Budget : Le ministère de la Défense envisage la création de 2 sociétés publiques de projet

L’argent est le nerf de la guerre, dit-on. Mais dans son communiqué publié le 21 janvier pour annoncer que les armées supprimeront finalement moins de postes que prévus d’ici 2019, le président Hollande n’en a pas parlé.

Normalement, les effectifs du ministère de la Défense devaient diminuer de 7.500 personnels en 2015. Après l’annonce présidentielle, 1.500 postes seront donc préservés. Ce qui a évidemment un coût. En outre, ces suppressions de postes prévues par la dernière Loi de programmation militaire (34.000 au total sur la période 2014-2019) étaient censées permettre le financement de nouveaux équipements. Or, lors de ses voeux aux armées, le président Hollande a été clair sur ce point : il n’est pas question de remettre en cause les programmes d’armement en cours ou sur le point d’être lancés.

Dans son édition du 18 janvier, le Journal du Dimanche a évoqué l’allocation de 500 millions d’euros supplémentaires au budget de la Défense pour lui permettre à la fois de financer l’opération intérieure qu’il a lancée (10.500 hommes sur le territoire national) et le maintien d’une partie de ses effectifs.

Mais, comme l’a indiqué le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, sur les ondes de RTL, ce 22 janvier, les 1.500 postes finalement maintenus en 2015 seront « intégrés aux dispositions budgétaires qui existent aujourd’hui mais il y aura (…) une révision de la Loi de programmation militaire, une actualisation (…) qui va être avancée au printemps pour qu’on évalue de nouveau les menaces, les capacités pour y faire face et la nouvelle donne majeure qui existe depuis les événements du 7 janvier [ndlr, l’attentat contre Charlie Hebdo].

Le budget de la défense doit être de 31,4 milliards d’euros en 2015. Au passage, son montant n’a pas bougé depuis 2012, c’est à dire qu’il ne prend pas en compte l’inflation, qui plus est toujours plus élevée que la moyenne quand il s’agit de matériels militaires, ce qui relativise l’élément de langage de sa « sanctuarisation ».

Pour arriver à ces 31,4 milliards d’euros, la Loi de programmation militaire (LPM) a misé sur des recettes exceptionnelles. Pour 2015, elles devaient essentiellement provenir de la vente aux enchères de fréquences 700 MHZ aux opérateurs de télécommunications. Or, ce ne sera pas possible. Pouvait-on le prévoir? Du coup, il manque, au bas mot, 2,3 milliards d’euros. Du moins pour le moment.

Car une alternative a été trouvée avec l’idée de créer des sociétés publiques de projet. Le principe est simple : dotées d’un capital abondé par des cessions de parts détenues par l’État dans certaines entreprises, ces structures rachèteraient aux armées des équipements pour ensuite les leur louer. Sur le papier, cela paraît assez simple à mettre en oeuvre.

Mais en réalité, il en va tout autrement étant donné qu’il faut prendre des mesures législatives (la loi interdit à l’État de revendre des biens dont il a encore l’utilité et de faire du leasing). Des amendements à la loi Macron, en cours de discussion au Parlement, pourraient permettre d’y remédier rapidement. Car cette affaire est aussi une course contre la mondre. Si le ministère de la Défense ne dispose pas des recettes exceptionnelles promises d’ici l’été, il risque tout simplement le défaut de paiement.

Pour le moment, et après le Conseil de défense du 21 janvier, l’Hôtel de Brienne envisage de créer deux sociétés publiques de projet (SPP) : l’une prendrait à sa charge 7 à 8 avions de transport A400M (dont le prix unitaire est de 150 millions d’euros), l’autre concernerait 3 frégates multimissions (FREMM), alors qu’il avait été dit que les matériels de combat allaient être exclus de ce dispositif.

Le capital de ce deux SPP serait, au départ, 100% public (c’est à dire qu’il ne serait pas fait appel à des investisseurs privés), l’idée étant de limiter leur taux de rémunération, sachant que les sociétés de leasing pratiquent un taux de 6 à 8%.

Cependant, il pourrait y avoir un hic. Ainsi, Airbus Defense & Space n’est pas en mesure de dire si les A400M attendus par plusieurs clients pourront être livrés dans les temps cette année. Et cela pourrait concerner la France (qui en compte 6 et en attend 4 autres en 2015).

Un nouveau calendrier doit être communiqué d’ici fin février par le constructeur. On y verra plus clair à ce moment-là. Toutefois, selon La Tribune, le ministère français de la Défense a « a dit ne pas avoir connaissance d’éventuels retards de livraisons pour l’A400M en 2015 ».

Un autre souci pourrait bien venir du ministre des Finances, Michel Sapin pour qui le dispositif des SPP va alourdir le déficit public au regard des critères de Maastricht. Selon Les Echos, la Défense devra donc croiser (à nouveau) le fer avec Bercy car le président Hollande « n’a pas encore donné son feu vert définitif ».

Enfin, pour d’autres raisons, nombre de parlementaires sont réservés, voire réticents, au sujet de ces SPP, certains y voyant de la cavalerie budgétaire ou une usine à gaz (voire les deux). Mais comme il n’y a pas d’autres solutions, ils devraient s’y rallier.

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