Une unité militaire française chargée de contrer la propagande jihadiste sur Internet

Afin de contrer la propagande terroriste via Internet et de donner des éléments d’informations sur les processus de radicalisation et d’embrigadement, le gouvernement a mis en ligne, la semaine dernière, le site « stop-djihadisme.gouv.fr« , avec en page d’accueil une vidéo destinée à contrer le discours jihadiste en s’appuyant sur des images violentes.

Seulement, cette initiative n’a visiblement pas obtenu les résultats attendus. Du moins pour le moment. Ainsi, le message de ce site a été immédiatement détourné par la mouvance jihadiste sur les réseaux sociaux.

Dans les colonnes du Figaro, le journaliste David Thomson, qui connaît très bien ce milieu, a d’ailleurs estimé que « montrer brutalement la violence de l’État islamique est assez contre-productif: pour des gens endoctrinés, cette violence est juste et légitime, et les exactions, fussent-elles monstrueuses, sont justifiées dans la mesure où elles punissent les ennemis de la cause ». Et d’ajouter : « Pour ces jeunes, souvent adeptes de la théorie du complot, tout ce qui vient du gouvernement est frappé du sceau du mensonge ou de la manipulation ».

En clair, mettre en ligne un site de contre-propagande est loin d’être suffisant. Pour qu’il soit efficace, il faut qu’il ait, par exemple, une certaine audience et que son contenu soit repris sur les réseaux sociaux. Cela étant, la vidéo qui s’affiche à l’ouverture du site, hébergée par DailyMotion, a été partagée 16.000 fois sur Facebook et seulement à 1.231 reprises sur Twitter. Au vu de la publicité qui en a été faite, ces chiffres pourraient être meilleurs.

Pour contrer la propagande jihadiste, il faut mettre les mains dans le camboui, c’est à dire aller porter la contradiction sur les réseaux sociaux, qui restent le terrain d’action privilégié des terroristes pour recruter. Et c’est justement la mission qui a été confiée à une unité de l’armée française, dont l’existence, jusqu’à présent confidentielle, a été révélée par Le Monde et Europe1, ce 4 février (même si le hasard fait bien les choses, il semblerait qu’il y ait eu une volonté de communiquer à son sujet…).

La mission de cette unité, implantée à Lyon et issue du Centre interarmées d’actions dans l’environnement (CIAE), créé en 2012 après le rapprochement entre le Groupement interamées des actions civilo-militaires (GIACM) et du Groupement des opérations militaires d’influence (GOMI), consiste donc à infiltrer la « jihadosphère »  en opérant sous de fausses identités.

Il s’agit ainsi de recueillir des renseignements, de comprendre les mécanismes d’embrigadement et, le cas échéant, d’empêcher les recrutements en « déconstruisant » le discours jihadiste. En cas d’échec, une interpellation de la recrue potentielle est alors envisagée et toutes les informations collectées sont alors transmises aux services concernés.

Pour le quotidien Le Monde, cette « cellule de contre-propagande monte en charge, avec une priorité : les jeunes séduits par la communication djihadiste, potentiels candidats au départ pour combattre en Syrie, en Irak ou ailleurs ». Et le journal de souligner que « face à l’État islamique, l’armée française renoue ainsi avec des pratiques ultrasensibles. L’expérience en la matière est douloureuse : les dernières opérations de contre-propagande massive ont été déployées pendant la guerre d’Algérie ».

L’activité de cette « cellule » relève des opérations dites d’influence, conceptualisées dans le DIA – 3.10.1 publié en mars 2008 par le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE). « Dans un monde globalisé où l’information est un moyen d’action privilégié de toute gestion de crise, la crédibilité des forces s’acquiert et se maintient aussi grâce à leur aptitude à agir au plus tôt, au bon niveau, dans un vaste domaine psychologique, tout en interdisant, sinon limitant cette possibilité à l’adversaire. Le champ de l’information et de ses effets est aujourd’hui devenu un espace de combat », y est-il écrit dans l’introduction.

En outre, le document précise que les opérations militaires d’influence (OMI) peuvent avoir pour buts d' »attaquer la légitimité et la crédibilité des sources d’opposition », d' »affaiblir la volonté des sources d’opposition, réelles ou potentielles » ou encore de « créer la discorde parmi les sources d’opposition ».

Les forces armées françaises ne sont pas les seules à disposer d’une unité de ce type. Ses homologues américaines, russes et israéliennes sont ainsi rompues aux opérations pyschologiques (Psyops). Même chose au Royaume-Uni, où la 77th Brigade sera prochainement créée.

Forte de 1.500 personnels et installée Hermitage, près de Newbury, la 77th Brigade  aura justement pour mission d’investir les réseaux sociaux. Il s’agira ainsi d’y recueillir des renseignements et de contrer la propagande des « nations hostiles » ou des groupes terroristes. Cette unité comptera des militaires de l’active ainsi que des réservistes ayant des « compétences en journalisme » ou bien étant « familiers des réseaux sociaux ».

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