Des armes destinées aux rebelles syriens détournées par des officiers du renseignement jordanien

Le 9 novembre 2015, soit 10 ans après les attentats revendiqués par Al-Qaïda contre des hôtels à Amman, un officier de police jordanien, le capitaine Anwar Abou Zeid ouvrait le feu dans un centre international pour l’entraînement de la police, situé dans la région d’Al-Mowaqer, à une trentaine de kilomètres de la capitale du pays. Deux conseillers américains, employés par la société DynCorp ainsi qu’un ressortissant sud-africain furent tués.

À l’époque, le président Obama avait indiqué qu’une « enquête approfondie était en cours » tout en assurant que Washington allait travailler « en étroite collaboration » avec Amman pour « déterminer exactement ce qu’il s’était passé ».

Quelques mois plus tard, il a été établi, grâce à leurs numéros de série, que des armes utilisées par le capitaine Anwar Abou Zeid étaient initialement destinées aux rebelles syriens par la CIA, dans le cadre de l’opération « Timber Sycamore », menée en collaboration avec les services de renseignement saoudiens.

Ainsi, selon le New York Times, des officiers la Direction générale du renseignement jordanienne (GID, ou Mukhabarat) ont détourné ces armes, d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars, pour les revendre ensuite au marché noir.

Ces détournements, d’après le quotidien, mettent en évidence les ratés et les conséquences imprévues des programmes visant à armer et former les rebelles syriens alors même que l’administration Obama avait assuré qu’ils feraient l’objet d’un contrôle strict.

Toutefois, les armes destinées aux Force démocratiques syriennes (FDS), qui, composées des milices kurdes des YPG et de groupes arabes armés, sont en première ligne face à l’État islamique (EI ou Daesh), n’ont pas été concernées par ce trafic, qui a donc permis à des officiers du renseignement jordanien de mener grand train jusqu’à ce que les autorités d’Amman y mettent fin, il y a quelques mois.

Quant aux armes détournées, les enquêteurs n’ont pas de certitude au sujet de leur destination finale. Cependant, ils estiment que beaucoup d’entre elles sont tombées dans les mains des tribus jordaniennes et de contrebandiers quand elles n’ont pas quitté la Jordanie.

« Il est difficile de savoir si l’actuel chef du Mukhabarat, le général Faisal al-Shoubaki, a eu connaissance des vols d’armes fournies par la CIA et l’Arabie saoudite. Mais plusieurs responsables du renseignement jordanien ont dit que des officiers supérieurs à l’intérieur du service en ont eu connaissance et qu’ils ont fourni une couverture pour les officiers de rang inférieur », écrit le New York Times.

Par le passé, des directeurs du renseignement jordanien ne furent pas toujours des parangons de vertu. Ainsi le général Samih al- Battikhi (patron du Mukhabarat entre 1995 et 2000) fut démis de ses fonctions et condamné à 8 ans prison pour avoir trempé dans un vaste système de fraude bancaire. L’un de ses successeurs, le général Mohammad al-Dahabi (2005-2009), fut reconnu coupable de blanchiment d’argent, de détournement de fonds et d’abus de pouvoir et dut restituer 30 millions de dollars.

Si aucune ombre ne plane sur les relations entre les États-Unis et la Jordanie, il n’en reste pas moins que la CIA a connu des difficultés avec le Mukhabarat. En 2009, un médecin recruté par le service jordanien pour ses liens supposés avec l’état-major d’al-Qaïda s’était fait exploser sur la base américaine de Khost, en Afghanistan, tuant 5 agents de la Centrale de Langley engagés dans la traque de Ben Laden.

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