Un ex-ministre israélien arrêté pour espionnage au profit de… l’Iran

Motivations idéologiques, appât du gain, chantage, etc : plusieurs raisons peuvent pousser un individu à trahir son pays au profit d’un autre. Pour Gonen Segev, elles sont plus difficiles à cerner. Du moins pour le moment.

Ancien pilote militaire, médecin, élu député en 1992 et devenu ministre de l’Énergie trois ans plus tard après avoir voté les accords d’Oslo II à la Knesset, Gonen Segev a été arrêté, le 18 juin, par le Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien pour espionnage au profit d’une puissance étrangère. Et par n’importe laquelle puisqu’il s’agit de l’Iran, la bête noire de l’État hébreu pour ses activités dans les domaines du nucléaire et des missiles balistiques.

« C’est l’une des pires affaires d’espionnage de l’histoire israélienne », a commenté Chuck Freilich, ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale en Israël et actuellement membre du Belfer Center. En réalité, ce qui fait que cette histoire sort de l’ordinaire, tient au fait que jamais un ancien ministre n’avait jusqu’à présent été accusé de travailler pour l’Iran.

« C’est un très gros coup pour les Iraniens », a insisté M. Freilich, dans les colonnes du Times of Israel. Pour ce journal, « plus que les informations en elles-mêmes que l’Iran a pu obtenir de Segev, c’est le simple fait que l’ennemi juré d’Israël ait pu recruter un ancien ministre du cabinet qui est, en soi, une victoire majeure pour les services d’espionnage de la république islamique. »

Sur le fond, l’importance de cette affaire est à relativiser dans la mesure où Gonen Segev n’a plus eu de responsabilités officielles depuis son départ du gouvernement, en 1996. Si, de par ses fonctions, il a pu avoir une très bonne connaissance des réseaux énergétiques et des infrastructures israéliennes, les informations qu’il aurait éventuellement transmis à l’Iran étaient dépassées. Et en aucun il aurait pu fournir des renseignements sur le centre nucléaire de Dimona, étant donné que ce dernier dépend directement du Premier ministre israélien.

En outre, Gonen Segev est un personnage sulfureux. En 2004, il fut arrêté pour avoir tenté d’introduire en Israël 32.000 tablettes d’ecstasy. Pour sa défense, il prétendit avoir cru transporter des bonbons « M&Ms »… Mais les juges ne s’y trompèrent pas et le condamnèrent à cinq ans de prison.

Libéré alors qu’il lui restait les deux-tiers de sa peine à accomplir et ne pouvant plus exercer la médecine en Israël, Segev s’expatria au Nigeria… où il fut donc « harponné » par les services de renseignement iraniens, avec lesquels il communiquait, selon le Shin Bet, en utilisant une messagerie chiffrée. Toujours d’après la même source, il se serait même rendu en Iran à au moins deux reprises.

Éloigné de toute fonction officielle depuis 1996 ne vivant plus en Israël, quel aurait été l’intérêt des services iraniens de recruter Gonen Segev?

« Afin de remplir sa mission pour ses employeurs iraniens, Gonen Segev a pris contact avec des Israéliens travaillant dans le domaine de la sécurité afin de les introduire auprès de ses contacts iraniens présentés comme de simples hommes d’affaires », a expliqué le Shin Bet.

À Téhéran, on affirme ne pas connaître Segev… « Le régime sioniste est connu pour avoir falsifié des dossiers contre l’Iran. Après la violation de l’accord sur le nucléaire iranien par le gouvernement américain, nous sommes face à un nouvel épisode d’iranophobie. Les experts [israéliens] ont porté ces accusations [contre Segev] de façon à alimenter les efforts de Netanyahu pour créer de faux dossiers au sujet de l’Iran », accuse-t-on en retour.

Quant à la défense de Gonen Segev, elle est à peine plus crédible que l’histoire des M&Ms transformés en cachets d’ecstasy. Cette fois, il a prétendu avoir voulu jouer l’agent double afin d’espionner les Iraniens… Ce qui n’a évidemment pas convaincu le Shin Bet.

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