Face au manque de personnels, l’armée de l’Air n’exclut pas de nouvelles restructurations

 

Les deux dernières Lois de programmation militaire ont littéralement « rincé » l’armée de l’Air dans le domaine des effectifs, alors que son activité va largement au-delà du contrat opérationnel qui lui avait été fixé.

En juin dernier, le général Olivier alors commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), fit état d’une « situation très critique » au niveau des ressources humaines. « Avec seulement 35.000 militaires et civils affectés au sein des unités de l’armée de l’Air, il nous manque plusieurs milliers d’effectifs pour fonctionner correctement », avait-il expliqué.

Le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général André Lanata, ne dit pas autre chose. Et il a de nouveau sonné le tocsin lors de son dernier passage à l’Assemblée nationale, pour son audition par la commission de la Défense. « J’estime notre modèle en danger », a-t-il lancé. « Il s’agit de ma principale préoccupation et de la priorité de mes priorités », a-t-il insisté.

Si l’armée de Terre a « gagné la bataille des effectifs », comme s’en est félicité son chef d’état-major, le général Jean-Pierre Bosser (encore que, tout n’est pas encore parfait…), c’est loin d’être le cas des aviateurs.

« Après les mesures prises dans l’actualisation de la LPM [Loi de programmation militaire, ndlr] et lors du Conseil de défense d’avril 2016, l’armée de l’Air, à elle seule, supporte plus de 50 % des réductions d’effectifs du ministère sur la LPM en vigueur », a déploré le général Lanata. Ce qui s’est traduit par la fermeture de 17 bases aériennes depuis 2008.

Conséquence : cette situation crée des tensions sur la charge de travail, tensions qui, à leur tour, génèrent des problèmes de fidélisation d’autant plus importants que certaines spécialités sont particulièrement recherchées par le secteur civil, avec des conditions et des salaires meilleurs.

« 70 % des militaires du rang fusilier commando ne vont pas au terme de leur premier contrat. Chez les spécialistes des systèmes d’information, nous n’arrivons à recruter que 60 % du personnel requis », a détaillé le CEMAA. « Les domaines du renseignement, des mécaniciens aéronautiques, des contrôleurs aériens, des spécialistes des infrastructures de nos bases projetées et de l’armement des centres de commandement font l’objet de difficultés comparables, d’autant qu’il s’agit souvent de spécialités de haut niveau soumises à une forte concurrence du secteur privé », a-t-il ajouté.

Au problème de la fidélisation vient, en plus, s’ajouter celui de l’attractivité. « Aujourd’hui, le contexte sécuritaire mais aussi les valeurs portées par notre institution créent une dynamique favorable aux armées. En théorie nous ne devrions donc pas rencontrer de problèmes d’attractivité. Pourtant il en existe », a déploré le général Lanata.

Selon lui, ils sont dus « à la concurrence du secteur privé qui, dans le domaine de l’aéronautique et des technologies que nous mettons en œuvre, est assez dynamique et manque de personnel qualifié. » Et « je ne peux pas lutter en matière de rémunérations et cela vaut autant pour recruter que pour conserver un personnel hautement qualifié », a expliqué le CEMAA.

Pourtant, a-t-il dit, « le rêve est toujours présent et les métiers aéronautiques restent attractifs. Le problème est qu’une fois entré dans l’institution, la réalité est parfois en décalage avec le rêve… ».

Et cette réalité recouvre les questions liés à « la rémunération, aux conditions de vie et de travail sur les bases aériennes, l’organisation et la qualité des soutiens, la qualité des infrastructures, la disponibilité des équipements de mission ou des pièces de rechanges, qui conduisent parfois nos mécaniciens à devoir ‘cannibaliser’ certains appareils pour en faire fonctionner d’autres, augmentant ainsi d’autant la charge de travail, etc », a énuméré le général Lanata.

Cette question des effectifs est centrale. « À la différence d’unités des autres armées, nos bases aériennes métropolitaines doivent continuer à fonctionner quand nous sommes déployés en opérations. […] Nos 4 bases aériennes projetées sont armées par du personnel prélevé sur toutes les bases aériennes de métropole », a expliqué le CEMAA. Aussi, a-t-il continué, « la difficulté consiste à disposer d’un modèle suffisamment ‘épais’ pour être capable d’armer ‘l’avant’ sans créer des tensions insupportables à ‘l’arrière' ». Or, « aujourd’hui j’estime notre modèle d’effectifs inadapté », a-t-il dit.

Alors, quelles solutions pour faire face à cette situation alors que la marge de manoeuvre est étroite? Le plan d’amélioration des conditions de vie des militaires, récemment annoncé, ne pourra apporter qu’une petite partie de la réponse. Au passage, le général Lanata trouve, sur ce point « incompréhensible et même inadmissible que les mesures prises en faveur de la fonction publique ne soient pas transposées immédiatement aux militaires. »

Mais, à vrai dire, et pour le moment, il n’y a pas de réponse… puisque le général Laata a demandé à son état-major de les chercher. « Je n’exclus aucune piste », a-t-il dit aux députés. Et parmi celles qui l’a citées, l’on trouve le recours aux externalisation ainsi qu’à la sous-traitance et, « en ultime recours », de nouvelles restructurations, qui viendraient éventuellement s’ajouter à la fermeture des 17 bases en 10 ans et à la suppression de la moitié des commandements.

Ces possibles restructurations ne se feraient seulement que si le général Lanata y est contraint. « Parce que j’en connais le coût », notamment humain », a-t-il dit.

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