La Direction du renseignement militaire peine à recruter au sein des armées
Renseignement géo-localisé et géo-référencé, traitement de volumes de données toujours plus importants, cyber, intelligence artificielle… Le métier du renseignement évolue et cela n’est pas sans conséquence sur la gestion des ressources humaines des services concernés.
Tel est le cas de la Direction du renseignement militaire (DRM), qui se devant être à la pointe dans ces nouveaux domaines, éprouve quelques difficultés en matière de recrutement. Même si, comme son chef, le général Jean-François Ferlet l’a dit aux députés de la commission de la Défense, elle n’a jamais assez d’effectifs, ce n’est pas un souci de création de postes, dans la mesure où les politique menées ces dernières années ont fait la part belle à la fonction « connaissance et anticipation » [la DRM compte 1.800 personnes et 300 doivent venir la renforcer d’ici 2019, ndlr].
Le problème de la DRM est de trouver les compétences dont elle a besoin tout en veillant à maintenir un certain équilibre entre le personnel civil et militaire.
« Certaines spécialités vont disparaître dans nos rangs. Par exemple, nous employons aujourd’hui des spécialistes très pointus dans le domaine de l’interception HF, avec des expertises particulières » car « demain les traitements seront automatisés et nous n’[en] aurons plus besoin. En revanche, nous aurons besoin d’autres spécialistes, notamment les data scientists », a expliqué le général Ferlet.
S’agissant plus particulièrement des spécialités liées au big data, la DRM a « procédé à d’importants recrutements de personnels civils » parce qu’elle n’avait « procédé à d’importants recrutements de personnels civils », a dit le général Ferlet. « Et ce recrutement va continuer sa montée en puissance, avec de nouveaux experts dans de nouveaux domaines », a-t-il ajouté.
Seulement, a constaté le DRM, « j’ai un vrai déficit en militaires ». Il s’agit « de spécialistes qui n’existaient pas avant dans les armées, qu’il nous faut recruter, former et dont il nous faut accroître le nombre », a-t-il continué. Pour le moment, ce déficit est donc « partiellement compensé par le recrutement de civils ». Mais il n’est pas possible d’aller au-delà des 30% de civils qui font partie du personnel de la DRM.
« Il m’est très difficile d’aller au-delà, car je suis par ailleurs soumis à des contraintes de projection de personnels du renseignement sur les théâtres d’opérations, et que je ne peux pas y projeter de civils », a fait valoir le général Ferlet. Pour le moment, l’une des solutions consiste à faire signer des contrats de réserviste aux civils ainsi recrutés afin de leur permettre de « partir en opération ». Mais cet expédient a ses limites. « Aujourd’hui, certains postes en opération ne sont pas honorés, faute de militaires disposant des bonnes compétences », a-t-il déploré.
En outre, le recrutement de civils n’est pas tout. Encore faut-il pouvoir les fidéliser. Et c’est d’ailleurs l’un des 9 axes du projet « DRM 2020 », qui parle de « recruter des experts et des profils atypiques » et « d’assurer des carrières épanouissantes. »
« Compte tenu du contexte sécuritaire dans lequel nous vivons, nous n’avons pas trop de mal à recruter, du moins des spécialistes de haut niveau. Mais il est plus difficile de recruter des experts de catégorie B, et surtout de les fidéliser car ces experts sont très demandés dans le monde civil », a dit le général Ferlet. « Souvent, ils viennent chez nous pour une première expérience, pour se faire un CV, puis ils vont chercher un autre emploi à l’extérieur. C’est un problème », a-t-il ajouté.
Si le métier du renseignement évolue avec l’avènement de technologies nouvelles, il n’est pas non plus encore bouleversé. Et il a encore besoin d’analystes et surtout de linguistes. D’autant plus que les outils d’intelligence artificielle censés faire de la traduction automatique sont loin d’être au point. « Ces dispositifs ne sont pas très fiables dans des langues courantes comme l’anglais, nous n’attendons pas de bons résultats pour demain avec une langue rare aux dialectes multiples », a souligné le général Ferlet.
Le tamasheq, la langue parlée par les Touareg, « dont est issu le noyau dur des groupes terroristes que nous rencontrons dans le Sahel » (dixit le général Ferlet) est un exemple (comme l’ont été le dari et le pachto à une autre période).
« Le tamasheq n’est pas une langue unique : il comporte de nombreux dialectes un peu différents selon les régions, car nous trouvons des Touaregs en Mauritanie, au Mali, en Algérie, au Niger ou en Libye. Les locuteurs du tamasheq sont difficiles à recruter », a expliqué le DRM. « En général, il s’agit de Touaregs qui ont encore des attaches familiales au Sahel. Ces candidatures sont, comme tous les personnels civils et militaires du ministère, transmis à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) pour les habiliter au niveau de sécurité idoine », a-t-il continué.
Pour les missions ponctuelles, le général Ferlet voudrait pouvoir « pré-identifier et pré-habiliter » des contractuels dans « le cadre de missions d’intérim ». C’est « une des pistes pour compléter notre boîte à outils. J’ai lancé en interne un chantier relatif aux ressources humaines et je souhaite que l’on fasse preuve d’audace et d’innovation », a-t-il avancé.