La Marine nationale craint une « réduction temporaire de capacité plus grave que prévu » avec ses patrouilleurs océaniques

L’effort de « régénération » et de modernisation de la Marine nationale présente quelques fragilités, notamment dues aux aléas des programmes menées en coopération et à des problèmes que rencontrent certains industriels.

Ainsi, le programme de Système de combat aérien du futur [SCAF], mené dans le cadre d’une coopération entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, a déjà pris du retard à cause de différences de vues entre Paris et Berlin sur les aspects industriels, en particulier pour ce qui concerne le développement des moteurs, qui doit être confié à Safran et à MTU.

Cela étant, souligne le député Jacques Marilossian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine nationale pour 2020, il faudra veiller « à ce que les besoins spécifiques des avions de chasse de l’aéronautique navale soient pris en compte, a fortiori si le SCAF ne doit pas avoir de version spécifique à la marine, comme le contre-amiral François Moreau [sous-chef d’état-major de la Marine nationale chargé des plans et des programmes, ndlr] en a évoqué la possibilité. »

Toujours au chapitre des coopérations, le projet MAWS [Maritime Airborne Warfare System ou « PATMAR futur »], devant être conduit conjointement par la France et l’Allemagne, vise à remplacer les avions de patrouille maritime Atlantique 2 et P3 Orion à l’horizon 2030. Seulement, « si ce projet est évoqué par la loi de programmation militaire, les industriels […] considèrent que son état d’avancement n’en est pas encore au point où le programme constituerait un marché certain pour eux », rapporte M. Marilossian.

Enfin, le programme franco-britannique de Système de lutte anti-mines du futur [SLAMF], confié à Thales, peut se trouver en difficulté à cause de la concurrence de Naval Group et du groupe ECA dans ce domaine [le tandem a d’ailleurs remporté un appel d’offres néerlando-belge] et des incertitudes liées au Brexit.

Quant aux difficultés industrielles, elles portent sur les délais jugés trop long pour la mise au standard 6 des Atlantique 2, le « retrofit » des hélicoptères NH-90 NFH [« en raison de tensions non anticipées par l’industriel sur le marché du titane », précise M. Marilossian] ou encore la livraison des pods de désignation Talios [seulement deux sur huit ont été remis à la Marine, nldr] et des missiles MM40 anti-navire Exocet.

Par ailleurs, rapporte le député, la Marine a dû faire quelques concessions lors des « travaux préparatoires au présent projet de loi de finances », avec un nouveau décalage pour son projet de drones destinés à ses frégates [SDAM – Système de drone aérien de la Marine]. Ce dernier a été décalé en 2028, alors que cette capacité était attendue en 2023.

Mais la situation la plus critique concerne les patrouilleurs océaniques [PO, ex-Patrouilleurs de Haute-Mer]. Ceux actuellement en service, les avisos type A69 de la classe d’Estienne d’Orves, donnent « d’inquiétants signes de vieillissement, ce qui laisse entrevoir une réduction temporaire de capacité plus grave que prévu », prévient le député.

Pour rappel, leur remplacement devait être assuré il y a déjà plusieurs années, dans le cadre du programme BATSIMAR [Bâtiments de surveillance et d’intervention maritime], constamment reportés à cause des contraintes budgétaires. Sauf que, à force, le renouvellement des patrouilleurs de la Marine nationale est devenu une priorité urgente.

Aussi, la Loi de programmation militaire 2019-25 prévoit d’accélérer le mouvement en différenciant les unités destinées à l’outre-Mer et celles appelées à opérer depuis la métropole.

D’ici 2024, six patrouilleurs pour l’outre-Mer seront livrés [un appel d’offres a été publié à cette fin en août 2018]. Et dix patrouilleurs océaniques doivent être commandés durant la période d’exécution de la LPM. Et la Marine disposera de ses deux premières unités d’ici 2025.

Or, visiblement, les avisos de type A69 auront du mal à tenir d’ici la mise en service de leurs remplaçants, alors même que l’activité de la Marine, en 2019, a une nouvelle fois dépassé son contrat opérationnel.

« Une solution palliative consisterait à réutiliser les frégates légères furtives non rénovées, moyennant quelques travaux pour maintenir celles de leurs capacités qui n’arrivent pas à terme, à l’image du Crotale. Mais, si ces frégates peuvent emporter un hélicoptère, elles ne sont pas équipées de sonars, contrairement à la moitié des avisos », a avancé M. Marilossian.

Pour rappel, sur cinq frégates légères furtives [FLF] de type La Fayette actuellement en service, trois vont subir une « rénovation à mi-vie » [les « La Fayette », « Courbet » et « Aconit »] afin d’en faire des bâtiments de premier rang et d’attendre ainsi la livraison de trois Frégates de défense et d’intervention [FDI]. Le sort des deux autres [les « Surcouf » et « Guépratte »] est pour l’instant inconnu… À moins qu’elles jouent donc les prolongations, comme l’a suggéré le député.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]