Parfum de corruption autour du Pentagone à la française

En 2014, les différentes services du ministère de la Défense implantés à Paris, à l’exception de ceux des Invalides et de l’Ecole Militaire, seront regroupées sur le site de Balard, dans le XVème arrondissement. Il s’agit là d’une mesure emblématique de la réforme qui vise les forces armées françaises.

La réalisation de ce projet de 600 millions d’euros, financé dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé (PPP), a été confiée, en février dernier, à un consortium emmené par Bouygues, aux dépens de Vinci et d’Eiffage.

A l’époque, le ministère de la Défense avait indiqué que le projet retenu réunissait « les avantages de l’offre financière la plus basse, d’une bonne adéquation fonctionnelle et technique, et la meilleure qualité architecturale », et souligné qu’il avait fallu « 160 auditions ou réunions et plus de 360 heures de débat » pour arriver à ce choix.

Seulement, il semblerait qu’il y ait des irrégularités dans cette procédure. En effet, selon une révélation publiée par le Canard Enchaîné, confirmée par une « source judiciaire », une enquête préliminaire concernant ce marché a été ouverte en octobre 2010 par la Division nationale des investigations financières (DNIF), sur la base d’une dénonciation anonyme.

Ces premières investigations ont conduit le Parquet de Paris à lancer, en février dernier, une information judiciaire pour « corruption passive », « trafic d’influence » et « atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics » et de désigner deux juges d’instruction pour mener l’enquête.

D’après l’hebdomadaire satirique, un haut responsable du ministère de la Défense aurait fourni à un cadre dirigeant de Bouygues le cahier des charges avant qu’il ne soit transmis officiellement à l’ensemble aux trois groupes concurrents, ce qui a faussé la compétition. Selon une source judiciaire citée par l’AFP, un entrepreneur du BTP, déjà impliqué dans d’autres affaire de corruption, aurait joué les intermédiaires.

De son côté, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a indiqué que l’Hôtel de Brienne est « d’une sérénité totale » et « au service de la justice » au sujet de ces investigations.

Ce « Pentagone à la française », encore appelé « Balardgone », dont le permis de construire a par ailleurs été contesté par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, s’étendra sur 16,5 hectares et accueillera, à terme, 9.300 militaires et employés civils du ministère de la défense. La réalisation du bâtiment principal, d’une superficie de 130.000 m2, a été confiée à l’architecte Nicolas Michelin, tandis que celle des immeubles de bureaux de la corne Ouest (90.000m2 sur une parcelle de 3 hectares) est revenue à Jean-Michel Wilmotte. La rénovation des immeubles de la Cité de l’Air sera assurée par le cabinet d’architecture Atelier 2/3/4.

Dans la cadre du PPP, le ministère de la Défense vesera à l’entrepreneur, pendant 27 ans, une redevance annuelle comprise entre 100 et 150 millions d’euros. Ce montant comprend les coûts de construction et les frais financiers (54 millions) ainsi que ceux ayant trait à la maintenance, aux systèmes d’informations et de communication, à l’énergie et à différents services (restauration, nettoyage, conciergerie, etc…).

Cette redevance devrait être financée par un redéploiement de crédits, dont ceux correspondants aux dépenses actuelles de soutien de l’administration centrale dans les emprises parisiennes actuelles du ministère de la Défense (65 millions/an de 2014 à 2041) ou encore de loyers jusque là acquittés par la DGA (16 millions/an sur la même période), ainsi que par les recettes perçues grâce à la location à des acteurs privés des bureaux situés sur la parcelle ouest du « Balargone ».

La cession des bâtiments libérés par le regroupement des différents services du ministère de la Défense devrait permettre de récupérer au minimum 600 millions d’euros.

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