M. Sarkozy veut augmenter les dépenses militaires de 32 milliards lors du prochain quinquennat

sarkozy-20160102L’élaboration du dernier budget de la Défense du quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été compliquée. Pourtant annoncé en hausse de 1,8%, il dut subir plusieurs coupes avant même d’entrer en vigueur. Ceux qui ont de la mémoire se souviendront sans doute que Gérard Longuet, alors ministre, s’était rendu au moins à deux reprises (et à une semaine d’intervalle) devant les députés de la commission de la Défense pour expliquer ces baisses de crédit.

« Le ministère de la défense est largement mis à contribution, à la différence d’autres ministères moins sollicités voire exonérés, comme ceux chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’aide publique au développement ou du pôle emploi. Ce choix me semble tout à fait légitime », avait même estimé le ministre, le 8 novembre 2011, devant les députés.

Pour situer cet épisode dans son contexte, il faut rappeler que les forces françaises étaient toujours engagées en Afghanistan et au Liban, qu’elles venaient d’intervenir en Côte d’Ivoire et en Libye, que la menace terroriste était déjà présente (le tueur de Toulouse, Mohammed Merah, fera parler de lui quelques mois plus tard), et que les jihadistes allaient bientôt faire parler d’eux dans le nord du Mali. En outre, les crises actuelles étaient en gestation (Syrie, Ukraine).

Quant aux forces françaises, elles subissaient une réforme profonde, marquée par une réduction conséquente de ses effectifs étalée jusqu’en 2014 (-54.000 postes), une refonte de la carte militaire (avec maintes dissolutions et fermetures) et la mise en place des bases de défense, dont on s’apercevra plus tard qu’elles étaient sous-dotées financièrement. Et le scandale Louvois pointait son nez…

Après les élections du printemps 2012, un nouveau Livre blanc sur la Défense fut publié et une Loi de programmation militaire (LPM) adoptée en décembre 2013. Cette dernière prévoyait également de nouvelles réductions d’effectifs au sein des armées. Déflation devant permettre de réaliser des économies afin d’acquérir des équipements modernes. Enfin, comme lors du précédent quinquennat, il était prévu d’avoir recours à des recettes exceptionnelles à un niveau sans précédent.

Mais, depuis les attentats de janvier et de novembre 2015, les choses ont changé : les suppressions de postes ne sont plus d’actualité, les recettes exceptionnelles, par définition incertaines, ont été remplacées par des crédits budgétaires et la LPM a été actualisée, avec 3,8 milliards d’euros supplémentaires. Et il faut s’attendre à un nouvel effort budgétaire en faveur des armées si l’on en croit les annonces faites à l’issue du conseil de défense du 6 avril dernier.

Cela étant, pour l’ex-président Nicolas Sarkozy, cet effort est encore nettement insuffisant dans la mesure où il estime, dans un entretien accordé au Figaro, ce 9 mai, que la défense est « une priorité absolue ».

« Baisser la garde n’aurait aucun sens. Nous devons faire un effort sans précédent pour préserver la sécurité des Français à l’intérieur et défendre nos intérêts à l’extérieur. La défense est une priorité absolue. Il s’agit d’un effort de grande ampleur et de long terme », a en effet affirmé M. Sarkozy, dont le parti qu’il préside organisera, le 10 mai, une journée dédiée aux questions de défense.

D’ailleurs, l’intervention de M. Sarkozy annonce ce qu’entendent proposer Les Républicains en la matière. Sans surpris, il n’est pas question de toucher aux deux composantes (aéroportée et océanique) de la dissuasion nucléaire, « fondement de notre indépendance » et « consubstantielle à notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ».

Reprochant au gouvernement d’avoir fait baisser pendant trois ans les effectifs des armées avant de les faire augmenter à nouveau [ce qui n’est pas tout à fait exact, les déflations ayant porté sur deux ans, en prenant en compte le reliquat de la LPM 2009-2014], M. Sarkozy a expliqué que « nos armées sont en situation d’embolie financière gravissime », avec des « reports de charge qui s’accumulent » et des dépenses qui ne sont pas financées.

En cas de victoire de son camp (ou de lui-même) en 2017, M. Sarkozy a estimé que « le temps n’est plus aux livres blancs » et « au lois de programmation militaire sur 20 ans [ndlr, en fait, sur 5 ans] qui sont généralement remises en cause par le gouvernement suivant ». À la place, il propose « une revue stratégique », comme au Royaume-Uni, afin de « prendre des engagements que nous serons capables de tenir durant un quinquennat ». Sachant que certains programmes d’armement peuvent s’étaler sur une génération, cela demande réflexion…

Quant au budget de la Défense, M. Sarkozy a dit prévoir le porter à « 1,85% du PIB », ce qui représenterait 35 milliards d’euros en 2018 [ndlr, la LPM actualisée table sur 32,77 milliards à cette échéance] et 41 milliards en 2022. » En tout, cela ferait « 32 milliards cumulés supplémentaires sur l’ensemble du prochain quinquennat. » S’agissant de l’objectif des 2% du PIB fixé par l’Otan, il serait atteint en 2025, soit à l’issue de la législature suivante.

S’agissant d’une « défense européenne intégrée », même s’il estime nécessaire de mutualiser certaines capacités, en particulier dans le domaine du renseignement, M. Sarkozy pense qu’il s’agit d’une « fausse bonne idée », en expliquant que l’on « ne délègue pas sa sécurité » car « si on n’est pas capable de se battre pour se défendre, on ne va pas demander aux autres de le faire pour soi ». Et le tout, en mettant en avant le principe « d’indépendance nationale ». Pourtant, la défense collective est la raison d’être de l’Otan, dont la France a réintégré le commandement militaire intégré sous sa présidence…

En outre, l’ancien président n’est pas d’accord pour exclure les dépenses militaires du calcul des déficits publics (un raisonnement dangereux, dit-il) car aucun de « nos partenaires [européens] ne l’acceptera ».

Enfin, M. Sarkozy est revenu sur sa proposition de faire effectuer un service militaire adapté aux « décrocheurs », c’est à dire aux 100.000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme et qualification. Le coût de cette mesure serait, selon lui, de 400 millions d’euros par an. Et il serait pris en charge par l’Éducation nationale. Reste cependant deux inconnues à préciser : où prendra-t-il les effectifs pour l’encadrement et où seront acceuillis les « appelés », sachant que plus de 80 casernes et bases ont été fermées depuis 2008?

 

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