Débat houleux sur les opérations extérieures à l’Assemblée nationale

confidentiel-20160826En vertu de l’article 4 de la Loi de programmation militaire 2014-2019 actualisée, un débat (sans vote) sur les opérations extérieures a été organisé au Parlement, le 19 octobre.

Si, au Sénat, les différents orateurs ont livré un débat de bonne tenue, il n’en pas été de même à l’Assemblée nationale où, échéances électorales obligent, certains intervenants ont fait preuve d’amnésie, à l’image du député (LR) Philippe Meunier, lequel a visiblement oublié les réductions d’effectifs faites au sein des armées lors du précédent quinquennat.

Mais la charge la plus rude est venue du député (LR) Pierre Lellouche, qui s’en est pris particulièrement au président Hollande. En cause : les confidences faites par ce dernier aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Le Monde) et publiées dans le livre « Un président ne devrait pas dire ça…« .

En matière de défense, il y a effectivement des choses qui ne sont pas bonnes à dire. Parce qu’il n’y a aucun intérêt à les révéler et que cela peut mettre la France en porte-à-faux vis-à-vis de pays tiers, d’autant plus qu’elles sont illégales.

Ainsi, la pratique veut que l’on ne parle pas des opérations « homo » de la Direction générale de sécurité extérieure (DGSE), c’est à dire les assassinats ciblés contre des personnes menaçant la sécurité du pays. On sait qu’elles existent mais elles doivent rester confidentielles. Or, le président Hollande a brisé ce tabou en confessant aux journalistes du Monde qu’il en avait ordonné au moins quatre.

D’après Vincent Nouzille, auteur du livre « Les tueurs de la République : Assassinats et opérations spéciales des services secrets« , l’une d’entre-elles aurait permis de « neutraliser », en Afghanistan, le mollah Hazrat, responsable de l’embuscade d’Uzbeen, au cours de laquelle 10 militaires français furent tués. Une autre a visé, en collaboration avec les États-Unis, Ahmed Abdi « Godane », le chef des Shebab somaliens, responsable de la mort de trois membres du service action de la DGSE, en janvier 2013, dont l’adjudant-chef Denis Allex, alors retenu en otage (d’ailleurs, dans le livre en qeustion, le président Hollande évoque en détail l’opération qu’il avait décidée pour libérer ce dernier).

En outre, il est difficile de ne pas faire le lien entre les frappes aériennes qui ont visé tous les responsables d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et l’attentat contre Charlie Hebdo qu’ils avaient revendiqué… D’après les journalistes du Monde, une liste de 17 chefs terroristes à neutraliser existerait…

Quoi qu’il en soit, pour le député Pierre Lellouche, le président Hollande en dit trop… Et ses « révélations » sont « intolérables et même dangereuses ».

Déplorant que les parlementaires ne soient pas assez informés sur les opérations en cours (alors que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est convoqué régulièrement devant les commissions ad hoc des deux assemblées), M. Lellouche a critiqué le fait que « le président de la République (…) soigne les journalistes au point de leur confier, des dizaines d’heures durant, les détails les plus secrets de nos actions diplomatiques ou militaire », en faisant allusion au livre « Un président ne devrait pas dire ça. »

« Comment peut-on imaginer (…) que le président de la République, chef des armées, s’installe dans le rôle de commentateur en temps réel de décisions les plus secrètes en matière d’emploi de la force » ou « communique par le menu des conversations avec les présidents Obama et Poutine. Comment imaginer que le président de la République leur confie le ciblage de bombardements français sur des objectifs en Syrie, et que des documents confidentiels soient fuités aux journalistes puis publiés dans leur journal? », s’est offusqué le député.

Sur ce dernier point, M. Lellouche fait référence à un article du journal Le Monde, publié cet été et illustré par un document « confidentiel défense » donnant la « timeline » du raid envisagé contre le régime de Bachar el-Assad après l’attaque chimique de la Goutha, en août 2013. Et contrairement à ce qu’il sous-entend, les cibles que les Rafale devaient viser n’y figuraient pas. Mais il est toutefois vrai qu’un tel papier n’aurait pas dû se trouver aux mains de journalistes et encore moins être diffusé, même si les informations qu’il contenait ne prêtaient plus à conséquence.

Outre les « conditions de libération des otages par les forces spéciales », notamment que « la France paye les preneurs d’otage, directement ou indirectement », M. Lellouche a encore reproché au président Hollande ses propos sur les assassinats ciblés de terroristes, dont la liste a été « passée aux journalistes ». « Les bras m’en tombent », a-t-il dit.

Aussi, pour le député, « la question de l’application de l’article 68 est désormais posée. » En clair, il s’agit ni plus ni moins de destituer le président Hollande de ses fonctions.

Cet article de la Constitution stipule en effet que le président de la République « ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », par le Parlement constitué en Haute Cour. »

S’agissant des opérations « homo » contre des chefs terroristes, un autre député LR, Claude Goasguen (par ailleurs admirateur de Vladimir Poutine, qui ne se prive pas d’en ordonner…) s’est demandé si elles ne relevaient pas de la Cour pénale internationale. Des propos qui rejoignent ceux de Jean-Luc Mélenchon.

« Je mets en garde François Hollande. Il ferait bien d’y réfléchir. La France a signé [pour] le tribunal pénal international et le Mali aussi », a dit le candidat du Parti de gauche, sur les ondes de RMC. Et d’ajouter : « Il y a un problème, il y en aura un bien vite. J’espère qu’il va démentir ce qu’il y a dans le livre qui lui est consacré où il reconnaît des assassinats ciblé. » Cela dit, de Bamako à Mogadiscio en passant par Niamey et N’Djamena, l’on ne doit pas être mécontent de ces opérations « homo » contre des chefs jihadistes… Quoi qu’il en soit, si la parole est d’argent, le silence est toujours d’or… surtout dans ce domaine.

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