Le Gripen NG ne fait pas l’unanimité en Suisse

Le constructeur aéronautique Dassault Aviation a pris « bonne note », tout en la regrettant, de la décision du Conseil Fédéral suisse d’écarter le Rafale en faveur du Gripen NG de Saab en vue de remplacer la flotte de F-5 Tiger actuellement en service au sein des forces aériennes hélvétiques.

Toutefois, dans le communiqué qu’il a publié, Dassault Aviation souligne que « le Gripen ‘helvétisé’ n’existe que sur le papier. Son développement technique et sa production devraient accroître significativement les efforts financiers des Autorités Suisses pour la réalisation de ce programme ».

Et c’est bien là l’un des problèmes que les détracteurs de l’avion suédois font valoir pour critiquer le choix fait par le Conseil Fédéral. « Le Gripen, c’est du bricolage. C’est une vieille carcasse dotée d’une cellule ultramoderne. Le Conseil fédéral a imposé cette décision à Ueli Maurer. J’ose espérer que c’est la dernière c.. de la législature » a ainsi déclaré Yvan Perrin, un député UDC neuchâtelois membre de la commission de politique de sécurité au Conseil national.

Même chose pour un autre conseiller national (ndlr, élu de la Chambre basse) , Thomas Hurter, qui a en outre supervisé la procédure d’évaluation des trois concurrents en lice pour ce contrat. « Je suis en outre étonné qu’ on ait retenu un modèle qui n’existe encore sur le papier » a-t-il affirmé.

Du côté des aviateurs suisses, la déception est aussi de mise. Ainsi, l’un d’eux a confié au quotidien fribourgeois La Liberté que « le choix du Conseil fédéral n’est pas celui des pilotes et des mécaniciens ». Et d’enfoncer le clou : pour lui, le Gripen est un appareil qui ne remplira pas toutes les missions qui lui seront demandées. En effet, l’avion suédois n’aurait pas atteint toutes les exigences requises lors de ses évaluations, si l’on en croit les informations publiées par le Basel Zeitung, qui a cité des rapports confidentiels de l’armée suisse.

« Pourquoi le Conseil fédéral a-t-il dès lors opté pour un avion qui amènera une si petite valeur ajoutée par rapport à ce qu’aurait offert une remise à niveau des Tiger? » s’est encore demandé ce pilote interrogé par La Liberté. « Vu sous cet angle, il est même très cher » conclut-il.

Le critère financier a effectivement joué une grande part dans la décision du Conseil Fédéral en faveur du Gripen, proposé à un prix sacrifié par Saab. Il s’ajoute à cela une dimension politique, qui n’est pas nécessairement liée à l’attitude de Paris à l’égard de Berne sur les questions fiscales et le secret bancaire. En effet, les autorités suisses ont fait d’une pierre deux coups.

En premier lieu, le Conseil Fédéral n’a pas apprécié que le Parlement suisse lui ait forcé la main en lui imposant l’achat de nouveaux avions de combat alors qu’il avait gelé ce projet en 2010 par souci de rigueur dans les dépenses publiques.

En choisissant l’appareil le plus modeste et le moins cher – la Suisse dépensera un milliards de francs de moins pour les 22 nouveaux appareils – il espère rendre l’opération plus acceptable pour une partie de l’opinion publique helvétique. Et, dans le même temps, il compte sur ce contrat pour gonfler le carnet de commande de RUAG, qui, actuellement en difficulté, pourrait se voir confier le une partie du développement du Gripen NG « helvétisé » ainsi que le montage final des appareils. Et, cerise sur le gâteau, il « punit » l’attitude de la France à l’égard de la Confédération en écartant le fleuron de l’industrie aéronautique militaire tricolore.

Pour autant, le Gripen n’a pas seulement à faire face aux partisans du Rafale en Suisse, mais aussi – et surtout – à ceux qui s’opposent au projet de remplacer les actuels F-5 Tiger. Ces derniers auront l’occasion de faire valoir leur point de vue à l’occasion d’un référendum voulu par le Conseil Fédéral, mais aussi par le chef de l’armée suisse, le général André Blattman.

Mais avant cette consultation, il faudra que les deux Chambres se prononcent sur cette décision d’acquérir l’avion de Saab dans le cadre du programme d’armement 2012. « Un avion qui n’existe que sous la forme de prototype n’a aucune chance au parlement », a ainsi affirmé le conseiller national UDC Roland Borer, dans les colonnes du Tages-Anzeiger. Aussi, cette histoire, déjà riche en rebondissements, n’est pas encore tout à fait terminée.

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