Bombardement de Bouaké : Michèle Alliot-Marie visée par une plainte auprès de la Cour de justice de la République

En septembre 2002, la France lance l’opération Licorne en Côte d’Ivoire afin de s’interposer entre les troupes loyales au président Laurent Gbagbo alors en exercice et les rebelles des Forces nouvelles. Cette intervention française va figer les positions des deux camps.

Deux ans plus tard, et alors que le pays est toujours scindé en deux, le sud étant acquis aux troupes gouvernementales et le nord étant contrôlé par les rebelles, le président Gbagbo prend l’initiative d’une offensive avec l’opération « Dignité », après s’être procuré, et cela malgré l’embargo sur les armes visant la Côte d’Ivoire, de nouveaux moyens militaires, dont deux avions Sukhoi SU-25 acquis en Biélorussie via l’intermédiaire de Robert Montoya, un ancien gendarme français.

Seulement, l’opération « Dignité » va prendre un tour tragique pour les forces françaises, alors déployées dans une zone tampon entre les régions contrôlées par les deux camp. Le 6 novembre 2004, les deux SU-25, avec des pilotes biélorusses aux commandes et des co-pilotes ivoiriens, bombardent le camp de Bouaké où s’étaient installés des militaires du RICM, du 2ème RIMa et du 515ème RT. Bilan : 10 tués, dont un travailleur humanitaire américain et 38 blessés.

En représailles, le président Chirac ordonne aux troupes françaises de clouer au sol l’aviation de son homologue ivoirien. Ce qui donnera lieu, à Abidjan, à de violentes manifestations orchestrées par les « patriotes », c’est à dire les parisans de Laurent Gbagbo, contre les ressortissants français établis en Côte d’Ivoire.

La suite de l’affaire est plus trouble. Dans les heures suivant l’attaque de Bouaké, les militaires français interpellent 15 techniciens aéronautiques russes, biélorusses et ukrainiens. Retenus et interrogés pendant 4 jours, ils sont finalement relâchés et remis au consul de Russie, en présence d’un représentant de la Croix Rouge Internationale.

Quelques jours plus tard, 8 hommes ayant des passeports biélorusses sont arrêtés au Togo. Le ministre togolais de l’Interieur en exercice à l’époque, François Esso Boko, informe les autorités françaises en leur précisant que ces mercenaires présumés sont à leur disposition. Seulement, Paris n’en fera rien, à la grande surprise de Lomé.

Un télégramme diplomatique américain diffusé par WikiLeaks, l’on apprend que l’explication donnée à François Esso Boko pour justifier cette décision est que la France ne « cherchait pas à compliquer ses relations avec la Biélorussie. »

Quoi qu’il en soit, ce sont ces aspects de l’affaire qui ont motivé le dépôt, auprès de la Cour de justice de la République, d’une plainte pour complicité d’assassinats visant Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense au moment des faits.

Selon Me Jean Balan, l’avocat des proches des militaires tués à Bouaké à l’origine de cette procédure, laquelle s’ajoute à l’information judiciaire pour assassinats et tentative d’assassinats ouverte en 2005, il est reproché à Mme Alliot-Marie d’avoir cherché « à saboter l’action de la justice afin d’éviter, à tout prix, que la vérité ne soit connue », en donnant des instructions pour laisser les suspects sans les interroger.

Cela étant, Mme Alliot-Marie s’était déjà expliquée à ce sujet en mai 2010, dans le cadre de l’information judiciaire concernant cette affaire. A l’époque, elle avait fait valoir « l’impossibilité juridique » pour expliquer la libération des 15 techniciens arrêtés peu après le bombardement de Bouaké. « Il pouvait être intéressant de connaître leur statut et leurs activités » avait-elle affirmé, avant de préciser qu' »aucune base juridique ne le permettait. »

Quant aux Biélorusses arrêtés au Togo, l’ancien ministre de la Défense avait donné une explication identique. Il n’y avait aussi « pas de base juridique puisque pas de mandat d’arrêt international » pour les interroger.

Photo : Les passeports de deux pilotes biélorusses soupçonnés d’avoir bombardé le camp français de Bouaké

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