Pour l’armée de Terre, l’immobilisation d’un matériel terrestre doit « devenir l’exception »

En matière de disponibilité de ses véhicules, l’armée de Terre connaît des fortunes diverses. Ainsi, certains matériels se portent en effet mieux que d’autres.

Selon les derniers chiffres communiqués par le ministère des Armées au député François Cornut-Gentille, rares sont les types de véhicules qui affichent un taux de disponibilité supérieur à 60%, voire avoisinant les 70%, comme les VHM [véhicules haute mobilité, à 71%] ou les Véhicules blindés de combat d’infanterie [VBCI, à 64%].

Or, pour tenir l’ensemble de ses contrats opérationnels, l’armée de Terre doit disposer d’une disponibilité technique de ses matériels terrestres de 70% en France et de 90% en opérations.

« Si le taux de disponibilité de nos équipements terrestres est excellent en opération, plus de 90 %, il est plus mitigé, ici, en France. Or, chacun le sait, c’est une gageure d’envisager les opérations sans parfaire les entraînements. Si votre travail est excellent, que les procédures ont été améliorées, il reste encore des angles morts. Il reste encore des lourdeurs, des dialogues qui n’ont pas lieu, des incongruités qui persistent », avait ainsi résumé Florence Parly, la ministre des Armées, en juillet 2018.

Pour améliorer la disponibilité de ses équipements, l’armée de Terre avait lancé une réforme du Maintien en condition opérationnelle terrestre [MCO-T] en 2016. Réforme qui a été complétée deux ans plus tard par une série de mesures annoncées par Mme Parly.

Ces dernières raffirmaient le rôle central que devait tenir la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres [SIMMT], qui chapeaute le Service de la maintenance industrielle des matériels terrestres [SMITer] et le Commandement de la maintenance des forces de l’armée de Terre [COM MF]. Et il était question d’avoir un recours accru aux externalisations, le niveau d’activité de régénération des véhicules relevant d’opérateurs privés devant être porté à 40% en 2024.

Selon Terre Info Magazine, ces mesures ont produit leurs premiers effets. « De 2018 à 2019, le volume d’équipements en immobilisation technique a diminué de 3 % », indique-t-il. Et de préciser que « l’objectif est d’atteindre 2.000 véhicules immobilisés en 2024 au lieu des 2.590 en 2019. » Et le rôle plus important que doivent tenir les opérateurs privés doit permetre de passer de « 1.260 engins régénérés en 2019 à 1.800 en 2024 ».

Cela étant, avec l’arrivée des véhicules du programme SCORPION et les innovations technologiques, l’armée de Terre espère faire encore mieux. « L’immobilisation d’un matériel terrestre doit devenir l’exception », assure en effet Terre Info Magazine [TIM].

Ainsi, pour ses Griffon, Serval et Jaguar, l’armée de Terre vise un taux de disponibilité technique opérationnelle [DTO] de 80%, notamment grâce à l’intégration de capteurs « intelligents », appelés HUMS [Health and Usage Monitoring System]. Les données collectées permettront d’assurer une maintenance prédictive et prévisionnelle. En clair, il s’agira d’intervenir sur un véhicule pour éviter la panne…

Plusieurs études ont été réalisées par l’armée de Terre dans ce domaine. L’une d’entre-elles a porté sur la préservation des véhicules en analysant l’huile de leurs moteurs. Des échantillons sont ainsi régulièrement prélevés, puis analysés par le Service des essences des Armées [SEA], l’objectif étant d’identifier la présence de certains éléments chimiques pouvant entraîner une panne lourde.

« Selon les résultats des prélèvements, on anticipe en programmant une intervention au moment approprié : ni trop tôt – pour réduire les coûts -, ni trop tard – pour éviter la panne », explique un officier du bureau stratégie et modernisation du MCO-T dans les colonnes de TIM. En 2018, cette méthode a permis d’éviter la casse de 15 moteurs de chars Leclerc… Et, actuellement, des recherches sont en cours pour mettre au point un capteur capable d’analyser en temps réel l’huile de moteur. « En cas d’alerte, un signal sera immédiatement envoyé au chef d’atelier en charge du véhicule », avance-t-il.

En outre, début février, l’Agence de l’innovation de Défense [AID] a évoqué un module de maintenance prévisionnelle utilisant l’intelligence artificielle dans le domaine du MCO-T. Lancé en octobre 2018, ce projet « a été ensuite [mai 2019] programmé et développé, pour un premier prototype en septembre 2019 et une mise en service avec passage à l’échelle en octobre 2019 », a-t-elle indiqué, avant de souligner que sa « réussite illustre parfaitement la bonne coordination des services DGA-AID-Forces, la performance de l’ensemble des équipes et la montée en gamme des services de soutien, tel que la SIMMT, en matière d’innovation. »

Une autre innovation pleine de promesses en matière de MCO-T est l’impression 3D. Durant l’été 2019, l’armée de Terre a lancé une expérimentation au Mali en installant à Gao une imprimante industrielle 3D de type ProMaker P1000 fournie par Prodways Group. Une seconde a été envoyée à N’Djamena en décembre dernier.

Auparavant, la 13e Base de soutien du matériel [13e BSMAT], en collaboration avec le SMITer, avait démontré qu’il était possible de réparer un Véhicule blindé léger [VBL] avec des pièces fabriquées par ce type de machine.

Selon TIM, au Sahel, l’utilisation de ces imprimantes 3D industrielles permet de gagner beaucoup de temps.  » Quinze heures. C’est le gain de temps offert par l’impression 3D sur la réparation d’un engin blindé en opération », avance le magazine. Et, à Gao, la production de 286 pièces a permis de remettre en état « 56 matériels ». Une cadence appelée à augmenter, l’imprimante 3D envoyée à N’Djamena ayant une capacité plus importante.

« La fabrication additive n’a pas pour seule ambition la reproduction de pièces endommagées. Elle va améliorer les pièces en les adaptant aux caractéristiques des théâtres, réduisant ainsi l’importation de pièces depuis la métropole », explique TIM.

Photos : armée de Terre

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