18 juin 1942 : Le dernier combat héroïque de Jozef Gabcik et de Jan Kubis

Septembre 1941. La Tchécoslovaquie, amoindrie par les accords de Munich, conclus en 1938 et selon lesquels la régions des Sudètes fut cédée à l’Allemagne nazie, qui encouragea l’indépendance de la Slovaquie, n’était plus : le pays – ou ce qu’il en restait – est devenu le protectorat de la Bohême-Moravie, confié à Konstantin von Neurath.

Seulement, Adolf Hitler considéra que ce dernier manquait de fermeté et décida de le remplacer par Reinhard Heydrich, à la réputation déjà sinistre. Issu d’un milieu cultivé, ce sportif accompli – il était champion d’escrime – doublé d’un mélomane jouant du violon à ses heures perdues, fut chassé de la Kriegsmarine en 1931 pour mauvaise conduite.

Ce qui l’amena à rejoindre la Schutzstaffel, le corps d’élite du parti nazi. Remarqué pour ses qualités intellectuelles et son physique « aryen » par Heinrich Himmler, Heydrich s’occupa de l’organisation du Sicherheitsdienst, un service interne de sécurité. Il fut donc l’un des initiateurs de la nuit des Longs Couteaux, qui eut pour conséquence l’élimination de la SA et de son chef, Ernst Röhm et, plus tard, de la Nuit de Cristal, alors qu’il était à la tête de l’Office central de sécurité du Reich (RSHA), lequel incluait la gestapo et la police criminelle.

Plus tard, Heydrich organisa la prétentue attaque de la station de radio allemande de Gleiwitz par de faux soldats polonais, ce qui donna le prétexte à Hitler pour envahir la Pologne. Il fut également à l’origine de la création des « Einsatzgruppen », ces commandos de tueurs qui passaient après les troupes régulières pour assassiner les élites et les citoyens juifs des pays de l’Est envahis.

En outre, cet homme qui voulait être un héros de l’aviation allemande (mais qui ne fit que casser les avions qui lui avaient été confiés) présida la conférence de Wannsee, qui organisa la « solution finale », c’est à dire l’assassinat de tous les Juifs d’Europe.

Et ce fut donc à Heydrich qu’Hitler donna le titre de « Protecteur de la Bohême-Moravie », où sa cruauté lui valut d’être surnommé le « boucher de Prague », la « Bête blonde » ou encore « le Bourreau ».

Pour les Alliés, la Tchécoslovaquie posait problème, dans la mesure om son industrie tournait à plein pour les besoins de l’Allemagne. Le gouvernement d’Edvard Benes, alors en exil à Londres, subissait la pression de son homologue britannique pour y encourager l’esprit de resistance.

Par ailleurs des soldats de l’armée tchecoslovaques combattaient aux côtés des Alliés et beaucoup d’entre eux furent même engagés contre les troupes nazis pendant la Camapagne de France de mai-juin 1940. Aussi, le SOE (Special Operations Executive), créé par sir Winston Churchill, en recruta quelques uns pour mener des opérations clandestines en Tchécolosvaquie, dont une particulièrement audacieuse puisqu’il s’agissait ni plus ni moins d’éliminer Heydrich, alors numéro 3 du régime nazi.

Deux hommes furent ainsi désignés pour mener l’opération « Anthropoid » : Jozef Gabcík, d’origine slovaque, et Jan Kubis, né en Moravie (en République tchèque). Parachutés en décembre 1941 par la RAF avec 7 autres agents répartis en trois groupes (Silver A, Silver B et Anthropoid) dans les environs de Prague, ils purent compter sur l’aide fournie par les réseaux locaux de résistants jusqu’à la mise à exécution de leur mission, qui eut lieu le 27 mai 1942.

Pour prouver qu’il avait réussi à mettre au pas le protectorat dont il avait la charge, Heydrich se déplaçait de sa résidence et le château de Prague en Mercedes décapotable. Une chance pour les deux agents du SOE.

A 10h30 du matin, Gabcik se plaça devant la voiture du dignitaire nazi et tenta d’ouvrir le feu. Seulement, sa Sten s’enraya. A ce moment-là, Heydrich ordonna à son chauffeur d’arrêter le véhicule, se leva pour abattre le Slovaque. Il n’en eut pas le temps : Kubis lança une grenade, dont l’explosion blessa le « boucher de Prague ». Transporté à l’hôpital, il mourut le 4 juin des suites de ses blessures, sans doute à cause d’une septicémie.

Quant aux deux agents du SOE, ils furent aidés dans leur fuite par la Résistance locale alors qu’une immence traque fut lancée pour les retrouver. Et Hitler envisagea initialement une vaste campagne d’exécutions contre les Tchèques mais il y renonça pour ne pas mettre en péril l’industrie du pays, importante pour ses forces armées. Mais il y eut des milliers d’arrestations, des exactions furent commises, notamment dans les villages de Lidice et de Lezaky, avec la déportation des femmes à Ravensbrück et l’assassinat systématique des hommes. Au total, 3.000 personnes furent tuées.

Mais les agents du SOE restèrent introuvables… Jusqu’au 18 juin et la trahison d’un des leurs, Karel Curda, qui devait exécuter des missions de sabotage pour le compte du service britannique. Ce dernier donna les noms de résistants et ainsi que plusieurs caches utilisées. De fil en aiguille, la limiers nazis, après avoir utilisé des méthodes d’une barbarie sans nom, finirent par localiser Gabcik et Kubis, ainsi que 4 autres de leurs camarades dans l’église Saint-Cyrille-et-Méthode, à Prague.

Les SS assiègerent l’édifice religieux avec 700 hommes, lesquels furent tenus en échec pendant plusieurs heures par ces 7 hommes. Jamais les nazis ne réussirent à les prendre vivants, après avoir tenté de les enfummer et de les noyer alors que les 4 survivants – Kubis fut tué, ainsi que deux autres agents, lors d’un assaut au cours duquel les Allemands eurent 14 morts et 21 blessés – s’étaient réfugiés dans la crypte. Finalement, pour ne pas être pris, ils se suicidèrent.

L’assassinat d’Heydrich est le fait le plus marquant de la résistance tchèque, qui fait l’objet de commémorations à Prague, à l’occasion de son 70e anniversaire. « Cet attentat peut servir de soutien moral aux citoyens tchèques et de preuve que nous n’étions pas uniquement une nation occupée, paralysée par la peur » a ainsi estimé Miroslava Němcová, la présidente de la Chambre des députés du pays.

Cet acte inspira des longs métrages – dont celui intitulé « Les bourreaux meurent aussi », de Fritz Lang, touné à des fins de propagande, la guerre n’étant alors pas terminée – ainsi qu’à des livres, dont HHhH – Prix Goncourt 1er roman 2010 (Himmlers Hirn heisst Heydrich, le cerveau d’Himmler sappelle Heydrich) de Laurent Binet.

Photo : à gauche, Jan Kubis, à droite, Jozef Gabcík

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