Pour le chef du Pentagone, il y a des « parasites » au sein de l’Otan

Peu avant le sommet de Londres, organisé les 3 et 4 décembre, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, avait pris soin de déminer le terrain en publiant les données relatives aux dépenses militaires des pays membres de l’Alliance. Et l’on sait que le président américain, Donald Trump, en a fait son cheval de bataille.

Pour rappel, en 2014, les Alliés s’étaient engagés à porter leurs dépenses militaires à 2% du PIB d’ici 2024 et de consacrer 20% de leurs budgets de défense à la modernisation de leurs capacités. Or, d’après les derniers chiffres publiés par l’Otan, seulement 9 pays membres ont déjà atteint cet objectif [États-Unis, Royaume-Uni, Grèce, Pologne, Roumanie, Estonie, Lituanie, Lettonie et Bulgarie].

Pour autant, M. Stoltenberg s’était félicité que les budgets militaires des membres européens de l’Otan et du Canada avaient augmenté de 4,6% en termes réels en 2019, ce qui marquait une « cinquième année consécutive de croissance ». Et, selon lui, ces mêmes pays devraient avoir investi 130 milliards de plus par rapport aux données de 2016.

« Selon les dernières estimations, l’augmentation cumulée des dépenses de défense sera, d’ici à la fin 2024, de l’ordre de 400 milliards de dollars. Il s’agit d’une avancée sans précédent, qui rend l’Otan plus forte », avait déclaré l’ex-Premier ministre norvégien.

Cependant, quelques alliés n’atteindront pas cet objectif des 2% du PIB d’ici 2024. Soit parce qu’ils sont réticents pour des raisons politiques. Soit parce qu’ils partent de trop loin, leur effort de défense ayant été drastiquement réduit avant 2014. L’Allemagne, par exemple, coche les deux cases, même si l’Otan constitue la pierre angulaire de sa stratégie de défense.

Ainsi, le gouvernement allemand a d’ores et déjà annoncé qu’il ne tiendrait cet objectif des 2% du PIB qu’à l’horizon 2030. D’ailleurs, ce dernier fait débat dans la mesure où un tel niveau de dépenses militaires ferait de l’Allemagne la première puissance militaire d’Europe, avec un budget de 60 milliards d’euros. « Ce que personne ne veut en Europe étant donné le poids de l’Histoire », avaient estimé les sociaux-démocrates Martin Schulz et Thomas Oppermann, en août 2017.

Quoi qu’il en soit, la faiblesse des dépenses militaires allemandes est régulièrement brocardée par le président Trump. Et elle l’a été une nouvelle fois, quoi qu’indirectement, par Mark Esper, le chef du Pentagone. Et il n’y est pas allé de main morte, selon des propos rapportés par l’AFP.

« La plupart des pays considèrent les États-Unis comme le meilleur partenaire pour la sécurité mondiale, non seulement à cause de la supériorité de nos capacités et de nos équipements militaires mais aussi à cause des valeurs que nous défendons », a affirmé M. Espert, le 13 décembre, devant le Council on Foreign Relations [CFR]. « Nos alliances ne sont pas basées sur des transactions commerciales. Elles sont plutôt basées sur le respect mutuel, les valeurs communes et une volonté partagée de les défendre », a-t-il fait valoir.

Le dernier point a fait tiquer Richard Haas, ancien diplomate et président du CFR. En effet, il a en effet répondu à M. Esper que, justement, les relations entre les pays de l’Otan et les États-Unis devenaient de « plus en plus transactionnelles » et que certains alliés doutaient de la volonté de Washington à les défendre en cas d’agression s’ils ne respectaient pas l’engagement des 2% du PIB. Le président Trump l’avait d’ailleurs lui-même laissé entendre, remettant ainsi la clause de défense collective [article 5], sur laquelle repose l’Alliance atlantique.

Ce que la ministre française des Armées, Florence Parly, avait résumé, en mars dernier, lors d’un discours prononcé devant l’Atlantic Council, à Washington, en évoquant « l’article F-35 ».

« Personnellement, je suis plus préoccupé par l’idée selon laquelle la solidarité au sein de l’Otan pourrait être subordonnée à des alliés qui achèteraient tel ou tel équipement. L’alliance devrait être inconditionnelle, sinon ce n’est pas une alliance. La clause de solidarité de l’Otan est l’article 5, pas l’article F-35 », avait-elle affirmé.

Les 2% du PIB sont une « obligation », a répliqué le chef du Pentagone. « Les États-Unis consacrent 3,5% de leur PIB à défendre les États-Unis, leurs alliés et leurs partenaires. Beaucoup de pays consacrent bien moins de 1% », a-t-il d’abord relevé. « Nous avons demandé pendant des années, des dizaines d’années, à nos partenaires européens de contribuer davantage à l’Alliance. Ils ne l’ont pas fait » et « je ne pense pas que ce soit trop demander », a-t-il continué.

« Tous les pays doivent contribuer à leur défense. Il ne peut pas y avoir de parasites. Il ne peut pas y avoir de réductions. Nous sommes tous concernés », a conclu M. Esper.

Le mot « parasite » a plusieurs définitions. Selon le Larousse, « dans l’antiquité », il désignait un « individu admis à la table d’un riche, en échange de sa clientèle ou de ses mots d’esprit. » Ou il évoque une « personne qui vit dans l’oisiveté, aux dépens d’autrui ou de la société. » Mais M. Esper ne devait pas avoir la première à l’esprit… Comment prendra-t-on la chose à Berlin?

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