Le trafic de migrants reste très lucratif pour certains villes côtières libyennes

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Lancé en juin 2015, l’opération navale européenne Sophia promettait de casser le modèle économique des passeurs de migrants qui opèrent depuis le littoral libyen. Seulement, près d’un an et demi plus tard, cet objectif n’est toujours pas atteint et le flux de candidats à l’émigration vers le Vieux Continent n’est pas tari. Loin de là.

En effet, les autorités italiennes ont indiqué, le 28 novembre, avoir enregistré un nombre record d’arrivées par la mer en 2016, avec plus de 171.000 migrants accueillis, soit un nombre en hausse de 19% par rapport à l’année dernière.

En écho à un rapport britannique dèjà très critique sur l’opération Sophia, Martin Kobler, l’envoyé spécial des Nations unies pour la Libye avait fustigé, en juin dernier, son inefficacité. Et d’expliquer : « Elle [l’opération Sophia, ndlr] ne patrouille pas dans les eaux territoriales libyennes. Les passeurs mettent donc les migrants dans les bateaux et ne leur donnent même plus l’essence suffisante pour aller jusqu’à Lampedusa. Ensuite, ils appellent le numéro d’urgence en Italie leur disant : ‘Eh, préparez-vous, 500 vont arriver!' ».

Le fait est. Faute d’avoir le mandat pour patrouiller dans les eaux territoriales libyennes – voire pour intervenir sur le littoral libyen – l’opération Sophia crée ainsi un « appel d’air », pour reprendre le mot de M. Kobler.

Quant au modèle économique des passeurs, il se porte très bien, à en juger par un rapport du contre-amiral italien Enrico Credendido, le commandant de l’opération Sophia, auquel l’agence Associated Press a pu avoir accès.

Ainsi, dans ce document remis aux 28 membres de l’UE, il est dit que « le trafic de migrants, qui prend sa source loin des frontières libyennes, demeure une source importante de revenus pour les habitants des villes de la côte libyenne, de l’ordre de 275 à 325 millions d’euros par an. »

Plus inquiétant encore, ce rapport explique que des organisations jihadistes, en particulier al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), sont impliquées dans ce trafic, avec la complicité d’une tribu touareg implantée dans le sud-ouest de la Libye.

Toutefois, le contre-amiral Credendido n’est pas en mesure d’affirmer que des jihadistes « essaient d’entrer en Europe parmi » les migrants. Si rien ne le montre, le contraire n’est pas non plus prouvé… D’autant plus que les jihadistes venus de Syrie ont utilisé ce moyen pour rejoindre la France et la Belgique, comme l’a démontré l’enquête sur les attentats de Paris et de Saint-Denis.

Faute de pouvoir opérer au plus près du littoral libyen, l’opération Sophia forme désormais des gardes-côtes libyens dont la mission sera justement de lutter contre les passeurs. Mais vu les sommes que ces trafics rapportent, l’on peut être dubitatif, d’autant plus que la situation économique (et politique) en Libye est désastreuse.

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