Situation tendue en Côte d’Ivoire

Après avoir été reportée plusieurs fois depuis 2005, l’élection présidentielle ivoirienne a enfin pu avoir lieu à la fin du mois dernier. Les résultats du premier tour ont placé en tête Laurent Gbagbo, le président sortant, et Alassane Ouattara (dit ADO), l’ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny (1990-1993). Pour mémoire, ce dernier n’avait pas pu se présenter en 2000 puisque la Cour suprême avait jugé qu’il n’était pas de nationalité ivoirienne, le concept « d’ivoirité » ayant fait son apparition depuis son passage à la tête du gouvernement.

La rivalité entre les deux hommes est donc ancienne. Et elle risque encore de durer malgré l’annonce, avec retard, par la Commission électoral indépendante des résultats du second tour de l’élection présidentielle. Ces derniers donnent Alassane Ouattara vainqueur avec plus de 54% des voix. En effet, l’entourage de Laurent Gbagbo refuse d’admettre la défaite.

Le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’dré, par ailleurs proche du président sortant, a estimé, à l’antenne de la télévision publique ivoirienne, que ces résultats ne sont pas « valables ». Il revient en effet à l’institution qu’il dirige de proclamer officiellement le nom du vainqueur.

Le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur les requêtes qui, adressées par le camp de Laurent Gbagbo, visent à remettre en cause les votes dans le nord du pays, contrôlés par les anciens rebelles depuis septembre 2002.

« Nous avons demandé l’annulation des résultats dans plusieurs régions du Nord où il n’y avait à l’évidence pas eu de vote, mais au contraire une mascarade pour organiser une fraude électorale au profit d’Alassane Ouattara » a déclaré Pascal Affi NGuessan, le directeur de campagne du président sortant, dont les propos ont été rapportés par Reuters. « Aucun scrutin ne serait équitable tant que des rebelles partisans d’Ouattara contrôleraient la moitié du pays » a-t-il ajouté. Dans ce cas, l’on peut se demander pourquoi le parti au pouvoir a accepté que les élections aient été organisées dans ces conditions.

Tant que les résultats officiels ne seront pas annoncés et que le perdant n’aura pas épuisé toutes les voies de recours, les interrogations au sujet des intentions de Laurent Gbagbo vont demeurer. Et cela fera monter la pression dans le pays.

Déjà, le 1er décembre au soir, dans le quartier de Yopougon, à Abidjan, un bureau du parti d’Alassane Ouattara (ndlr, le RDR) a été attaqué par des hommes armés (voir les photos sur ce blog) . Bilan : au moins 8 personnes ont été tuées et une quinzaine d’autres auraient été blessées.

Dans le centre du pays, à Bouaké, un bastion des Forces nouvelles (FN), l’ancienne rébellion ivoirienne, acquis à la cause d’ADO, et alors que l’annonce des résultats encore provisoires de l’élection par la CEI se faisait encore attendre, des jeunes ont manifesté leur impatience, ce 2 décembre. Aucun débordement n’a été signalé, notamment grâce aux appels au calme lancé par les responsables des FN.

Dans ce climat, la crainte de nouveaux affrontements entre partisans des deux camps est à prendre en considération. Pour ce qui concerne les expatriés français qui vivent dans ce pays, certains craignent d’être pris une nouvelle pour cible, comme en novembre 2004. Ceux qui les ont vécus « ont peur et se terrent chez eux. Ils ont un sentiment de panique parce qu’ils doivent revivre le traumatisme » a confié, au journal 20 Minutes, un certain Michel, arrivé depuis peu en Côte d’Ivoire.

Selon un professeur de philosophie à la retraite qui vit dans le pays depuis 40 ans, les évènements actuels n’ont « rien à voir avec 2004 ». « On ne perçoit pas d’animosité particulière à notre égard » a-t-il affirmé au même quotidien. Cette estimation est partagée, pour le moment, par le ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui a assuré qu’il n’y avait « pas de raison d’être inquiet » au sujet des milliers de ressortissants français vivant en Côte d’Ivoire.

Au cas où la situation viendrait à dégénérer, ce qui pourrait supposer la prise en charge des expatriés français, la France compte, en Côte d’Ivoire, sur les 900 hommes du bataillon Licorne (BATLIC), lequel est basé à Abidjan. Il peut être renforcé par une réserve opérationnelle embarquée à bord d’un bâtiment de la Marine nationale, présent dans la région dans le cadre de la mission Corymbe.

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