Libye : Les surcoûts de l’opération Harmattan à la charge de la Défense?

Lors d’un entretien accordé au Journal du Dimanche, Valérie Pécresse, devenue depuis peu ministre du Budget, a indiqué que « le coût de notre intervention en Libye s’élève à ce stade à 160 millions d’euros. » Et de préciser : « Comparez ce chiffre au budget de la Défense, qui est de 40 milliards d’euros. Nous pouvons l’absorber ».

Seulement, en matière d’opérations extérieures, l’on ne parle pas de « coûts » mais de « surcoûts », qui correspondent aux dépenses qui n’auraient pas été faites si les forces françaises étaient restées en France. Le 21 juin, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, les avait évalués à 87 millions d’euros pour trois mois d’opération, soit un peu plus d’un million par jour en moyenne. Pour autant, la somme avancée par Valérie Pécresse n’est pas tombée du ciel : c’est l’estimation (et non l’affirmation) donnée par le chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Edouard Guillaud, lors d’une audition, le 29 juin, devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale.

« En Libye, 4 000 hommes sont engagés, dont les trois quarts en OPEX. Comme l’a expliqué le ministre, le surcoût peut être décomposé en deux parties : la première représente 100 millions d’euros et la deuxième, qui correspond au maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos matériels, ne peut être chiffrée qu’a posteriori. On peut néanmoins l’estimer à 60 millions d’euros » a-t-il ainsi déclaré.

En second lieu, le budget du ministère de la Défense n’est pas exactement de 40 milliards d’euros. Selon la Loi de Finances pour l’année 2011, il s’élève précisément à 38,44 milliards d’euros (avec les pensions) et à 31,19 milliards (hors pensions et en comptant les recettes exceptionnelles).

Mais ce qui est plus inquiétant pour les finances des armées, c’est la référence de madame le ministre à la capacité du budget de la Défense à « absorber » les surcoûts générés par l’opération en Libye.

Toujours d’après la Loi de Finances 2011, 630 millions d’euros ont été inscrits au budget de la Défense au titre des surcoûts liés au opérations extérieures, sur les 900 millions prévus. La différence est prise en charge par la réserve interministérielle depuis 2009. C’est ce que Gérard Longuet a d’ailleurs rappelé en juin dernier.

Si les surcoûts de l’opération Harmattan sont à la charge du ministère de la Défense, cela va compliquer davantage un équation budgétaire qui n’a déjà pas besoin de l’être. Pour rappel, les armées doivent trouver 3,6 milliards d’euros d’économies en 3 ans, dans le cadre de la politique de réduction des dépenses publiques, lesquelles devraient en théorie être partiellement compensée par des recettes exceptionnelles qui tardent…

Pour donner un idée, 160 millions d’euros de surcoûts représentent 1/5 de ce qu’il faudra dépenser pour la modernisation des Mirage 2000D. Cette dernière, qui permettrait à l’armée de l’Air de garder une cohérence et un équilibre entre une flotte aérienne ancienne modernisée et une flotte moderne en cours de constitution, n’a pas été prise… pour raisons budgétaires.

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