Quelle position aura l’administration Trump au sujet de l’adhésion du Monténégro à l’Otan?
Le 19 mai 2016, les ministres des Affaires étrangères des 28 États membres de l’Otan ont signé le protocole d’accession du Monténégro, ce petit pays des Balkans (620.000 habitants) ayant désormais le statut de « pays invité ». Pour autant, l’adhésion de Podgorica à l’Alliance atlantique, si elle est en bonne voie, n’est donc pas encore effective dans la mesure où elle doit encore être ratifiée par l’ensemble des Alliés.
Cette adhésion à l’Otan a été voulue dès 2006 – année de l’indépendance – par l’inamovible Milo Djukanovic, qui, depuis plus de 25 ans, occupe les plus grandes fonctions à la tête de son pays. Seulement, cette initiative divise la population du Monténégro, jusqu’alors proche de la Russie, notamment sur le plan religieux et le domaine économique.
Évidemment, cette adhésion du Monténégro à l’Otan est très mal vécue à Moscou, d’autant plus que la Russie a consenti d’importants investissements, au cours des ces 15 dernières années, dans ce pays et que de nombreux ressortissants russes – dont, dit-on, le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou – y sont propriétaires de résidences secondaires sur les bords de l’Adriatique.
Aussi, la question de l’Otan devait être l’une des clés des élections législatives monténégrines du 16 octobre dernier. Et, à l’issue d’une campagne marquée par les allégations d’ingérences russes avancées par le gouvernement sortant, M. Djukanovic n’était alors pas certain de l’emporter. En effet, le positionnement atlantiste et pro-européen de son gouvernement eut pour conséquence une baisse significative des investissements russes (montant divisé par deux), en particulier dans les secteurs de l’immobilier et du toursime, ce dernier étant crucial pour l’économie monténégrine. D’où la relative popularité des formations pro-Moscou.
C’est alors que survint une bien étrange affaire. La veille du scrutin, la police arrêta une vingtaine de ressortissants serbes, accusés par le Parquet d’avoir voulu « prendre le contrôle du Parlement en faisant couler le sang de citoyens innocents », enlever M. Djukanovic et favoriser des partis politiques non précisés.
« Les organisateurs du complot sont des nationalistes russes. Le but était d’arrêter le Monténégro sur son chemin euro-Atlantique, et en particulier l’adhésion à l’Otan », expliqua Milivoje Katnic, le procureur spécial pour les affaires de crime organisé et la corruption. Toutefois, admit-il, « nous n’avons aucune preuve que l’Etat russe était impliqué de quelque manière. » Et, à Moscou, l’on opposa un démenti catégorique contre toute implication.
Implicitement accusé, le Front démocratique, un parti pro-russe, dénonça une « propagande grossière ». Et selon le New York Times, les personnes arrêtées, pour la plupart âgées et malade, n’avaient pas les épaules pour mener à bien une telle opération de déstabilisation. D’ailleurs, l’on apprendra plus tard, qu’elles furent libérées au bout de quelques jours. Mais deux individus restèrent entre les mains de la justice : Alexandre Sindjelic, un mercenaire serbe recherché par Kiev pour avoir combattu avec les pro-russes dans le Donbass et un ancien gendarme, de la même nationalité, Bratislav Dikic. Et les révélations faites par le premier auraient mis en lumière un réseau de nationalistes pro-russes actif dans les Balkans et en Ukraine.
Cette affaire a-t-elle joué sur le résultat des élections législatives, en outre marquées par de nombreuses irrégularités? En tout cas, la formation de M. Djukanovic – le Parti démocratique des socialistes (DPS) – arriva en tête, sans pour autant obtenir la majorité absolue. Il sera possible de « ratifier le protocole d’adhésion à l’Otan » et « d’intensifier les négociations » avec l’Union européenne [commencées en 2012, ndlr] », affirma-t-il.
Seulement, la donne a changé à Washington, avec l’élection de Donald Trump. Et pour qu’un nouveau membre soit accepté au sein de l’Otan, il faut qu’il y ait l’unanimité de l’ensemble des Alliés.
Aussi, la question de la position qu’adoptera l’administration Trump sur l’adhésion du Monténégro à l’Otan se pose, d’autant plus que le successeur de Barack Obama n’a pas caché son intention d’avoir de bons rapports avec Vladimir Poutine, son homologue russe.
« Je le respecte », mais « ça ne veut pas dire que je vais m’entendre avec lui », a encore affirmé M. Trump, lors d’un entretien diffusé le 5 février par Fox News. Et d’ajouter : « C’est un leader dans son pays, et je pense qu’il vaut mieux s’entendre avec la Russie que l’inverse », a-t-il ajouté. » Quid, dans ces conditions, du Monténégro et de l’Otan?
Il s’agit-là d’un test majeur pour la nouvelle administration américaine, quand on sait que Moscou voit dans chaque extension de l’Otan vers l’est une « provocation ». Mais d’après le site Politico, le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, le général Michael Flynn, qui a cultivé une certaine proximité avec le pouvoir russe, « »devrait recommander » au président « l’adhésion du Monténégro à l’Otan dans les prochains jours. »
Selon la procédure américaine, le protocole d’adhésion du Monténégro à l’Otan doit réunir les deux tiers des voix au Sénat. Mais la Constitution donne au président le pouvoir de négocier les traités. Et, à ce titre, M. Trump pourrait refuser de faire part de cette ratification à l’Alliance ou bien la garder sous le coude aussi longtemps qu’il le voudra.
Cela étant, que peut apporter Podgorica à l’Otan, sachant que son budget militaire s’élève à seulement 47 millions d’euros (1,25% du PIB)? Une partie de la réponse a été donnée dans un rapport [.pdf] du Sénat français par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), laquelle a souligné la « sensibilité maritime que le Monténégro est susceptible d’apporter à l’Alliance atlantique qui pourrait être particulièrement utile pour le traitement des problématiques méditerranéennes (migrants, lutte contre les trafics). »
Autre argument avancé : l’adhésion du Monténégro « renforcera la stabilité des Balkans occidentaux, et donc à ce titre, contribuera à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord, ce qui est l’un des critères pour rejoindre l’Alliance. » En outre, d’un point de vue « stratégique », elle permettra « d’établir une continuité de la zone OTAN sur la côte adriatique, en complétant le chaînon manquant entre la Croatie et l’Albanie » et d’accueillir des navires de l’Otan dans le port de Bar.