Centrafrique : Deux Mirage 2000D ont survolé Kaga Bandoro pour dissuader des groupes armés

À nouveau, la Centrafrique est au bord de connaître des affrontements intercommunautaires, comme en 2013. Le 1er mai dernier, l’église de Fatima a été attaquée par des hommes armés venus du quartier du musulman PK5 alors qu’une messe y était célébrée. Bilan : un dizaine de tués, dont un abbé respecté par les communautés chrétiennes et musulmanes, et de nombreux blessés parmi les fidèles.

Cette attaque, probablement provoquée par un incident entre un certain « Moussa Empereur », un responsable de la milice « Force », et des gendarmes centrafricains, a ensuite donné lieu à une réaction en chaîne, une foule en colère ayant détruit une mosquée et lynché deux musulmans.

Le porte-parole de la Mission des Nations unies en Centrafrique [MINUSCA], Vladimir Monteiro, a évqué des « incidents regrettables, incompréhensibles » qui sont « encore une fois les exactions des éléments du groupe criminel Force et ensuite une foule qui a réagi en essayant de s’en prendre à des civils innocents. »

« Il s’agit ici d’une énième tentative de provocation de ceux qui ont pensé que le moment était venu de provoquer, de créer le trouble afin que l’on parle encore de conflit confessionnel dans notre pays », a commenté Ange Maxime Kazagui, le porte-parole du gouvernement centrafricain. « Nous avons la conviction ferme qu’il s’agit là d’une manipulation des auteurs de la ruée vers Kaga-Bandoro, afin de créer une psychose, afin d’atteindre leurs desseins », a-t-il ajouté.

Depuis avril, en effet, au moins trois groupes armés de l’ex-coalition rebelle de la Séléka, dont la prise du pouvoir, en 2013, a plongé la Centrafrique dans un cycle de violences dont elle peine à sortir, se sont rassemblés à Kaga-Bandoro, d’où ils menacent de « descendre sur Bangui », située à 330 km plus au sud, pour défendre les musulmans.

Ces groupes armés, dont le Front Populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC, dirigé par Noureddine Adam), le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC) et l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC, commandé par Ali Darassa), ont pu mettre la main sur des gisements miniers, ce qui leur permet de disposer d’assez de ressources financières pour se procurer des armes. « Les activités criminelles sont transnationales, mais l’État centrafricain n’a pas les moyens de contrôler ses frontières. C’est un grand sujet de préoccupation », confiait récemment au Point, Bertin Béa, le secrétaire général du parti politique Kwa Na Kwa (KNK).

Le 4 mai, la MINUSCA a contré un mouvement du FPRC vers Bangui, en neutralisant, grâce à l’intervention d’un hélicoptère d’attaque, des combattants rebelles entre Ndomété et Dékoa. Un véhicule de type pick-up a été détruit, un « élément armée » a été arrêté et une « importante quantité de munitions de petit calibre et de roquettes ainsi que des uniformes et des radios de communication » ont été saisis.

« La Force de la MINUSCA poursuit actuellement son opération entre Ndomété et Dékoa, avec des patrouilles terrestres mais aussi des moyens aériens pour localiser le reste des éléments et s’assurer que toute tentative du FPRC de descendre vers le sud est neutralisée par les casques bleus », avait alors expliqué la mission de l’ONU, dans un communiqué.

Mais, visiblement, ces actions sont insuffisantes. D’où le survol de Kaga Bandoro, le 13 mai, par une patrouille de deux Mirage 2000D de l’armée de l’Air, basés à N’Djamena au titre de l’opération Barkhane.

« Une patrouille de Mirage 2000D a procédé à un ‘show of force’. L’appui a été sollicité par la Minusca pour renforcer le caractère dissuasif de son dispositif », a en effet indiqué le colonel Patrik Steiger, le porte-parole de l’État-major des armées (EMA).

Un « show of force » (ou démonstration de force) consiste à faire voler des avions de combat à très basse altitude pour dissuader une attaque ou faire « décrocher » des éléments armés. La France peut intervenir pour appuyer la MINUSCA si cette dernière est « gravement menacée », ce qui devait être le cas quand elle a demandé l’intervention des Mirage 2000D.

Ayant mis fin à l’opération Sangaris en octobre 2016, la France est toujours présente militairement en Centrafrique, notamment via la mission européenne EUTM RCA. Elle dispose également d’une unité de drones tactiques Sperwer, mis en oeuvre par le 61e Régiment d’Artillerie.

La France est « préoccupée par la persistance des violences et des activités déstabilisatrices perpétrées par les groupes armés à Bangui et dans le reste du pays », a affirmé, le 14 mai, Agnès von der Mühll, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères. « Elle réitère son soutien au président Touadera et aux autorités centrafricaines, appuyés par la MINUSCA, dans leurs efforts pour rétablir la sécurité et l’autorité de l’État sur tout le territoire », a-t-elle continué.

Enfin, a ajouté Mme von der Mühll, Paris « encourage la MINUSCA à poursuivre la mise en oeuvre robuste de son mandat, notamment pour s’opposer à toute tentative d’infiltration de groupes armés en direction de la capitale » et « appelle l’ensemble des groupes armés à déposer les armes et à s’engager sans délai et sans condition dans le processus de paix. »

Photo : Archive (c) armée de l’Air/EMA

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