Le contingent tchadien parti pour rester au Mali

Le 14 avril dernier, le président tchadien, Idriss Deby Itno, annonçait à l’antenne de RFI le retrait du contingent que N’Djamena avait déployé au Mali afin d’y assister les forces françaises de l’opération Serval contre les groupes terroristes, implantés notamment dans l’Adrar des Ifoghas, près de Kidal.

« La guerre ‘en face à face’ avec les djihadistes est terminée. L’armée tchadienne n’a pas de compétences pour affronter l’action d’une nébuleuse, du type guérilla, tel que cela est en train de se produire dans le nord du Mali », avait-il alors avancé pour expliquer cette décision, au lendemain d’un attentat suicide auant tué trois soldats tchadiens à Kidal. « Nos soldats vont retourner au Tchad. Ils ont accompli leur mission. Nous avons déjà procédé au retrait du bataillon d’appui lourd. Le reste des éléments va rentrer au pays progressivement », avait-il ajouté.

Le lendemain, l’Assemblée nationale tchadienne se saisissait de la question et votait, quasiment à l’unanimité, le retrait des 2.000 soldats des Forces Armées Tchadiennes en Intervention au Mali (FATIM). Et lors des débats, il a été beaucoup question du coût de cette intervention, qu’il soit humain (36 tués et 74 blessés) ou financier (56,7 milliards de francs CFA, soit 87 millions d’euros). Cela étant, le Tchad devrait remettre un mémorandum d’entente à l’ONU afin que cette somme lui soit remboursée.

Pourtant, il n’est pas dit que les FATIM soient sur le point de quitter le Mali. Car, en effet, dans le même temps, N’Djamena négocie le maintien de ses troupes avec les Nations unies, dans le cadre de la future Mission des Nations Unies de stabilisation au Mali (MINUSMA), dont il est prévu qu’elle soit constituée à partir de la MISMA (Mission de soutien au Mali) fournie par la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et à laquelle ont été intégrés les 2.000 soldats tchadiens qui ont été d’un précieux concours dans l’Adrar des Ifoghas.

Or, pour le gouvernement tchadien, un déploiement de ses troupes au Mali sous la bannière des Nations unies permettrait une prise en charge intégrale des coûts liés à cette opération. D’ailleurs, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a relativisé les propos d’Idriss Deby Itno et le vote de l’Assemblée nationale tchadienne.

« Nous sommes entrés en contact avec nos amis tchadiens et je pense que tout cela fait que l’interprétation qui lui a été donnée doit être nuancée », a-t-il affirmé le 15 avril dernier, lors d’une conférence de presse donnée à Nouakchott, en Mauritanie.

En fait, d’après le quotidien Le Monde, N’Djamena n’a, pour le moment, retiré uniquement ses unités d’élite et les « troupes tchadiennes devraient rester dans le nord du Mali sous réserve de remplir les conditions de certification de l’ONU, ce qui leur permettra de continuer à être financées pour cette mission. »

« Le Tchad est prêt à apporter sa contribution quand il s’agit de la paix et de la stabilité dans la sous-région et en Afrique », avait par ailleurs déclaré le président Deby-Itno. D’ailleurs, si tel est vraiment le cas, nul doute que le Tchad, fort de la reconnaissance des capacités de ses troupes, cherchera à obtenir à peser le plus possible au sein de la future MINUSMA. En intervenant au Mali, il a en quelque sorte forcé la main à François Hollande, lequel avait pris ses distances avec N’Djamena lors de son arrivée à l’Elysée.

Plus généralement, le président Deby Itno cherche à accroître son infuence en Afrique et occuper une partie du vide laissé par la chute du colonel Kadhafi en Libye. Ayant joué un rôle non négligeable en République centrafricaine (le président Bozizé est récemment « tombé » parce que N’Djamena n’a plus souhaité le soutenir), le Tchad, qui commence par ailleurs à profiter de sa modeste manne pétrolière, est désormais très actif au sein des instances régionales, que ce soit la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Cen-Sad, justement créée par l’ancien guide libyen) ou encore de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale).

Sans doute qu’une des raisons de cet activisme tchadien est liée au pétrole. La production tchadienne d’or noir est pour le moment modeste, de l’ordre de 115.000 barils par jour (bpj). Mais il est question de la porter à 200.000 bpj d’ici la fin de cette année.

D’après un entretien accordé à African Business en février dernier, le ministre tchadien de l’Energie et du Pétrole, Brahim Alkhalil Hileou, a indiqué « le tiers de la superficie du Tchad est constituée de bassins sédimentaires, qui, dans leur majorité, n’ont pas été explorés. » Et d’expliquer que « les potentialités sont par conséquent énormes et les recherches pétrolières en cours ou en perspective pourront nous donner une idée plus précise sur les réserves existantes. »

Seulement, comme le Tchad est enclavé, il lui faudra une certaine stabilité régionale pour pouvoir exporter en toute sécurité son pétrole.

Cependant, l’envergure que prend le Tchad ne plaît pas à tout le monde. Et si le pays a su écarter, depuis 2008, tout risque de déstabilisation par des mouvements rebelles en provenance du Soudan voisin, notamment grâce au renforcement des capacités de ses forces armées, il n’est pas à l’abri de nouvelles tentatives. Ainsi, le chef de la coalition rebelle de l’Union des forces de résistance (UFR), Timan Erdimi, a menacé de reprendre les armes contre le président Deby-Itno en mars dernier. Or, il se trouve que ce responsable est réfugié à Doha, au Qatar…

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