Les États-Unis accusent la Russie d’avoir à nouveau testé une arme antisatellite

Officiellement, la Russie défend, avec la Chine, un projet de traité relatif à la « prévention du déploiement d’armes dans l’espace et de la menace ou de l’emploi de la force contre des objets spatiaux ». Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la diplomatie a estimé que la stratégie spatiale présentée par la France en juillet 2019 soulevait de « sérieuses questions ».

Justement, cette stratégie souligne qu’il ne s’agit nullement pour la France de se lancer sans une course aux armements spatiaux, l’accent étant mis sur les efforts diplomatiques visant à garantir un « usage pacifique de l’espace ». Cependant, elle prévoit aussi la mise au point d’armes « défensives » afin de protéger les satellites français. Une mesure justifées par la présence régulière d’engins « butineurs » près de ces derniers.

Pendant longtemps, les autorités françaises ne précisèrent pas l’origine de ces engins « butineurs ». Mais la ministre des Armées, Florence Parly, rompit avec cette approche en accusant le satellite russe « Luch Olymp » d’être l’un d’entre-eux. « Des satellites espionnés, brouillés, ou encore éblouis. Les moyens de gêner, neutraliser ou détruire les capacités spatiales adverses existent et ils se développent : nous le savons, l’ombre de la menace est bien réelle », avait-elle souligné.

Les missiles anti-satellites figurent évidemment parmi ces moyens visant à détruire des capacités spatiales, même si ils ne sont pas les plus pertinents, en raison des débris qu’ils sont suceptibles de générer en orbite. Peu de pays en disposent : « pionniers » dans ce domaine, les États-Unis et la Russie ont depuis été rejoints par la Chine [test réalisé en janvier 2007] et, plus récemment, par l’Inde.

Les capacités d’interception de missiles balistiques peuvent d’ailleurs sont par ailleurs susceptibles d’être détournées pour viser des satellites en orbite basse. Ainsi, en 2008, l’US Navy avait tiré un missile SM-3, développé dans le cadre du bouclier antimissile américain, pour détruire un satellite espion USA-193 alors en perdition, à 247 km au-dessus de l’océan Pacifique. À l’époque, la Chine, qui venait de faire la même chose avec un engin météorogique dépassé, et la Russie, demandèrent des explications aux États-Unis.

Cependant, les forces russes disposent du système antimissile A-135 [code Otan : ABM-3 Gorgon], lequel repose sur un missile intercepteur ayant une portée opérationnelle comprise entre 350 et 900 km. Or, il est avancé que Moscou envisage de le remplacer par le système A-235 PL-19 Nudol. Et cela donne matière à quelques interrogations.

En décembre 2016, il fut rapporté que la Russie avait procédé à un essai de ce système, alors en cours de développement. Or, il apparut que le missile intercepteur n’avait pas cherché à détruire un missile balistique mais qu’il avait visé un point fixe dans l’espace.

« Tirer sur un point fixe dans l’espace est inutile du point de vue de la défense antimissile », avait alors expliqué Jeffrey Lewis, expert du Middlebury Institute of International Studies, dans les colonnes du Daily Beast. Un missile balistique se déplaçant rapidement, un intercepteur doit être capable de manoeuvrer avec célérité pour se caler sur sa cible. En revanche, un satellite se déplace de façon prévisible et relativement lentement.

Apparemment, un nouvel essai du système A-235 PL-19 Nudol a eu lieu le 15 avril, selon le même mode opératoire suivi en décembre 2016. Ce qui a été dénoncé par le général John Raymond, le chef de l’US Space Force.

« Le test [d’une arme antisatellite] de la Russie donne un autre exemple que les menaces contre les systèmes spatiaux américains et ceux des alliés sont réelles, sérieuses et croissantes », a fait valoir le général Raymond, via un communiqué. Et il est « une preuve supplémentaire du plaidoyer hypocrite de la Russie en faveur de propositions de contrôle des armements dans l’espace, imaginées pour restreindre les capacités des États-Unis » alors que Moscou « n’a clairement aucune intention de suspendre ses programmes d’armes spatiales », a-t-il insisté.

Pour rappel, en février, le général Raymond avait aussi dénoncé le comportement « inhabituel et inquiétant » des engins russes Kosmos-2542 et Kosmos-2543 autour du satellite américain USA-245. « Les États-Unis considèrent que ces récentes activités sont préoccupantes et ne reflètent pas le comportement d’une nation spatiale responsable », avait-il affirmé.

Quoi qu’il en soit, a-t-il assuré, les « États-Unis sont prêts et déterminés à dissuader l’agression et à défendre la Nation, nos alliés et les intérêts américains contre les actes hostiles dans l’espace ».

Les essais relatifs au programme A-235 PL-19 Nudol auraient commencé en 2015, selon la Secure World Foundation, qui défend un usage pacifique de l’espace. Et, à ce jour, on ignore si ce missile intercepteur a réussi ou non à détruire une cible en mouvement au cours de ses essais. Toutefois, en juin 2019, le ministère russe de la Défense avait diffusé les images d’une interception d’un missile balistique… Mais sans préciser le système utilisé était le S-500 ou l’A-235.

En tout cas, le test dénoncé par général Raymond n’a pas été démenti par Moscou. Ainsi, l’agence officielle Sputnik l’a au contraire justifié en sollicitant l’expert militaire russe Alexeï Leonkov.

« Le missile testé par la Russie est destiné au système de défense antimissile et les affirmations des États-Unis selon lesquelles il s’agirait d’une arme antisatellite ne sont qu’une tentative pour justifier leurs propres prétentions à l’espace », a commenté ce dernier.

Reste que ce test garde ses mystères… « On ne sait pas si la Russie a réellement visé une cible », a affirmé Michael Thompson, spécialiste des satellites et de l’astrodynamique, au site The Verge. Il est possible, selon lui, que l’objectif visé était un vieux satellite russe, appelé Kosmos 1356, dans la mesure où il aurait pu être « dans la bonne position ». Toutefois, a-t-il ajouté, et selon les données de suivi de la société LeoLabs, l’engin est toujours en orbite et aucun débris n’est actuellement suivi par l’US Space Command.

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