M. Macron presse les donateurs de la Force conjointe du G5-Sahel de débloquer les fonds promis
La Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), dont les 5.000 soldats sont fournis par le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie, aurait dû être pleinement opérationnelle en mars dernier. Et les conférences de la Celle-Saint-Cloud (en décembre 2017) et de Bruxelles (en février) avaient permis de recueillir assez de promesses de dons pour financer sa mise en place et assurer une année de fonctionnement (soit 420 millions d’euros).
Seulement, le compte n’y est toujours pas. Fin avril, le commandant de la force française Barkhane, le général Guibert, s’en était inquiété dans les colonnes de L’Express. « J’observe que la communauté internationale fait beaucoup de promesses, mais peine à les concrétiser. On parle de la nécessité de réunir 400 millions d’euros. Hormis ce qu’a donné la France sous forme d’équipements, il n’y a pas grand-chose qui a été fait », avait-il en effet déploré.
Dans le même temps, relayant une demande du Niger, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Opérations de paix, le diplomate français Jean-Pierre Lacroix, avait appelé les pays donateurs à « concrétiser leurs engagements » afin de pouvoir mettre « des ressources à la disposition de MINUSMA [Mission des Nations unies au Mali, ndlr] et de la Force du G5-Sahel aussitôt que possible. »
Et, depuis, ce dossier n’a pas pratiquement pas avancé. D’où les propos tenus par le président Macron, ce 4 juin, lors d’une conférence de presse donnée à l’occasion d’une visite à Paris de Mahamadou Issoufou, son homologue nigérien.
« Ce sur quoi il nous faut accélérer, ce sont les financements internationaux », a dit M. Macron. « Le financement de l’Union européenne nous a permis de payer des primes et des équipements mais nous devons accélérer sur les autres engagements qui avaient été pris à la fois en décembre à la Celle-Saint-Cloud et en février à la conférence de Bruxelles », a-t-il ajouté.
« Le chemin parcouru depuis un an est satisfaisant et doit maintenant se traduire par des résultats opérationnels », a continué l locataire de l’Élysée. « Sur le terrain aujourd’hui nous n’avons pas accusé de retard. Il nous faut simplement accélérer pour qu’on puisse à la fin de l’été mener les opérations attendues, en particulier sur le fuseau central », a-t-il insisté.
Le président nigérien n’a pas dit autre chose. « Nous attendons le décaissement des ressources promises lors de la réunion de février », a déclaré M. Issoufou, avant de révélérer qu’une « une opération (de la force conjointe) est en cours, ceci avec les propres ressources des États ». Pour rappel, deux ont déjà été menée par la FC-G5S, grâce à l’appui de Barkhane : Haw Bi en octobre 2017 et Pagnali, au début de cette année.
Lors d’un entretien donné à France24, le président nigétien a cependant confirmé que l’Arabie Saoudite venait de débloquer les fonds qu’elle avait promis (environ 100 millions d’euros). Ces « ressources […] qui serviront à acheter des équipements pour les différents bataillons », a-t-il dit.
Cependant, ces ressources de 420 millions d’euros [ce qui correspond à environ une année du budget total des cinq armées réunies, ndlr] ne suffiront pas pour inscrire les opérations de la FC G5S dans le long terme. Elles « permettront de financer le fonctionnement de la force pendant un an », a relevé M. Issoufou. « Il faut avoir le souci de chercher des sources de financement pour les autres années », a-t-il expliqué, lors de la conférence de presse conjointe avec M. Macron.
« La focalisation sur le budget de la force a fini par faire oublier une autre question : celle de son financement futur et de sa pérennité dans le temps. Le refus américain et britannique de financer la force au travers d’un mécanisme onusien régulier et durable met le G5 à la merci d’une insécurité budgétaire permanente », avait d’ailleurs prévenu l’International Crisis Group, dans une étude récente.
Cette difficulté à réunir les fonds promis peut avoir plusieurs explications. La première tient aux doutes que certains peuvent avoir sur les capacités de cette FC-G5S dans les mesures où les armées qui fournissent ses effectifs sont « rincées » par des années de surengagement (comme celle du Tchad) ou, au contraire, peu aguerrie (comme celle de la Mauritanie). Se pose également des questions relatives aux droits de l’Homme, comme celles récemment soulignées par Human Rights Watch au Burkina Faso ainsi que le risque de corruption.
« Rien ne dit que cet afflux d’argent ne sera pas un accélérateur de la corruption qui a miné les armées des pays du G5 au cours des années passées, exacerbé les divisions au sein de celles-ci et entre les pays de la région, et attisé les manipulations parmi des élites politiques intéressées par la captation d’une partie de cette manne soudaine », avait analysé l’ICG au sujet de ces 420 millions d’euros promis à cette FC-G5S.