Incendie de Carpiagne : 8 mois de prison avec sursis requis contre l’adjudant Fontaine

Le 22 juillet 2009, environ 1.000 hectares partirent en fumée autour du camp militaire de Carpiagne. Et cet incendie se propagea aux portes de Marseille. Or, ce jour-là, une séance d’entraînement au tir avait eu lieu, dirigée par l’adjudant Philippe Fontaine, un sous-officier dont les états de service se passent de commentaires tant ils sont éloquents.

Très vite, il fut mis en avant que le feu avait été causé par l’utilisation de balles traçantes au cours de cet exercice. Or, leur usage était formellement interdit pendant la période estivale.

L’enquête de commandement ordonnée après le sinistre estima que le sous-officier avait commis une « faute professionnelle grave, conséquence d’un acte d’indiscipline flagrant ». Seulement, le rapport ne fut pas catégorique quant aux conséquences de l’usage de balles traçantes, était donné qu’il estimait que ces dernières étaient  « vraisemblablement à l’origine de l’incendie ».

Plus tard, une expertise de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) avança que les fragments métalliques retrouvés sur les lieux de la séance de tir « ne provenaient pas d’une chemise de balle traçante de 5,56 mm NATO modèle F-5 du lot 17-RG-02 » utilisée ce jour-là. Et, en 2011, l’adjudant Fontaine  bénéficia d’un non-lieu partiel. Toutefois, il restait poursuivi pour « violation de consigne ».

Seulement, en 2013, une nouvelle étude, réalisée par un expert judiciaire auprès de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, remit en question les conclusions de l’IRCGN. « La composition pyrotechnique qui permet de tracer le trajectoire de la balle est à l’origine de l’incendie » et « la durée de combustion de deux secondes s’effectue principalement après leur ricochet dans les broussailles », avait-elle avancé.

Finalement, en février 2014, suivant les réquisitions de l’avocat général, la chambre de l’instruction décida de renvoyer l’adjudant Fontaine, affecté depuis au 2e Régiment Étranger de Parachutistes (REP), en correctionnelle pour « destruction, dégradation ou détérioration involontaire du bien d’autrui par l’effet d’un incendie provoqué par la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, en l’espèce en utilisant et en faisant utiliser sans l’accord de sa hiérarchie, lors d’un exercice de tir dont il était le directeur, des balles traçantes dont l’usage était interdit ».

Le procès du sous-officier s’est donc tenu les 1er et 2 décembre devant la chambre militaire du tribunal correctionnel de Marseille. Et visiblement, l’exercice lui a été pénible (et on le comprend)… D’autant plus qu’il s’est trouvé seul à se défendre, sa hiérarchie de l’époque étant aux abonnés absents.

Les débats ont notamment porté sur l’utilisation de ces balles traçantes. Comme il avait déjà eu l’occasion de l’affirmer, l’adjudant Fontaine a estimé qu’elles ne pouvaient pas être à l’origine de l’incendie.

« Il fallait faire vite et bien. Les missions se succèdent et il faut entraîner les jeunes », a expliqué le légionnaire. « Une balle traçante, c’est fait pour désigner un objectif. Et ça vous dit aussi qu’il reste encore 5 balles dans le chargeur », a-t-il ajouté. « Je pense qu’on aurait pu enlever les balles traçantes mais je ne l’ai pas fait car c’était pour des tirs à courte distance », a-t-il encore avancé.

Et pour l’adjudant Fontaine, ce n’est pas une balle qui a pu être à l’origine de l’incendie. « Je suivais tous les légionnaires tirer un par un. Je voyais les impacts dans les cibles. Pas un n’a raté sa cible », a-t-il dit. Et un ricochet? Le sous-officier l’exclut aussi. « Je sais ce que je dis, la butte [derrière les cibles] elle absorbe les balles, c’est fait exprès », a-t-il répondu. « La balle, on la voit s’éclairer et d’éteindre dans la cible », a-t-il encore insisté au sujet des munitions traçantes.

Ce qu’a contesté l’expert appelé à témoigner. « Il est impossible pour les tireurs et le directeur de tir de voir la combustion de la composition pyrotechnique », a-t-il avancé. Aussi, pour lui, le « début d’incendie a été vraisemblablement initié par la combustion de la composition traçante d’une balle modèle F5 ». Mais il ne s’agit que d’une probabilité, pas d’une certitude.

Reste la violation de consignes. « Ma séance, c’était d’expliquer à mes jeunes à quoi servent les balles traçantes », a déclaré l’adjudant Fontaine. Ce qu’a repris au vol Mme le président, Lucie Chapus-Bérard. « Mais quand même! La justification de l’interdiction des balles traçantes, vous la comprenez comment? », lui a-t-elle demandé.

Le sous-officier, dont le compte-rendu a été « corrigé » par ses supérieurs (J’ai dû le refaire cinq ou six fois. J’en ai eu marre. Je n’ai même pas relu ce qu’ils ont écrit pour moi », a-t-il confié au juge), s’est montré embarassé… « Vous savez quand on est légionnaire et qu’on reçoit un ordre, on l’exécute », a-t-il répondu.

À l’issue des débats, le procureur de la République, David Dufour, a estimé ne pas avoir assez d’éléments pour affirmer catégoriquement que l’incendie de juillet 2009 avait été provoqué par un balle trançante. « La condamnation d’un homme dout reposer sur des certitudes que je n’ai pas », a-t-il dit, après avoir fait part de son « malaise » dans cette affaire car « on n’a pas été jusqu’au bout des choses ». Et d’ajouter : « L’adjudant a souhaité par loyauté vis à vis de sa hiérérachie et ses hommes de ne pas tout direa l’honore quelque part sa loyauté mais cela dessert cette recherche de la vérité ».

Aussi, le procureur a requis à une peine de 8 mois de prison avec sursis pour « violation de consigne » et la relaxe pour les accusations de « destructions involontaires » portées à l’encontre de l’adjudant Fontaine. Le jugement a été mis en délibéré. Il sera rendu le 19 janvier prochain.

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