Selon M. Macron, le retrait de Barkhane et de Takuba du Mali prendra « entre quatre et six mois »
Au regard de l’évolution de la situation politique au Mali, récemment décrite par Florence Parly, la ministre des Armées, comme étant « très hostile » pour la force française Barkhane [et le groupement européen de forces spéciales Takuba], la fin des opérations de contre-terrorisme dans ce pays devait paraissait inéluctable. Et elle vient d’être officialisée, ce 17 février, via une « déclaration conjointe sur la lutte contre la menace terroriste et le soutien à la paix et à la sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest », associant la France, ses partenaires européens et le Canada.
« En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les États Européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations », est-il expliqué dans cette déclaration.
Et celle-ci d’ajouter : « En étroite coordination avec les États voisins, ils ont également exprimé leur volonté de rester engagés dans la région, dans le respect de leurs procédures constitutionnelles respectives ».
En réalité, l’attitude des autorités maliennes dites de transition a, en quelque sorte, précipité la réorganisation du dipositif militaire français au Sahel, annoncée par le président Macron en juin 2021. En un mot, si l’opération Barkhane prend fin, l’esprit de Takuba va perdurer.
Lors d’une conférence de presse donnée peu après la diffusion de cette déclaration conjointe, le président Macron a expliqué qu’il s’agirait dorénavant d’impliquer et d’appuyer davantage les pays voisins du Mali dans les opérations de contre-terrorisme, en particulier ceux du G5 Sahel [à l’exception du Mali, donc] et de l’initiative d’Accra, qui réunit la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, le Burkina Faso et le Ghana. L’ojectif est d’empêcher la progression des organisations jihadistes, comme celles affiliées au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, lié al-Qaïda] et à l’État islamique [EI], vers le golfe de Guinée.
Tout en apportant un soutien aux populations civiles locales [qui sont la premières cible des groupes terroristes, mais aussi le « premier rempart » contre ceux-ci, dixit M. Macron], via de l’aide au développement apportée dans le cadre de l’Alliance pour le Sahel, l’action militaire de la France et de ses partenaires européens va se recentrer sur la formation, l’équipement et l’appui des forces armées locales qui en feront la demande.
Cela étant, une opération de retrait est toujours compliquée et dangereuse… Les convois logistiques pouvant, par exemple, être la cible d’attaques par engins explosifs improvisés [EEI ou IED] ou tomber dans des embuscades. En outre, un autre paramètre à prendre en compte sera l’attitude de la population, surtout si elle est instrumentalisée par des campagnes de désinformation, comme on a pu le voir en novembre dernier, au Burkina Faso et au Niger.
En clair, pour assurer le désengagement des bases de Ménaka, Gossi et de Gao [la plus importante], il faudra très probablement déployer temporairement au Mali des capacités supplémentaires en matière de protection et de soutien médical. C’est ce qu’a d’ailleurs indiqué M. Macron.
« Nous allons donc progressivement fermer, dans un exercice qui va prendre quatre à six mois, les bases qui sont présentes au Mali. Pendant ce temps, nous allons déployer des forces importantes, à la fois logistiques et de sécurisation de notre retrait. De même que nous allons continuer d’assurer les missions de sécurisation de la MINUSMA [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali] », a expliqué le président français. Cela vaudra aussi pour l’EUTM Mali, la mission conduite par l’Union européenne [UE] pour former les forces armées maliennes [FAMa].
« Nous allons faire ce travail de réarticulation du dispositif en bonne intelligence avec les armées maliennes, que nous connaissons bien », a continué M. Macron, qui a admis qu’il y aurait, de fait, « moins d’opérations de lutte contre le terrorisme » durant cette phase.
« Compte tenu des choix de la junte malienne, il y en a moins eu dans la zone où elle est exposée puisqu’elle a décidé de beaucoup moins travailler sur ce sujet », a souligné le président français, avant de dénoncer le recours aux services du groupe paramilitaire russe « Wagner » par la junte malienne, sur « la base de financements qu’il appartiendra de clarifier pour le peuple malien lui-même ».
Comme cela avait déjà été prévu dans les plans annoncés en juin par M. Macron, le Niger sera la plaque tournante des opérations menées au Sahel.
« Nous allons, en lien avec les autorités nigériennes et [celles] de toute la région, d’abord organiser cette sortie du territoire malien […] et nous allons réaticuler des forces qui sont déjà présentes au Niger, en lien étroit avec les forces armées nigériennes », a-t-il dit, précisant que les forces spéciales françaises actuellement présentes au Burkina Faso y seront maintenues.
Ce nouveau dispositif sera « africano-européen », comme « je l’avais annoncé après [les sommets de] Pau et N’Djamena », a continué M. Macron, rappelant que « Barkhane avait vocation à évoluer en Takuba ». En outre, a-il continué, il dépendra « de ce que nous allons discuter avec nos partenaires africains dans les prochaines semaines. Et donc, c’est l’expression des besoins des armées du G5 Sahel et de l’initiative d’Accra, en lien très étroit avec la Cédéao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ndlr] qui va recalibrer le soutien des Européens, la France étant en quelque sorte la nation-cadre au sens militaire ».
« Soutien en termes d’équipements, de formations, de coopérations. Et soutien également par des forces spéciales dans la lutte contre le terrorisme. C’est comme ça que nous allons réarranger les choses, parce qu’il y a une continuité complète entre l’évolution de Barkhane vers Takuba. C’est exactement l’esprit de Takuba », a conclu M. Macron.