Débat en Suède sur la hausse des dépenses militaires

En déclarant que son pays ne pourrait pas tenir plus d’une semaine en cas d’attaque « limitée », le chef d’état-major suédois, le général Sverker Göranson, a suscité un vif débat sur la politique de défense menée par Stockholm, au point que le Premier ministre, Fredrik Reinfeldt, en fonction depuis 2006, s’en est publiquement irrité en affirmant que l’armée défendait des « intérêts spéciaux », c’est à dire « particuliers ».

Bien évidemment, les déclarations du chef du gouvernement suédois ont provoqué un tollé. « Nous, les anciens combattants, avons œuvré pour la paix et ce sont des intérêts qui n’ont rien de spécial », a rétorqué Anders Ramnerup, de la Ligue des vétérans.

« Vous ne pouvez pas discuter avec le gouvernement, même pas avec des faits connus. Si le Commandant suprême ne se fait pas entendre, il obtiendra quoi? Nous sommes prêts à sacrifier la vie de soldats en Afghanistan et pour la défense de la démocratie en Suède. S’agit-il d’un intérêt particulier? », s’interroge une source militaire citée par le quotidien Svenska Dagbladet.

Quoi qu’il en soit, c’est la politique menée en matière de défense par le gouvernement de centre-droit qui est la cible des attaques venant tant de l’opposition que de partis de la majorité. En cause, notamment, les coupes budgétaires subies par les forces armées suédoises. Les ressources de ces dernières représentent actuellement 1,2% du PIB suédois, soit deux fois moins qu’en 1998.

Or, l’armée suédoise doit remplacer ses matériels, voire acquérir de nouvelles capacités. Si la commande de 60 avions JAS Gripen E/F est actée, il n’en reste pas moins qu’il faut des crédits pour le renouvellement des véhicules blindés, des sous-marins de la classe Gotland, des hélicoptères ou encore pour l’acquisition de drones. En tout, il augmenter le budget de la défense de 500 à 700 millions de dollars alors que son niveau actuel est de seulement 6,1 milliards. En tout, pour financer l’achat de nouveaux équipements et mener des travaux d’infrastructure, il faudrait 30 milliards de dollars d’ici 2020.

Pour pallier les manques suédois en matière de défense, l’idée d’un pacte de défense nordique a été avancée. Mais il apparaît bien trop compliqué à mettre en oeuvre. Une autre possibilité est que la Suède, pays neutre, rejoigne l’Otan. Mais là encore, cette option divise à Stockholm, où le plan de réarmement massif de la Russie inquiète certains.

« La baisse des dépenses militaires, poursuivie par la coalition emmenée par Parti du rassemblement modéré lorsqu’elle est arrivée au pouvoir en 2006, a affaibli les capacité de défense de la Suède et a empêché le développement des forces armées », a fait valoir Peter Hultqvist, le président social-démocrate du comité de défense du Parlement suédois.

« Le gouvernement a placé la barre trop bas alors qu’elle doit être plus élevé », a-t-il poursuivi. « L’armée a besoin de plus d’argent qu’elle ne reçoit à l’heure actuelle ou qui lui est promis. La Suède a besoin d’une capacité de défense forte et crédible », a-t-il encore insisté.

« À mon avis, un pays neutre doit avoir des ambitions plus élevées pour sa défense et sa sécurité, indépendamment de la situation économique actuelle ou géopolitique », a pour sa part estimé Allan Widman, le porte-parole pour les affaires militaire des Libéraux, membres de la coalition gouvernementale.

[Karin] « Enström (ndlr, ministre de la Défense) soutient que la menace d’une attaque est faible, mais aucun gouvernement ne peut jamais exclure le risque d’une invasion. Ajoutez à cela que la Suède n’a pas de garantie de soutien de la part de l’Otan en cas de crise et que nous n’avons pas de plan B. Nous devons compter sur nous-même », a-t-il ajouté. « La Suède doit veiller à ce que son armée puisse défendre sa souveraineté nationale et la réalisation de ses ambitions régionales afin de renforcer la sécurité globale du Nord et de la région de la mer Baltique » a-t-il encore souligné.

« Nous avons toujours été la plus grande puissance militaire, et nous devons retrouver ce statut en partenariat avec nos voisins nordiques», a déclaré Staffan Danielsson, le porte-parole pour les questions de défense du Parti du centre. « Pour ce faire, nos forces armées doivent avoir le financement dont elles ont besoin pour être pleinement fonctionnelles et avoir les personnels et les équipements nécessaires pour défendre ce pays et la région », a-t-il avancé.

Quoi qu’il en soit, le général Sverker Göranson, qui ne fera finalement pas l’objet d’une enquête pour avoir porté atteinte à la sécurité nationale en tenant ses propos sur l’état des forces suédoises, a rompu le consensus qui prévalait jusque là au sein de la classe politique. Jusqu’à présent, les coupes dans le budget de la Défense étaient largement acceptées par tous les partis.

Et le Premier ministre suédois, tout irrité qu’il soit par le débat, se retrouve isolé étant donné que les partis membres de sa coalition (centristres, libéraux et démocrates-chrétiens) demandent une hausse du budget militaire du pays et cela, sans attendre les conclusions du rapport sur la politique de défense qui doit être rendu en 2015.

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