La marine indienne a chassé un navire de recherche chinois près des îles Andaman-et-Nicobar
Exploité conjointement par plusieurs laboratoires relevant de l’Académie chinoise des sciences, dont l’Institut océanologique de la mer de Chine méridionale [SCSIO] et l’Institut d’acoustique [IOA], le Shiyan-1 est un navire de type catamaran SWATH [Small Waterplane Area Twin Hull] mis en service en 2009 pour mener des recherches océanographiques.
Or, la semaine passée, lors d’une conférence de presse, le chef d’état-major de l’Indian Navy, l’amiral Karambir Singh, a confirmé que ce bâtiment avait été repéré par un avion de surveillance maritime Dornier Do-228-101 alors qu’il naviguait dans la zone économique exclusive [ZEE] des îles Andaman-et-Nicobar, au large de Port-Blair, la capitale de ce territoire sous souveraineté indienne.
Pour rappel, ces îles sont proches du détroit de Malacca qui, situé entre la péninsule malaisienne du même nom et Sumatra [Indonésie], est l’un des couloirs maritimes les plus fréquentés au monde et constitue ainsi la principale route d’approvisionnement en pétrole de de la Chine et du Japon.
Selon New Delhi, le Shiyan-1 menait des « activités de recherche » sans autorisation quand il fut repéré par le Do-228 de la marine indienne. Des sources ont expliqué, rapporte la presse indienne, que le navire chinois aurait pu se livrer à des activités d’espionnage, New Delhi ayant décidé un investissement de près de 800 millions de dollars pour renforcer sa présence militaire – et donc ses capacités de surveillance – dans ces territoires insulaires.
Quoi qu’il en soit, a expliqué l’amiral Singh, sans s’attader sur les détails, un patrouilleur indien fut rapidement envoyé à la hauteur du Shiyan-1 pour le forcer à changer de cap et à quitter la ZEE indienne. « Notre position est que si vous devez travailler dans notre zone économique exclusive, vous devez demander notre autorisation », a-t-il dit.
Plus largement, New Delhi s’inquiète de la présence de plus en plus affirmée de la marine chinoise dans son environnement proche, et en particulier dans l’océan Indien, dans le cadre de la stratégie dite du « collier de perles ». Cette dernière se traduit également par l’installation de bases navale sur un axe allant de la Birmanie à Djibouti, en passant par le Bangladesh, le Sri Lanka et le Pakistan. Et le tout se double par le renforcement de liens militaires aves les pays frontaliers de l’Inde, comme le Népal.
Quant au détroit de Malacca, il est évidemment aussi stratégique pour Pékin, en raison de ses prétentions en mer de Chine méridionale, de sa volonté de sécuriser ses approvionnements pétroliers et de surveiller les flux maritimes entre l’océan Indien et la mer d’Andaman.
Cela étant, le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas réagi immédiatement aux affirmation indiennes. Il lui a en effet fallu quelques jours pour les démentir et assurer que le Shiyan-1 [ou Experiment-1, ndlr] se trouvant dans les eaux internationales et non dans la ZEE surveillée par l’Indian Navy. Et de faire savoir qu’il en avait les preuves, grâce aux journaux de bord et aux relevés GPS.
« La Chine a pris note des remarques faites par le chef d’état-major de la marine indienne au sujet de l’expulsion du navire de recherche chinois en septembre de cette année. Il a été vérifié que ce navire de recherche effectuait des expériences de propagation acoustique et des mesures de l’environnement hydrologique en haute mer dans l’océan Indien. Il n’a effectué aucune opération dans la ZEE indienne », a affirmé la diplomatie chinoise, via un communiqué.
Au passage, on peut relever que les expériences réalisées par le Shiyan-1 intéressent la guerre sous-marine… Mais elles peuvent également servir à déterminer la composition géologique d’un fonds marin et donc à chercher d’éventuels gisements de pétrole et de gaz.
« Les activités scientifiques de l’Expérience-1 sont pleinement conformes aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer », a encore fait valoir le ministère chinois des Affaires étrangères.
« La Chine a toujours exercé la liberté de la recherche scientifique en haute mer conformément à la loi et respecte pleinement la juridiction des États côtiers concernés sur leurs activités de recherche scientifique dans les eaux sous leur juridiction », a-t-il insisté, avant d’appeler New Delhi « à éviter de perturber les activités maritimes normales et licites. »
Cela étant, selon un récent étude du China Maritime Studies Institute de l’US Naval War College [.pdf], les activités de recherche océanographique chinoises « pourraient être un indicateur avancé de l’évolution de la stratégie navale de la Chine. » Et d’expliquer : « Les navires de recherche chinois jettent les bases scientifiques d’opérations navales dans de nouvelles zones. Ils préparent également de futures activités d’exploitation des ressources des fonds marins, que la marine chinoise sera invitée à protéger. En effet, l’espace maritime international constitue l’une des nouvelles frontières de la pensée chinoise en matière de sécurité nationale. »