Présidentielle 2017 : Alain Juppé veut un effort significatif, cohérent et crédible en faveur des armées

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Deux jours après Bruno Le Maire, l’un de ses concurrents à la primaire de la droite et du centre, l’ancien Premier ministre Alain Juppé a publié ses propositions en matière de politique de défense, après un déplacement à l’École nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) de Saint-Maixent.

Pour rappel, Bruno Le Maire, qui veut rétablir l’État dans ses missions régaliennes, a proposé d’instaurer un nouveau modèle d’armée et d’augmenter significativement les moyens de la Défense afin de porter son budget à 2% du PIB (soit 58 milliards d’euros) en 10 ans. Pour le député de l’Eure, la priorité est de recentrer l’État sur ses missions régaliennes.

Le constat que font les deux hommes sur la situation internationale est identique, à la différence, peut-être, que M. Juppé est plus précis.

« Du Grand Nord et de la Baltique jusqu’aux rives atlantiques de l’Afrique en passant par la mer Noire et le Moyen-Orient, tout le pourtour de l’Europe est aujourd’hui le théâtre de crises ouvertes ou de tensions susceptibles de dégénérer. Les effets de ces abcès de fixation durables – attentats terroristes, vagues migratoires massives, trafics en tous genres, ou, à l’Est, menaces de déstabilisation – rejaillissent directement sur la sécurité de tous les pays européens », souligne l’actuel maire de Bordeaux.

Et M. Juppé note encore la « volonté marquée par la Russie et la Chine de rétablir leur statut de grande puissance et de faire pression sur leurs voisins », avec « la vigoureuse politique d’armement » que ces deux pays ont lancée, « l’essoufflement
relatif de la suprématie américaine », la « course aux armements » des puissances régionales situées dans des zones de tension, ce qui « accroît le risque de conflit armé », le « comportement imprévisible de certains de ces acteurs » ou encore les « manifestations agressives que provoquent le retour des nationalismes ou des tentations impérialistes ».

En outre, l’ancien Premier ministre relève que « l’Europe peine depuis toujours à se concevoir comme un acteur stratégique sur la scène internationale, capable de se défendre par lui-mêmee et estime donc que « l’Otan constitue, à ce jour, le seul cadre militaire structuré dans lequel peut s’inscrire une action d’envergure commune à plusieurs pays européens. »

S’agissant des forces françaises, M. Juppé ne manque pas de faire remarquer que leurs contrats opérationnels sont largement dépassés et que la multiplication des engagements pèse non seulement sur les hommes mais aussi sur les matériels. Au passage, il épingle l’opération intérieure Sentinelle, qui mobilise les armées « de manière excessive. »

Par ailleurs, et comme l’a déjà fait remarquer Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, M. Juppé pointe l’usage plus fréquent, par des acteurs étatiques ou non, de technologies dites nivelantes qui remettent en cause l’avantage technologique occidental.

« La diffusion croissante de technologies bon marché et la facilité avec laquelle la mondialisation permet les trafics d’armes favorisent la constitution d’organisations ou de bandes armées irrégulières, équipées de matériels de guerre modernes et d’outils de communication performants, dont les modes opératoires brouillent également les repères de la guerre classique », explique-t-il.

Face à ce constat, M. Juppé veut faire le choix de la cohérence. Pour commencer, il estime qu’il faut « considérer l’ensemble des menaces avérées ou probables » auxquelles la France, seule ou avec ses alliés, « devra faire face dans les années à venir » et non se focaliser essentiellement sur le terrorisme « d’origine islamiste », aussi grave soit-il.

« Les limites aujourd’hui atteintes par l’emploi en opération de nos forces terrestres, navales et aériennes nous obligent à être très attentifs à notre politique d’engagement et à ses effets sur le potentiel de notre armée. Nous devons en effet être en mesure de disposer en permanence des moyens de faire face à de nouvelles crises qui, en raison de leur impact sur notre sécurité, requièrent une réponse immédiate et parfois durable », explique celui qui fut ministre de la Défense en 2010.

Aussi, ajoute-t-il, « le rétablissement de la cohérence sur la durée de notre outil de défense, militaire, nucléaire et industriel, compromise par des lacunes et des impasses aujourd’hui manifestes, est un objectif prioritaire ». Et cela implique de « trouver un équilibre plus robuste entre les différentes fonctions et capacités qui y concourent », que ce soit au niveau des effectifs, de l’entraînement, des équipements, du maintien en condition opérationnelle ou encire du développemet de nouvelles technologies.

Pour cela, M. Juppé, qui ne tient pas à faire des promesses « irréalistes », veut que le budget de la Défense cesse d’être une « variable d’ajustement des comptes de l’État » et qu’il soit porté à 2% du PIB d’ici 2025. Ce qui passe par une augmentation des crédits des armées d’au moins 7 milliards en valeur absolue en 2022. Cet objectif n’est pas si éloigné que celui proposé par Bruno Le Maire ainsi que par le programme des Républicains…

Cet effort permettra d’entreprendre le renouvellement des deux composantes – aéroportée et océanique – de la dissuasion nucléaire, qui restera la pierre angulaire de la politique de défense française. Mais il s’agit aussi d’accélérer « la dotation des forces en capacités clés nécessaires à l’entrée en premier dans des zones de conflit de haute intensité », de « restaurer les capacités de surveillance maritime de nos DOM-TOM », de veiller au maitien en condition opérationnelle des équipements et de « reconstituer les stocks de munitions ».

Concernant le lien armée-nation, M. Juppé ne reprend pas l’idée d’un retour au service militaire obligatoire pour les jeunes ayant quitté le système scolaire sans diplôme (et qui figure dans le programme de son parti). Au contraire, il faut selon lui « recentrer » les armées sur leurs « missions prioritaires ».

Cela étant, et alors qu’il avait récemment affirmé qu’un « militaire, ça ferme sa gueule ou ça s’en va », M. Juppé rectifie le tir en disant vouloir favoriser « l’expression des militaires » et valoriser « leur contribution à la réflexion sur les questions stratégiques et de défense. » Avant lui, Bruno Le Maire avait estimé qu’un « un officier qui se tait, c’est un officier qui ne pense plus ».

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