Le Délégué général à l’armement défend les sociétés de projet à reculons

Le Délégué général à l’armement, Laurent Collet-Billon, a été mis sur le grill, le 1er avril, par les députés de la commission des Finances, qui souhaitaient l’interroger sur le système des sociétés de projet.

Le principe de ce dernier consiste à acquérir et/ou à racheter des avions de transport A400M et des frégates multimissions pour les louer aux armées, grâce à des capitaux – dans un premier temps publics – obtenus par des cessions d’actifs de l’État. L’enjeu est de trouver les 2,2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles (REX) prévues pour permettre au budget de la Défense d’atteindre le montant « sanctuarisé » de 31,4 milliards d’euros en 2015. Or, la vente aux enchères de fréquences 700 MHZ qui devait assurer ce financement ne pourra pas se faire dans les délais.

La conséquence sera une hausse significative du report de charges du programme 146 (Équipement des forces), géré par la Direction générale de l’armement. Selon M. Collet-Billon, ce report dépasserait ainsi les 4 milliards d’euros, ce qui suppose que le ministère de la Défense ne serait plus en mesure de payer ses factures à partir de fin août/début septembre. Vu le contexte économique actuel, il est aisé d’imaginer les dégâts sur la trésorerie des entreprises, en particulier les PME/PMI.

En outre, comme l’a rappelé le DGA, il va falloir trouver 5,7 milliards d’euros d’ici 2019 pour respecter la trajectoire financière définie par la Loi de programmation militaire (LPM). Initialement, il était prévu de miser sur 6,1 milliards de ressources exceptionnelles pour abonder le budget du ministère de la Défense. Mais, en cours de route, le ministère du Budget en a ajouté 1,5 milliard de plus pour compenser les économies demandées aux armées.

Si, pendant la première année de l’exécution de la LPM, il a été aisé de trouver 1,5 milliard d’euros en puisant dans le programme des investissements d’avenir (PIA), les choses se compliquent sérieusement pour 2015. Et la mise en place des sociétés de projet serait un pis-aller… D’ailleurs, le DGA ne les a défendues, devant des députés particulièrement incisifs, qu’à reculons, tant les inconvénients de ce montage est porteur de soucis futurs.

« Les inconvénients sont parfaitement clairs. Il y a un surcoût qui est évident et qui n’est pas déterminé à l’actuel », a ainsi admis M. Collet Billon. Et Il « dépend d’un certain nombre de facteurs », a-t-il ajouté.

Dans ce surcoût, il faut prendre en compte les coûts de constitution et de fonctionnement de ces sociétés de projet. Pour le DGA, ils seront « extrêmement faibles » par rapport à ce qui « va coûter le plus cher », c’est à dire la rémunération du capital.

« On a des discussions avec nos camarades de Bercy qui ont des ambitions plutôt élevées vu de nous. Et nous, nous sommes sur des tendances extrêmement modestes, de quelques pourcents, enfin quelque chose qui ressemble à peu près au prix auquel on peut lever des fonds sur le marché et non pas à une rémunération du capital d’une société privée bien gérée et rentable », a expliqué M. Collet-Billon, qui a ensuite cité le « coût des assurances ».

« Au fond, on transforme ce qui était à l’origine des crédits budgétaires en un prêt, ce qui a un coût », a résumé le DGA. Aussi, a-t-il poursuivi, plus ce dispositif « s’inscrira dans la durée, plus il coûtera cher et plus le coût de récupération des matériels sera élevé ». Et donc, « à la limite, il faudra rechercher, si cet engrenage se poursuit, d’autres REX pour payer les REX », a-t-il conclu sur cet aspect du dossier.

En outre, et alors que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a parlé d’ouvrir le capital de ces sociétés de projet à des investisseurs privés, le DGA a indiqué que cette option n’était pas d’actualité à ce jour. Et cela pour la simple et bonne raison que les industriels, même si certains d’entre-eux soutiennent le dispositif, n’ont pas manifesté leur intention d’y participer, à l’exception de DCNS.

Alors, à la question de savoir ce que pensent les états-majors de ces sociétés de projet, M. Collet-Billon a répondu, en esquissant un sourire, qu’ils sont « un peu étonnés ». Mais, leur position est la même que celle de la DGA. C’est à dire, a-t-il précisé, que si ce dispositif « garantit des crédits pour la bonne exécution  du programme 146, alors pourquoi pas? »

Il y a-t-il d’autres solutions pour compenser le retard de ces recettes excptionnelles? Le président de la commission des Finances, le député Gilles Carrez, a estimé que l’article 21 de la LOLF (Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances) apporte une solution étant donné qu’il précise que « sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, aucun versement au profit du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte spécial ne peut être effectué à partir d’un compte d’affectation spéciale ».

Une solution reprise par le député Jean-François Lamour, particulièrement actif sur ce dossier, comme d’ailleurs son collègue François Cornut-Gentille. Et il en a avancé une seconde, avec « la désignation de la direction générale de l’armement comme opérateur du programme d’investissements d’avenir (PIA), qui permettrait de faire bénéficier nos armées de ces subsides ».

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