À l’heure du programme SCORPION, la Légion étrangère rappelle les quatre piliers de sa cohésion
Parmi les nouvelles capacités qu’apportera le programme SCORPION [Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] à l’armée de Terre, le combat collaboratif sera central. Avec le risque de faire du soldat un « combattant numérique ». D’où l’insistance du général Jean-Pierre Bosser, quand il était encore CEMAT [chef d’état-major de l’armée de Terre], sur la nécessité de conserver les « vertus militaire antiques » et de promouvoir « l’esprit guerrier », qui donne le « supplément d’âme » nécessaire pour prendre l’ascendant sur l’adversaire.
Pour la Légion étrangère, il n’est pas question de perdre justement son âme dans cette « révolution numérique » qu’incarne SCORPION. Et, visiblement, c’est un sujet qui préoccupe son commandant [COMLE], le général Denis Mistral, qui, cette année, s’en est ouvert à deux reprises dans les colonnes du magazine « Képi Blanc ».
Ainsi, en avril, le COMLE avait assuré que la Légion étrangère veillera « sans concession à préserver ce qui fait sa cohésion, sa force et sa réputation ». Et d’ajouter : « Si les moyens d’accomplir la mission changent, les fondamentaux, eux, restent. » En outre, avait-il ajouté, « chaque légionnaire » aura « sa place dans la Légion de 2025, en étant parfaitement formé, portant un grade et des qualifications qui répondent aux besoins en matière d’encadrement et de spécialités des nouveaux systèmes d’armes, quelle que soit la fonction opérationnelle. »
Puis, dans le dernier numéro de Képi Blanc, le général Mistral a tenu à rappeler les « piliers » de la « Fabrique Légion étrangère ». Piliers [ou fondements] qui n’ont jamais été « remis en question » en 188 ans d’existence de la Légion, a-t-il souligné.
« Ce qui caractérise par-dessus tout la Légion étrangère, c’est sa cohésion qu’elle affiche devant le chef des Armées et le peuple français, quand, chaque 14 juillet, elle tourne d’un bloc sans se scinder devant la tribune présidentielle », avance le général Mistral. Or, poursuit-il, le « sens de cette cohésion n’est pas à prendre comme l’expression insolente de la qualité de la troupe ou de l’autosatisfaction de ses savoir-faire, mais bien comme la garantie que les étrangers qui la composent feront passer leur fidélité au fanion de la Légion et donc, au drapeau français, avant leurs propres intérêts nationaux qui sont aussi variés que les cent quarante sept nationalités présentes aujourd’hui. »
Le « système Légion » repose sur quatre piliers, qui sont : « Fomer le légionnaire », « Instruire le soldat », « Employer le combattant » et « Accompagner l’ancien ».
« La Légion étrangère sélectionne sans exception ses candidats au recrutement sur les critères sévères de l’infanterie française au plan physique, médical ou psychologique », rappelle le COMLE.
S’agissant du recrutement, la Légion n’a pas de problème d’attractivité. Ce qui lui permet donc d’être sélective. Mais les bonnes prédispositions physiques ne suffisent pas à faire un bon légionnaire… D’où l’importance de la formation initiale, assurée au 4e Régiment Étranger de Castelnaudary.
« C’est là qu’ils sauront véritablement s’ils sont vraiment faits pour être légionnaire. La discipline est sévère, les temps libres inexistants, la promiscuité est de mise : il s’agit d’amalgamer ces hommes tellement différents et que parfois tout oppose et de transformer les antagonismes en fraternité d’armes », détaille le général Mistral. Il n’est donc pas question que les instructeurs jouent les « éducateurs », comme le déplorait un sous-officier du Centres de formation initiale des militaires du rang [CFIM] de la 2e Brigade Blindée, dans les colonnes du Point.
« Regroupés pendant cinq semaines dans une ferme isolée, les futurs légionnaires sont à nu : ils doivent pendant cette période, oublier pays, famille, amis, effets personnels, téléphone mobile et n’ont d’autre choix que de se tourner les uns vers les autres pour surmonter ensemble les efforts individuels et collectifs que l’on attend d’eux et auxquels ils ne sont pas habitués. C’est dans les difficultés et la dureté des premiers pas que prend naissance l’estime de l’autre, quelle que soit sa nationalité ou sa religion, l’amitié et la fraternité d’armes », explique le général Mistral.
Ensuite, l’instruction des futurs légionnaires repose sur trois principes auxquels il n’est pas question de déroger : l’égalité des chances, le travail et le mérite. « C’est là aussi qu’ils apprennent que nulle spécificité nationale dans le style de commandement, la vie quotidienne ou au combat ne viendra prendre le pas sur un enseignement de ces fondamentaux ‘à la française' », insiste le COMLE.
L’amalgame des nationalités est une chose. Mais il faut également arriver à faire celui des générations. « Le légionnaire expérimenté guide le novice. Certains d’entre eux, après ce temps incontournable en unité de combat, pourront acquérir une spécialité qui orientera leur carrière mais qui n’en fera jamais définitivement des spécialistes car ils resteront avant tout des combattants », souligne-t-il.
Enfin, le quatrième pilier du « système Légion » est la solidarité à l’endroit des anciens légionnaires. Dans un éditorial publié début janvier, le général Mistral avait particulièrement insisté sur point. « la solidarité légionnaire est toujours le ciment qui unit les étrangers entre eux, par l’acceptation et la tolérance et qui en fait des frères d’armes au service de la France », avait-il insisté.