Pour le renseignement militaire américain, l’État islamique est encore loin d’éclipser al-Qaïda

Malgré une certaine proximité idéologique, l’État islamique (EI ou Daesh) et al-Qaïda (au sens large, c’est à dire en prenant en compte ses différentes branches) sont des organisations concurrentes qui ne partagent pas les mêmes objectifs.

Ainsi, l’une de leurs différences est que Daesh cherche à contrôler un territoire (d’où l’instauration d’un califat) alors que ce n’est pas forcément le cas d’al-Qaïda.

« Cette dernière n’a jamais voulu gérer de territoires : elle a été ‘accueillie’ par les taliban ou le réseau Haqqani [ndlr, organisation active dans l’est de l’Afghanistan et implantée dans le Nord-Waziristan, au Pakistan]. AQPA [ndlr, al-Qaïda dans la péninsule arabique] et AQMI [al-Qaïda au Maghreb islamique] gèrent des territoires mouvants en fonction des interventions militaires occidentales ou locales mais l’idée demeure de frapper les Occidentaux », a confié Yves Trotignon, analyste sénior chez Risk&Co, au mensuel DSI.

Dans la nébuleuse d’al-Qaïda, l’on compte également le Front al-Nosra, sa branche syrienne. Or, pendant que l’attention se focalise sur l’État islamique, ce dernier a gagné du terrain au cours de ces derniers mois. Telle est, en tout cas, l’estimation faite par le lieutenant-général Vincent R. Stewart, récemment nommé à la tête de la  Defense Intelligence Agency (DIA), l’agence de renseignement du Pentagone, et dont les propos ont été rapportés par The Long War Journal.

Et cette tendance devrait se poursuivre cette année. D’où la préoccupation du DIA de voir le Front al-Nosra, qui, en outre, étend ses opérations au Liban, avoir toute la latitude nécessaire pour permettre à ses combattants de « planifier des attaques contre l’Occident ». D’ailleurs, la branche syrienne d’al-Qaïda compte le groupe « Khorasan », dont l’ambition est justement de frapper les intérêts occidentaux.

Cette entité a d’ailleurs été visée par les forces américaines en septembre dernier. Mais selon le lieutenant-général Stewart, si les frappes ont « probablement tué un certain nombre de responsables d’al-Nosrah et du groupe Khorasan, ce dernier a certainement maintenu sa capacité à planifier des attaques contre les intérêts occidentaux ».

Par ailleurs, en Afghanistan, et en raison de leurs faiblesses structurelles, le DIA ne voit pas les forces de sécurité afghanes prendre le dessus sur le mouvement taleb et ses alliés. Certes, elles devraient garder le contrôle des centres urbains et des grands axes de communication mais elles ne pourront pas contrer l’influence de ces derniers dans les zones rurales.

Mais « les taliban, al-Qaïda et leurs alliés extrémistes vont probablement chercher à exploiter le retrait de la coalition [ndlr, de la Force internationale d’assistance à la sécurité, de l’Otan] dans les zones rurales, à mener des attaques très médiatisées dans les grands centres urbains et à étendre leurs refuges », a averti le lieutenant-général Stewart. Cela dit, c’est déjà le cas…

Quoi qu’il en soit, le DIA redoute qu’al-Qaïda reconstitue ses sanctuaires afghans, comme avant l’intervention occidentale d’octobre 2001. En outre, même si l’État islamique tente de s’implanter dans cette région, il ne parvient pas, du moins pour le moment, à éclipser l’organisation fondée par Oussama Ben Laden. Plus généralement, cette dernière garde la mainmise sur ses « affiliés », comme par exemple au Yémen, où la situation politique risque de compliquer les opérations anti-terroristes. Et les ralliements à l’EI de quelques commandants taliban (qu’ils soient pakistanais ou afghans) restent pour l’instant marginaux.

Cela étant, le lieutenant-général Stewart a relevé que le réseau international de l’EI tend à s’étoffer et représente une menace croissante, comme en Libye et dans le Sinaï (Égypte).

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]