Le ministère des Armées a installé son comité d’éthique, ouvert à des personnalités extérieures

Le 5 avril dernier, dans un discours sur les applications militaires de l’intelligence artificielle, la ministre des Armées, Florence Parly, avait souligné les risques que supposait cette technologie si elle n’était pas encadrée par des principes moraux et éthiques. En clair, il était hors de question de confier le droit de vie ou de mort à une machine pilotée par des algorithmes et non par l’homme.

Il n’est pas envisageable que l’intelligence artificielle fasse bouger les « lignes rouges tracées par les principes du droit humanitaire international et le droit des conflits armés », dont « la proportionnalité de la réponse, la discrimination entre combattant et non-combattants, la minimisation des dommages collatéraux », fit en effet valoir Mme Parly.

Et d’annoncer dans la foulée la création prochaine d’un « comité d’éthique ministériel sur les sujets de défense », appelé à être un « outil d’aide à la décision et à l’anticipation. »

Ce comité « aura vocation à traiter en premier lieu des questions posées par les technologies émergentes et leur emploi par l’homme dans le domaine de la défense. Mais au-delà, les interrogations éthiques multiples liées à l’évolution du métier des armes ainsi que des espaces de conflictualité pourront lui être soumis », avait ensuite expliqué la ministre.

Car, en effet, l’intelligence artificielle n’est pas la seule technologie à poser des interrogations éthiques. C’est le cas, par exemple, du « soldat augmenté » ou bien encore des avancées dans le domaine des neurosciences.

« Par nature, tout ce qui est possible n’est pas nécessairement souhaitable. En effet, les questions éthiques posées par ces éventualités scientifiques sont majeures : comment garantir le respect de l’identité de l’homme, de son intégrité physique, et l’engagement de sa responsabilité si une machine a, en quelque sorte, pris le contrôle de son cerveau? », avaient demandé les députés Olivier Becht et Thomas Gassilloud, dans un rapport sur les enjeux de la numérisation pour les armées.

Et d’estimer que ces questions devaient « être tranchées à l’occasion d’une réflexion aussi collective que possible », en prenant en compte « non seulement les impératifs éthiques qui découlent de nos valeurs, mais aussi les possibles séquelles de tels dispositifs sur les combattants », sans oublier l’hypothèse selon laquelle « certains de nos adversaires emploieraient contre nos combattants des moyens que nous ne nous autoriserions pas? ».

C’est donc à ce type de questions que le comité d’éthique du ministère des Armées aura à répondre. Formé par 18 personnalités, il vient de tenir sa première réunion, ce 10 janvier, sous la présidence de Bernard Pêcheur, ancien président du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire [entre 2014 et 2018].

Ce comité, explique le ministère des Armées, sera « habilité à faire toutes propositions ou recommandations sur ces questions, à l’exclusion des questions directement liées à la conduite des engagements opérationnels et au traitement des affaires contentieuses. » Et Mme Parly de souligner que la France « est la première grande puissance militaire à se doter d’une structure de réflexion permanente sur les enjeux éthiques des nouvelles technologies dans le domaine de la défense. »

« L’éthique, c’est avant tout la science de la morale. C’est une réflexion continue sur les valeurs de l’existence, sur la notion de ‘bien’ et naturellement la distinction d’avec le mal. Audelà de sa dimension philosophique, l’éthique vise à guider nos actions pour qu’elles respectent nos valeurs », a par ailleurs expliqué le ministre. « L’éthique est au fondement même de la raison d’être du militaire. C’est la boussole qui subsiste lorsque le droit disparaît. Le droit est son garde-corps et l’éthique est son garde-cœur », a-t-elle ajouté.

Parmi les 18 personnalités qui se réuniront au sein de ce comité d’éthique, certaines sont très bien connues de la communauté militaire puisqu’on y trouve le général Bernard Thorette, ex-chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] et le général Henri Bentégeat, ex-chef d’état-major des armées [CEMA]. Y siégeront également des spécialistes de l’armement, des juristes, des philosophes, des historiens, etc.

« L’ouverture du comité à des personnalités extérieures est capitale pour nourrir et enrichir les réflexions », fait valoir le ministère des Armées.

Ce comité d’éthique a déjà un sujet à traiter : « le soldat augmenté et l’impact des évolutions qui concernent l’amélioration des capacités physiques ou psychiques de nos combattants. »

« Concrètement, certains imaginent l’implant d’un troisième bras robotisé, on voit le développement de certaines substances qui accroîtraient l’endurance ou la force. La transposition de ces pratiques aux militaires implique une réflexion éthique. Jusqu’à quelle limite de libre arbitre augmenter le niveau de résilience psychologique des individus? A quel seuil d’irréversibilité limiter la transformation physique de ces mêmes individus? Quelle implication d’une médecine dont la vocation première doit rester réparatrice? », a demandé Parly, qui attend les réponses du comité d’ici quatre mois.

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