Un rapport suggère que la clause de défense collective de l’Otan prenne en compte les « menaces hybrides »

Contrairement à ce que son appellation laisse supposer, l’Assemblée parlementaire de l’Otan [AP-Otan], créée en 1955, est indépendante de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, sa vocation étant seulement de permettre aux députés et aux sénateurs des pays membres de l’Alliance de débattre de sujets liés à la sécurité.

Lors de sa dernière session, à Varsovie, plusieurs rapport relatifs à des questions de sécurité concernant l’Otan ont fait l’objet de discussions, dont un intitulé « Parades aux menaces hybrides émanant de la Russie : une mise à jour » [.pdf] et soumis par le britannique Lord Jopling.

Dans un premier temps, ce document revient en détail sur les activités « hybrides » de la Russie, lesquelles mêlent l’ingérence dans les processus électoraux, la désinformation (les « fausses nouvelles »), les cyberattaques, les pressions économiques (en particulier avec l’énergie), l’espionnage, les assassinats ciblés et l’usage de la force en combinant des approches conventionnelles et irrégulières.

« L’intention de la Russie de recourir à des tactiques hybrides transparaît dans divers documents, dont les plus récents sont la Doctrine militaire de 2014, la Stratégie de sécurité nationale de 2015 et la Doctrine pour la sécurité informatique et informationnelle de 2015. Ces textes préconisent l’élaboration de moyens effectifs d’influencer l’opinion publique à l’étranger et, en cas de besoin, l’emploi de méthodes ‘non traditionnelles' », est-il ainsi rappelé dans le rapport de Lord Jopling.

S’estimant menacés par la Russie, en raison du poids du passé, de leur position géorgraphique et/ou de la présence, parmi leurs populations, d’une part non négligeables de russophones, les pays baltes et la Pologne ont obtenu de la part de l’Otan des mesures dites de « réassurance ». Et ces dernières sont traduites par le déploiement de quatre bataillons multinationaux sur le flanc oriental de l’Alliance, ainsi que par un renforcement capacitaire dans la région de la mer Noire.

Ces mesures visent à augmenter le « coût » d’une éventuel agression contre ces pays. Mais pour Lord Jopling, elles demeurent insuffisantes pour contrer les menaces hybrides étant donné que ces dernières « ne sont généralement pas susceptibles de déclencher l’application des dispositions de l’article 5 » du Traité de l’Atlantique Nord (ou de Washington), lequel stipule qu’une attaque contre un membre de l’Otan doit être considérée par les Alliés comme une attaque contre eux. Cette clause n’a, à ce jour, été invoquée qu’une seule fois : au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, par les États-Unis.

« En ces temps de guerre hybride, souligne le rapport, il faut se rabattre sur l’article 3, qui évoque la collaboration et l’assistance mutuelle sans aller jusqu’à la défense collective, et sur l’article 4, qui oblige les Alliés à se consulter lorsque la sécurité de l’un d’eux est menacée. L’action collective est fonction d’une évaluation unanime de la menace, évaluation que les tactiques hybrides de la Russie visent à empêcher. »

Aussi, Lord Jopling a repris une proposition faite récemment par William Hague, un ancien chef du Foreign Office britannique, pour qui la « remise à niveau de l’Otan […] signifierait que l’Alliance occidentale, tellement habituée à choisir entre le noir de la guerre et le blanc de la paix, s’adapterait enfin au monde nouveau que chérit passionnément M. Poutine et que reflète la victoire électorale de ce dernier : un monde d’un gris permanent. »

Ainsi, pour le parlementaire conservateur britannique, il faudrait insérer un « article 5bis » dans le traité de l’Atlantique Nord afin de baisser le seuil qui déclencherait l’activation éventuelle de la clause de défense collective.

Cet article 5bis « préciserait qu’une attaque hybride déclencherait une riposte collective de l’Alliance », lit-on en effet dans le rapport de Lord Jopling. Et ce dernier d’ajouter : « Il se peut que la modification d’un traité ayant subi avec succès l’épreuve du temps ne sourie guère aux Alliés, mais le rapporteur a la conviction que les dirigeants des pays membres devraient peut-être, même dès leur prochain sommet, qui se tiendra à Bruxelles en juillet, entamer la rédaction d’un nouveau concept stratégique de l’Alliance qui refléterait la nouvelle réalité mondiale en matière de sécurité, à commencer par la montée des menaces hybrides. »

Que feront les Alliés de cette proposition visant à inclure un article 5bis dans le Traité de l’Atlantique-Nord? En attendant, le sujet des menaces hybrides sera au menu du prochain sommet de l’Otan, qui aura lieu à Bruxelles les 11 et 12 juillet prochains.

« Nous voyons une Russie plus déterminée, intervenant dans des processus démocratiques internes, responsable de cyberattaques, investissant considérablement dans des capacités militaires modernes, brouillant la distinction entre forces conventionnelles et nucléaires, et, nous l’avons vu en 2014, capable de recourir aux forces armées contre un voisin, pour annexer illégalement la Crimée et déstabiliser l’Est de l’Ukraine », a ainsi résumé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance, devant l’Assemblée parlementaire de l’Otan, ce 28 mai.

Aussi, a ajouté M. Stoltenberg, « à Bruxelles, il s’agira de voir « comment améliorer les capacités de transporter les forces, car la dissuasion et la défense ne dépendent pas uniquement de la présence de forces déployées, mais aussi de notre capacité de déplacer des renforts. »

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