Armée de Terre : Le programme Scorpion serait épargné par le coup de rabot sur le budget de la Défense

Il est toujours désagréable de faire le rabat-joie. Mais il est en effet à craindre que la promesse du président Macron de porter le budget des Armées à 34,2 milliards d’euros (soit +1,8 milliard, selon lui) ne soit pas suffisante par rapport à ce qui avait été prévu par la Loi de programmation militaire 2014-2019 actualisée.

Déjà, il s’agira de rattraper la coupe de 850 millions d’euros effectuée cette année. « Diminuer les moyens décidés pour 2017 rendra d’autant plus difficile le financement de ceux de l’année 2018 », avait en effet prévenu Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, peu avant les derniers arbitrages budgétaires.

Ensuite, comme l’a indiqué le président Macron, la provision pour financer les opérations extérieures passera de 450 à 650 millions d’euros. Et sur ce qu’il restera de la hausse annoncée, il faudra compter les 200 millions prévus pour le renforcerment de la protection des militaires (et honnêtement, on ne voit pas à quoi cette somme correspond.

Enfin, rien ne laisse supposer que les surcoûts des opérations extérieures et intérieures seront beaucoup moins importants en 2018 qu’en 2017 (et on n’est pas à l’abri d’une nouvelle intervention). Ce qui veut dire que les Armées devront vraisemblablement combler, encore une fois, la différence étant donné que pour le budget de l’an prochain, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner (celui qui goûte peu la poésie « revendicative ») a d’ores est déjà averti qu’il fallait s’attendre « à des lendemains plus difficiles encore ».

Quoi qu’il en soit, la difficulté pour les armées est de pouvoir boucler l’exercice 2017. Comme l’on pouvait s’y attendre, car il est compliqué de faire autrement, l’effort de 850 millions d’euros demandés par le ministère de l’Action et des Comptes publics portera sur le programme 146, c’est à dire l’équipement des forces. Quels investissements seront concernés?

Lors de son passage devant les députés de la commission de la Défense, le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), n’a pas été en mesure de préciser les « secteurs concernés » par l’annulation des 850 millions de crédits. En tout cas, il n’a aucune inquiétude sur la poursuite du programme Scorpion (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), crucial car il vise à remplacer les véhicules blindés, dont certains affichent 40 ans de service.

Pour rappel, il s’agit d’acquérir 1.722 VBMR (*) lourds « Griffon » et 558 VBMR légers ainsi que 248 EBRC (**) Jaguar et 200 chars Leclerc rénovés. Pour le moment, 319 « Griffon » et 20 « Jaguar » ont d’ores et déjà été commandés. La notification du marché de développement et de production du VBMR léger est attendue pour 2018.

« Quant à ce que cette coupe budgétaire ralentisse le développement du programme Scorpion, cela m’étonnerait beaucoup : c’est le programme qui a d’emblée attiré l’intérêt de la ministre, qui souhaite faire preuve de souplesse dans l’acquisition des équipements. Et il est vrai qu’en matière d’acquisitions d’équipements, l’armée de terre reste tout de même l’armée la plus ‘agile’ : construire des sous-marins ou des avions, ce sont des programmes qui s’inscrivent probablement plus dans la durée », a expliqué le général Bosser.

Seulement, si il serait étonnant que cette coupe ralentisse le programme Scorpion, serait-elle susceptible d’empêcher son accélération? Une accélération que le CEMAT défend avec ardeur car, justement, elle permettrait de faire des économies tout en augmentant le potentiel opérationnel et la protection de ses troupes.

L’argument du général Bosser est simple : au lieu d’investir des sommes importantes pour « reconstruire » des Véhicules de l’avant blindé (VAB) de 40 ans d’âge, usés jusqu’à la corde par les opérations (notamment au Sahel), autant utiliser cet argent pour avancer la livraison de leurs remplaçants, c’est à dire les Griffon.

« Va-t-on continuer à dépenser des sommes conséquentes pour reconstruire et réparer de vieux équipements, ou va-t-on investir cet argent dans l’acquisition d’équipements de nouvelle génération? », a en effet demandé le CEMAT. « Mais quelle sera la capacité des industriels à accélérer la cadence de livraison? S’ils savent le faire, à périmètre financier identique, on pourra s’interroger : faut-il reconstruire et régénérer un VAB, alors que pour un coût équivalent ou à peine supérieur, nous pourrons acquérir des VBMR légers ou des Griffon neufs et bien plus performants? », a-t-il insisté.

En tout état de cause, « la réponse est entre les mains des industriels qui ont besoin de visibilité horizontale », a continué le général Bosser. « Si on leur annonce une réduction de la reconstruction des VAB et une accélération du programme Scorpion, il leur faudra modifier leurs chaînes, les ouvriers devant s’adapter en conséquence – d’où toute l’importance de la loi de programmation militaire », a-t-il ajouté.

Mais si cette accélération du programme Scorpion est possible, alors il ne faudra pas hésiter. « Sauf à être amoureux des véhicules anciens… », a malicieusement glissé le CEMAT.

(*) Véhicule blindé multi-rôles
(**) Engins blindés de reconnaissance et de combat

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