Une étude en trompe l’oeil sur la corruption et l’industrie de l’armement

L’organisation britannique Transparency International a publié, le 4 octobre, un classement des entreprises du secteur de l’armement les plus vertueuses en matière de lutte contre la corruption.

« La corruption dans le domaine de la défense est dangereuse, elle est facteur de trouble et elle coûte cher » a affirmé Mark Pyman, l’auteur de l’étude et directeur du secteur défense et sécurité de cette ONG, pour expliquer la démarche de cette étude. « C’est dans l’intérêt des entreprises, des gouvernements et des contribuables que l’industrie de la défense renforce ces normes. J’espère que l’industrie de la défense relèvera le défi, adoptera de bonnes pratiques en matière de prévention contre la corruption et augmentera sa transparence dans ce domaine », a-t-il ajouté.

Pour établir son classement, Transparency International a attribué des notes allant de A à F en fonction des informations publiques communiquées par les entreprises de l’armement au sujet de leurs pratiques en matière de lutte anti-corruption. Et c’est justement cette façon de procéder qui est sujet à caution.

En effet, dans ce rapport, l’avionneur français Dassault Aviation obtient la note E, tout comme d’ailleurs le constructeur naval DCNS, alors que dans le même temps, BAE Systems (noté B), Saab ou encore EADS (tous deux notés C) passent pour être les plus vertueux.

Seulement, l’on peut toujours se fixer des règles aussi strictes que possible, il n’en reste pas moins que rien n’empêche de les transgresser. D’où la limite de l’exercice de Transparency International.

Ainsi, au cours de ces dernières années, BAE Systems a été inquiété dans le cadre du contrat al-Yamamah, conclu avec l’Arabie Saoudite pour un montant de 56 milliards d’euros. Il s’agissait notamment de livrer à Ryiad des avions de combat Tornado, une cinquantaine d’appareils d’entraînement Hawk ainsi que des Pilatus PC-9. Une enquête pour corruption fut même ouverte en 2003 par le Serious Fraud Officie (SFO), lequel dut y renoncer après une intervention de Tony Blair, alors Premier ministre, pour des raisons de « sécurité nationale ».

Et l’on retrouve aussi le groupe britannique dans une autre affaire de corruption, en Afrique du Sud cette fois. Mais là, il n’est pas le seul à être impliqué puisque Saab, le constructeur du Gripen, appareil vendu à 22 exemplaires aux forces aériennes sud-africaine, est également cité. D’ailleurs, le groupe suédois a récemment admis avoir versé des dessous-de-table pour remporter ce marché.

Des soupçons de corruption concernant encore Saab ont aussi été évoqués en République Tchèque, pays qui a choisi le Gripen alors que, visiblement, ce n’était pas le choix des responsables de ses forces aériennes. Toujours dans le même pays, l’immunité parlementaire la vice-présidente de la Chambre tchèque des députés, Vlasta Parkanova, a été levée, cet été, dans le cadre d’une enquête portant sur les dessous de l’achat de 4 avions Casa C-295M (groupe EADS) en 2009.

Autre exemple : en Autriche, une enquête a aussi été ouverte sur la base de soupçons concernant l’acquisition d’avions de combat Eurofighter, vendus par le consortium du même non, dans lequel on trouve BAE Systems, EADS et Finmeccanica.

Enfin, Thales, pourtant bien noté, n’est pas en reste non plus. Là, c’est en Malaisie où l’on retrouve le nom du groupe français dans une affaire de corruption présumée, lors de la vente de sous-marins Scorpène. Une enquête a d’ailleurs été ouverte en mars dernier, à Paris.

Cela étant, et même si l’on peut objecter que la plupart de ces affaires sont relativement anciennes et que les groupes concernés prétendent avoir fait le nécessaire pour éviter les cas de corruption, il n’empêche que l’étude de Transparency International donne un panorama biaisé de la situation.

D’ailleurs, cela a fait réagir Dassault Aviation, dont l’image peut être ternie par les conclusions de ce rapport, alors que le constructeur français est en négociation pour vendre 126 Rafale à l’Inde, pays où justement la corruption dans le secteur de l’armement est un fléau.

« La société Dassault Aviations n’a jamais été condamnée dans une affaire de corruption en France et à l’étranger. Elle ne fait l’objet d’aucune procédure judiciaire pénale en la matière aujourd’hui » a en effet affirmé Matthieu Durand, le porte-parole de l’avionneur.

Qui plus est, évoquant les difficultés d’exporter le Rafale, le député Olivier Dassault, petit-fils du fondateur du groupe Dassault, avait mis en avant que l’interdiction faite aux industriels français de verser des commissions à des intermédiaires, cela en application d’un règle édictée en 2000 par l’OCDE, expliquait les difficultés rencontrées par l’avionneur sur le marché des avions de combat.

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