La formation des policiers afghans par les États-Unis a été improvisée

Les rapports du SIGAR [Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction], l’organisme américain chargé de contrôler a politique afghane des États-Unis depuis 2001, doivent constituer une source inépuisable pour les spécialistes de la théorie des organisations. Et ils aideront sans doute aussi les historiens à comprendre (ou à ne pas comprendre) l’enchaînement des faits qui ont amené la situation dans laquelle se trouve actuellement l’Afghanistan…

Entre les gaspillages et les décisions aussi surprenantes que contestables relevés, année après année, par le SIGAR, il n’y a que l’embarras du choix. C’est ce qui explique que, 16 ans après le début de l’intervention américaine et 70 milliards de dollars dépensés pour bâtir des forces de sécurité afghanes, le gouvernement de Kaboul contrôle à peine 60% de son territoire.

Et parmi ces éléments qui ont abouti à la situation actuelle, John Sopko, le chef du SIGAR, vient de pointer la formation des forces afghanes de police. Et visiblement, Washington a donné dans l’improvisation la plus totale.

Ainsi, a relevé M. Sopko, les États-Unis ne dispisant pas d’une unité spécifique « de la formation en environnement hostile », l’instruction des policers afghans a de facto été déléguée aux militaires, dont ce n’est pas le métier.

« L’un des officiers a regardé des séries télé comme NCIS (…) pour savoir ce qu’il devait enseigner », a ainsi révélé le chef du SIGAR, le 21 septembre, lors d’une intervention devant le Center for Strategic and International studies.

« Dans l’est de l’Afghanistan, nous avons rencontré un pilote d’hélicoptère de l’armée américaine chargé de l’enseignement du maintien de l’ordre », a encore raconté M. Sopko.

Quant au contenu des formations, il était basé (et l’est-il encore?) sur des « PowerPoint hérités des opérations de l’Otan… dans les Balkans. » Et le chef du SIGAR d’insister : « Les présentations étaient non seulement d’une pertinence contestable pour l’Afghanistan, mais omettaient également le fort taux d’illettrisme dans la police. »

Dans le fond, les rapports du SIGAR ne sont guère surprenants. En octobre 2011, et alors qu’il venait d’être relevé de son commandement en Afghanistan pour avoir critiqué le président Obama, l’ex-général américain Stanley McChrystal, avait déjà pratiquement tout dit.

« Nous n’en savions pas assez et nous n’en savons pas encore assez. […] La plupart d’entre-nous – moi y compris – avions une compréhension très superficielle de la situation et de l’histoire (de l’Afghanistan) et nous avions une vue terriblement simpliste de l’histoire récente », avait-il admis, devant le Council on Foreign Relations. « Les forces américaines ne connaissaient pas les langues du pays et n’ont pas fait un effort efficace pour les apprendre », avait-il aussi affirmé.

Photo : Policiers de l’Afghan local police

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