Irak : Finalement, Berlin livrera des armes aux combattants kurdes

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L’avancée des jihadistes de l’État islamique, qui ont instauré un califat à cheval sur l’Irak et la Syrie, fait bouger les lignes. Les exactions commises sur les minorités religieuses dont est coupable cette organisation terroriste qui ne fait pas de prisonniers ont ainsi conduit l’Église catholique à considérer comme nécessaire une intervention militaire.

Ainsi, le Maître général de l’ordre des Prêcheurs (dominicains), Bruno Cadoré, a récemment estimé que les Nations unies ont « l’obligation d’intervenir » étant donné la « terrible situation » des minorités religieuse, notamment les chrétiens, dans le nord de l’Irak. Et selon lui, cela passe par le « déploiement immédiat d’unités militaires spéciales ».

Quelques jours plus tôt, l’envoyé spécial du pape François en Irak, le cardinal Filoni, avait affirmé que les réfugiés avaient « besoin de la solidarité internationale, non seulement sur le plan humanitaire, mais aussi d’un point de vue politique et militaire ».

« Dans ces cas où il y a une agression injuste, je peux seulement dire qu’il est licite d’arrêter l’agresseur injuste. Mais je souligne le verbe ‘arrêter’! Je ne dis pas ‘bombarder’ ou ‘faire la guerre’… Je dis ‘l’arrêter’! Les moyens pour savoir comme l’arrêter devront être en effet évalués. Mais arrêter l’agresseur injuste est licite », a même expliqué le pape François, le 18 août.

Les lignes bougent donc au Vatican… Mais aussi en Allemagne. La semaine passée, encore, le porte-parole de la chancellerie allemande, Steffen Seibert, avait rappelé qu' »un des principes de la politique d’exportation d’armes de ce gouvernement, comme pour tous les précédents, est de ne pas fournir d’armes à des zones de crise et de guerre. En clair, il n’était pas question d’aller au-delà de l’aide humanitaire en fournissant du matériel militaire aux combattants kurdes, en première ligne face aux jihadistes de l’EI, comme l’ont fait la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Cela étant, le débat n’a fait que s’intensifier les jours suivants, avec des déclarations contradictoires (voire même donnant l’impression d’être déconnectées des enjeux) des différents responsables politiques allemands. Puis, la chancelière, Angela Merkel, a donné l’impression de pencher en faveur de livraisons d’armes aux Peshemergas.

Car si la loi, outre-Rhin, interdit de livrer du matériel militaire aux belligérants d’une zone en crise, elle prévoit toutefois des exceptions, à condition que la sécurité de l’Allemagne soit menacée. Or, c’est précisément cette marge de maoeuvre que Mme Merkel a évoqué il y a quelques jours. Et, depuis, l’Union européenne a accordé son soutien aux pays ayant décidé de livrer aux combattants kurdes.

Est-ce que cette position affirmée par l’UE a pesé dans le débat? Toujours est-il que le gouvernement allemand a tranché en se disant finalement « prêt à livrer le plus rapidement possible des armes aux Kurdes d’Irak », comme l’a annoncé, ce 20 août, Frank-Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères.

S’agissant des risques potentiels de telles livraisons, M. Steinmeier a admis qu’il est « quasi impossible de contrôler entre quelles mains des armes parviennent au bout du compte ». « Mais, a-t-il ajouté les menaces pour la population et pour toute la région sont existentielles ».

« Ces équipements ont pour objectif de donner la possibilité aux forces de sécurité kurdes de se défendre contre les attaques de l’État islamique », a-t-il souligné, lors d’une conférence de presse donnée aux côté de sa collègue à la Défense, Mme Ursula von der Leyen.

Pour cette dernière, les jihadistes doivent « être stoppés » car « l’action incroyablement rapide de l’EI et sa brutalité inconcevable ont provoqué une catastrophe humanitaire ». Les deux ministres ont indiqué que l’Allemagne, qui a déjà envoyé 36 tonnes de ravitaillement et de matériel médical au Kurdistan irakien, va également livrer « du matériel militaire non létal », c’est à dire « des gilets pare-balles, des casques, des détecteurs d’explosifs, des générateurs et des appareils de vision nocturne ».

Dans le même temps, Berlin va examiner les besoins des forces kurdes et « discuter avec les pays qui vont en envoyer pour savoir comment l’Allemagne peut contribuer », a précisé Mme von der Leyen. Ce processus, a-t-elle ajouté, prendra « quelques jours ». D’après l’agence DPA, qui a cité des informations données par l’Inspecteur général de la Bundeswehr à la commission « Défense » du Bundestag, il serait question d’armes de poing et de missiles anti-char.

Après avoir indiqué qu’il n’était pas dans l’intention du gouvernement allemand de livrer des armes aux Kurdes, le porte-parole de la chancellerie a donc dû faire machine arrière une semaine plus tard. « Il est clair pour nous tous que l’offensive de l’EI (…) vu la région du monde où elle se déroule affecte notre propre sécurité (…) », a ainsi affirmé M. Seibert.

Photo : Mme Ursula von der Leyen, le ministre allemand de la Défense

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