Le renseignement français va publier ses preuves sur l’usage d’armes chimiques par le régime syrien

Alors que, pour le moment, le président Hollande se retrouve isolé après l’annonce de son homologue américain, Barack Obama, de consulter le Congrès avant de lancer une opération militaire visant à « punir » le régime de Bachar el-Assad pour avoir utilisé des gaz neurotoxiques le 21 août dernier, le gouvernement français devrait déclassifier une série de documents estampillés « secret défense » concernant l’arsenal chimique syrien.

« Des documents secrets déclassifiés seront mis à disposition de la représentation nationale et un certain nombre d’entre eux pourraient être rendus publics », a indiqué une source « proche du dossier ». Ces informations, censées prouver la responsabilité de Bacher el-Assad, devraient être aux responsables parlementaires, lesquels reront reçus à 17 heures, ce jour, à Matignon.

En attendant, le Journal du dimanche, dans son édition du 1er septembre, a publié une note de synthèse de 4 pages, compilant des données de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la Direction du renseignement militaire (DRM) au sujet des armes chimiques détenues par le régime syrien.

Sans surprise, le document évoque l’existence de stocks d’ypérite ainsi que de gaz sarin et de VX. Ces deux dernières substances, qui sont des neurotoxiques organosphosphorés, « sont en partie (…) conservés sous la forme de deux produits chimiques (sous forme binaire, ndlr), appelés précurseurs, qui sont mélangés juste avant l’emploi », souligne cette note. « Cette technique et les procédures associées révèlent une grande maîtrise de la technologie des armes chimiques par le régime syrien », y est-il écrit.

La note du renseignement français s’attarde ensuite sur les vecteurs – au nombre de « plusieurs milliers » – susceptibles d’être utilisés pour disperser ces gaz toxiques. Ainsi, les forces syriennes disposent de missiles balistiques Scud C (portée 500 km), Scud B (300 km), M600 (250-300 km, version locale du Fateh-100 iranien) et SS-21 (70 km). A cela viennent s’ajouter des « bombes aériennes », qui, selon les modèles, peuvent contenir « entre 100 et 300 litres d’agent toxique » ainsi que des roquettes d’artillerie de 302 et 320 millimètres, pouvant délivrer des gaz sur une distance de 50 km au moins.

Selon des informations émanant de l’opposition syrienne, le régime de Bachar el-Assad aurait pris la décision de déplacer ses missiles balistiques afin de les préserver d’éventuelles frappes occidentales.

L’arsenal chimique syrien a commencé à se développer dans les années 1970, avec l’aide de l’Union soviétique. Il s’agissait, à l’époque, de pouvoir rivaliser avec Israël sur le plan militaire. Par la suite, la Syrie a continué à son programme via le Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS), chargé de la production des gaz toxiques.

Dans le document diffusé par le JDD, il est ainsi écrit que « la Syrie détient l’un des plus importants stocks opérationnels au monde d’armes chimiques, dans le cadre d’un programme (…) qui fait depuis longtemps l’objet d’une surveillance des services français et de nos principaux partenaires. » Ce dernier est « l’une des principales menaces en termes de prolifération d’armes de destruction massive, dont la réduction est un objectif majeur de notre défense, réaffirmé dans le récent Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale. »

La note du renseignement français donne par ailleurs le détail du processus de décision concernant l’emploi de ces armes. Ainsi, la branche 450 du CERS est chargée des « opérations de remplissage des munitions chimiques, mais également de la sécurité des sites et des stocks chimiques. » Cette unité est composée uniquement de « militaires alaouites » et fait preuve d’une fidélité indéfectible au régime.

Le document souligne que « Bachar el-Assad et certains des membres les plus éminents de son clan sont les seuls habilités à donner l’ordre d’utiliser des armes chimiques. » Ce dernier est ensuite « transmis aux responsables des branches compétentes du CERS » et, dans le même temps, l’état-major « reçoit l’ordre et décide des cibles, des armes et des toxiques à mettre en oeuvre. »

Concernant plus précisément l’attaque du 21 août, les conclusions des services français rejoignent celles de leurs homologues américains, selon le JDD. Selon un officiel cité par l’hebdomadaire, ce bombardement traduit la volonté du régime syrien de « changer d’échelle. » Et d’expliquer : « Là, il ne s’agissait plus de prendre un quartier en particulier mais d’instaurer la terreur, une terreur telle que des milliers de personnes se sont précipitées en même temps et en provenance de villes différentes vers les hôpitaux. »

Les services français avancent que les gaz neuro-toxiques ont été dispersés à l’aide de roquettes Grad et que les nombreux tirs d’artillerie sur le site où a eu lieu l’attaque chimique avaient pour but « d’effacerle maximum de preuve. » Cette estimation est également partagée à Washington.

Cependant, ces éléments sont encore loin de convaincre les responsables russes, lesquels soutiennent le régime syrien. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, l’a encore répété ce 2 septembre lors d’une allocution prononcée devant l’Institut  des relations internationales de Moscou (MGIMO). « On nous a montré quelques images où il n’y a rien de concret : ni cartes géographiques ni noms (…). Ce que nous ont montré par le passé et plus récemment nos partenaires américains, ainsi que les Britanniques et les Français ne nous convainc absolument pas », a-t-il en effet affirmé.

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