Canberra au groupe français Naval Group en 2016, fait l’objet d’une polémique alimentée par l’opposition au gouvernement australien, de quelques sous-traitants écartés du projet, de certains médias et autres groupes de pression.

Pour rappel, ce programme vise doter la marine australienne de 12 sous-marins océanique à propulsion classique. L’offre de Naval Group, reposant sur le Shortfin Barracuda [une version « conventionelle » du sous-marin nucléaire d’attaque Suffren] a été retenue aux dépens de celles faites par l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS] et du consortium japonais formé par Heavy Industries et Kawasaki Heavy Industries. En outre, le système de combat de ces futurs navire sera fourni par l’américain Lockheed-Martin.

Les opposants à ce contrat confié à Naval Group ont trouvé du grain à moudre dans un rapport publié en janvier par le Bureau national d’audit australien [ANAO], ce dernier ayant pointé un retard dans la phase de design des sous-marins Attack, laquelle représente « 47% des coûts à ce jour ». Contrairement à ce que certains ont avancé, cet organisme n’a pas remis en cause le bien-fondé du programme. Mais il a émis quelques recommandations de bonne gestion au gouvernement australien.

Lors d’une audition au Sénat, le Pdg de Naval Group, Hervé Guillou, a dénoncé une « attaque médiatique à charge, qui a ensuite été relayée par un certain nombre de médias qui ne nous veulent pas que du bien. »

Soulignant que l’État australien avait été le « premier à défendre Naval Group », M. Guillou a expliqué que le seul point pouvant éventuellement prêter le flanc à la critique était le décalage de « 5 semaines d’une revue de conception, en raison d’évolutions opérationnelles qui nécessitent des études supplémentaires ». Et d’ajouter : « Sur un programme de 25 ans, je ne pense pas que cela soit un problème… La première livraison reste fixée à 2032 et je ne vois pas de raison de penser qu’elle ne sera pas honorée. »

Puis, la ministre française des Armées, Florence Parly, et son homologue australienne, Lynda Reynolds, ont publié un communiqué pour faire taire les critiques. « Nous avons passé en revue ce jour la mise en œuvre de l’Accord de Partenariat Stratégique qui forme la base du Future Submarine Program. Nous avons toutes les deux réaffirmé notre plein engagement envers le programme, son calendrier et la montée en charge des capacités industrielles australiennes », ont-elles affirmé.

Reste que cet acharnement contre Naval Group en Australie [d’autres critiques auraient pu être rappelées ou rapportées] ne manque pas d’interroger… En effet, quel en est le but?

Parmi les groupes de pression hostile au Future Submarine Program [du moins, tel qu’il est conduit], on trouve celui dirigé par l’homme d’affaires Gary Johnston, Pdg, notamment, de Jaycar Electronics, un détaillant de matériels électroniques. Sa biographie évoque son intérêt pour le rugby à XIII, l’aviation et les sciences. À aucun moment elle ne mentionne un quelconque passé militaire ou une expérience dans le domaine de la guerre sous-marine.

Sur le site Internet qu’il a mis en ligne pour dire tout le mal que lui inspire le contrat attribué à Naval Group, M. Johnston dit représenter « un groupe de citoyens australiens préoccupés par le programme actuel du gouvernement. » Et pour appuyer ses critiques, il a commandé une étude au cabinet Insight Economics Australia, lequel vient de lui rendre ses conclusions [.pdf].

Ainsi, cette étude préconise une « stratégie d’atténuation des risques à faible coût », via un « plan B » qui ferait appel au chantier naval suédois Kockums, lequel a livré les six sous-marins de la classe Collins actuellement mis en oeuvre par la Royal Australian Navy.

Dans le détail, Kockums sera chargé de réaliser une étude de conception préliminaire portant sur une « version évoluée du sous-marin de type Collins », qualifié de « succès », alors qu’un rapport publiée en 1999 avait estimé leur performances insuffisantes pour atteindre « niveau requis pour les opérations militaires ». Et cela en raison d’une « myriade de déficiences dans leur désign et des limitations opérationnelles conséquentes liées à la plate-forme et aux systèmes de combat. »

Dans le même temps, Naval Group aurait à en faire de même. Puis, les deux groupes seraient appelés à participer à un appel d’offes « à prix fixe pour la contruction du premier lot de trois sous-marins », la sélection devant se faire en fonction de la capacité, du prix, des délais de livraison et de l’implication de l’indutrie australienne.

À première vue, ce que propose M. Johnston, qui a repris à son compte l’étude d’Insight Economics Australia, est beaucoup moins ambitieux que l’actuel « Future Submarine Program ». En réalité, cette phase viserait à préparer la mise en service, à l’horizon 2030, de sous-marins nucléaires d’attaque [SNA]. Une nécessité, selon lui, pour rivaliser avec la Chine.

« Si le gouvernement veut continuer à déployer des sous-marins […] aux côtés de l’US Navy, le devoir de vigilance de la nation envers les hommes et les femmes dévoués des forces de défense australienne implique que nous devons entamer le long et difficile processus d’acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire », plaide en effet Gary Johnston.

Une telle option est surtout de nature à servir les intérêts de l’industrie navale américaine… Sous réserve que Washington soit d’accord pour transférer la technologie des sous-marins nucléaires à Canberra.

Quoi qu’il en soit, la ministre australienne de la Défense a rejeté catégoriquement les conclusions de l’étude diffusée par le Pdg de Jaycar Electronics, assurant que le « Future Submarine Program » n’a « pas dangeuresement déraillé ».

« La livraison du premier sous-marin Attack est en bonne voie et sa construction devrait commencer en 2023 », a fait valoir Linda Reynolds. Quant une évolution des navires de la classe Collins, elle a rappelé qu’une telle option avait déjà été envisagée, avant d’être abandonnée étant donné que ses coûts n’en valaient pas la peine proportionnelement au gain capacitaire qu’elle aurait procuré.

Les conclusions présentées par le groupe de M. Johnston ne feront « qu’augmenter les coûts, retarder la livraison et mettre en danger notre capacité sous-marine », a encore taclé la ministre australienne. Enffin, s’agissant de doter la RAN de sous-marins nucléaires, elle a rappelé que cela n’a jamais été considéré comme une option par les gouvernements australiens successifs.

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