Face aux ambitions russes, la Suède veut renforcer ses capacités militaires

suede-20140423Effondrement du rouble (ce qui a dû faire les affaires de quelques spéculateurs avisés), baisse du prix du pétrole, sanctions occidentales… L’horizon de l’économie russe est plutôt sombre, même si Moscou a passé des accords avec la Chine et l’Inde récemment, notamment dans le domaine de l’énergie… De quoi contrarier les ambitions affichées par Vladimir Poutine?

Cela étant, les dirigeants européens sont divisés sur l’attitude à adopter à l’égard de la Russie et de sa politique extérieure. La stratégie de l’Union européenne doit être « ferme et responsable », a estimé le président du Conseil européen, le polonais Donald Tusk. Elle doit conduire à « un changement radical de la Russie envers le reste du monde », a plaidé Federica Mogherini,  Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

« Je considère que, aujourd’hui, si les gestes sont envoyés par la Russie tels que nous les attendons, il n’y a pas lieu de prononcer de nouvelles sanctions », a affirmé le président français, François Hollande, estimant « qu’il conviendra au contraire de regarder comment nous pouvons engager nous aussi une désescalade ». Il faut dire qu’il a deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) sur les bras, faute de pouvoir les livrer à la marine russe…

Quoi qu’il en soit, l’année 2014 aura été marquée par une dégradation des relations entre la Russie et les Occidentaux, en raison de la situation dans l’est de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée. Et plusieurs incidents – navals et aériens – ont été signalés au cours de ces derniers mois. Et quelques uns ont concerné la Suède.

Aussi, après des années de coupes dans ses dépenses militaires et l’avertissement, lancé il y a deux ans, par le chef d’état-major des forces armées suédoises, sur ses capacités défensives du pays, Stockholm entend changer son fusil d’épaule. Car l’attitude de la Russie et son réarmement inquiètent en Suède.

« Il y a un historique de coups de coude donnés par la Russie à ses voisins, y compris la Suède », a souligné Stefan Hedlund, chercheur au Centre d’études russes et eurasiennes de l’université d’Uppsala, alors qu’il était sollicité par l’AFP. « Cela pourrait même concerner un petit peu plus la Suède puisqu’ils [les Russes] voient que c’est un pays sans aucune capacité de se défendre », a-t-il ajouté.

Chercheur à la Haute école de défense de Stockholm, Jacob Westberg a dit ne pas craindre de « provocation de la Russie dans l’immédiat ». Toutefois, si, « à long terme, les tendances croisées d’armement et de désarmement se poursuivent, avec l’Europe de l’Ouest qui réduit ses dépenses militaires et la Russie qui investit, les perspectives dans 10 ou 15 sont inquétantes, a-t-il estimé.

Reste que la Suéde a pris – ou est sur le point de prendre – plusieurs mesures afin de renforcer ses moyens militaires. À commencer par augmenter son budget de la Défense. Mais même avec un effort conséquent – pour le moment, il est assez modeste – il faudra du temps pour retrouver les capacités perdues suite aux efforts financiers consentis par ses forces armées au cours de ces dernières années.

La hausse des dépenses militaires est demandée par l’opinion publique suédoise. Selon un récent sondage, 45% des personnes interrogées y sont favorables, 36% souhaitent la stabilité et 10% seulement veulent une réductions des crédits alloués à la défense.

En outre, la reprise en main de l’outil militaire passe également par l’industrie de l’armement. C’est ainsi que Stockholm a manoeuvré pour que le constructeur naval Kockums repasse sous pavillon suédois (il a été racheté par Saab) alors qu’il était marginalisé par l’allemand TKMS, qui en avait pris le contrôle à une époque où les autorités suédoises estimaient que la construction de sous-marins n’étaient plus stratégique.

Enfin, autre mesure assez symbolique : il a été décidé de rappeler d’anciens conscrits pour effectuer des exercices militaires, alors que la Suède a abandonné la conscription en 2009. Cela étant, cette décision n’avait pas fait l’unanimité, certains ayant mis en avant, déjà à l’époque, la « menace russe ».

Au total, il est question de mobiliser 7.500 anciens appelés qui ont soit effectué leur service militaire entre 2004 et 2010, soit suivi une formation militaire en tant que volontaire. En clair, c’est le rappel des réservistes! Les premiers exercices ne pourront avoir lieu qu’à partir de 2015.

Mais pour Stephen Hedlund, ce recours à des réservistes ne suffira pas. « C’est juste une manoeuvre politicienne, parce que les hommes politiques comprennent qu’ils ont un bilan désastreux depuis dix ans, avec le démantèlement de la défense suédoise », a-t-il lancé. « Quoi qu’ils fassent maintenant, cela prendra 10 à 15 pour remettre sur pied une défense en mesure de protéger la Suède », a-t-il expliqué.

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