Biélorussie : Des parachutistes et des bombardiers russes engagés dans des exercices près de la Pologne

Dans une déclaration commune publiée à l’issue d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies, le 11 novembre, six pays, dont la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Irlande, la Norvège et l’Estonie, ont accusé la Biélorussie de chercher à « déstabiliser la frontière extérieure de l’Union européenne » par une « instrumentalisation orchestrée d’être humains » qu’elle incite à passer en Pologne. Et, avant d’en appeler à une « réaction internationale forte », ils ont estimé que l’objectif de Minsk est de « détourner l’attention de ses propres violations croissantes des droits humains ».

Pour rappel, plusieurs milliers de migrants, principalement venus du Moyen-Orient, sont actuellement bloqués à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne. Cette situation a été créée par Minsk, qui a délivré des visas et affrété des vols commerciaux pour faire venir ces candidats à l’immigration sur son sol, pour ensuite les envoyer vers le territoire polonais. Ce qui a conduit Varsovie à déployer plusieurs milliers de soldats dans les régions concernées, où l’état d’urgence a été instauré.

En agissant de la sorte, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, chercherait à se venger des sanctions prises par l’Union européenne contre son pays, suite à la répression brutale de ses opposants, après sa réélection – contestée – en août 2020. Qui plus est, il se donne le beau rôle en accusant les gardes-frontières polonais de violer le droit international en usant de violence pour refouler les migrants… que les services biélorusses accompagnent jusqu’à la frontière.

Alors que le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a estimé que son pays était visé par une « guerre d’un genre nouveau » avec des « civils utilisés comme munitions », l’Union européenne envisagerait d’adopter de nouvelles sanctions contre la Biolorussie, et en particulier contre ses secteurs économiques les plus importants, à commencer par l’industrie de la potasse.

Ce à quoi M. Loukachenko a repondu en laissant planer la menace de fermer le gazoduc Yamal-Europe, qui achemine du gaz russe en Allemagne et en Pologne. Cependant, ce 12 novembre, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a assuré que la Russie « est et restera un pays qui remplit toutes ses obligations de livraison de gaz aux consommateurs européens ».

Cela étant, Minsk peut compter sur le soutien sans faille de Moscou. Après s’être entretenu avec Angela Merkel, la chancelière allemande, le président russe, Vladimir Poutine, a estimé que la solution à cette « grave crise migratoire » ne pourrait passer que par le « rétablissement des contacts entre les pays de l’UE et la Biélorussie ».

De son côté, l’ambassadeur russe adjoint auprès des Nations unies, Dmitry Polyanskiy, a été moins « diplomate ». Les migrants « sont des gens qui sont venus légalement au Biélorussie et qui cherchent à entrer dans des pays européens, notamment l’Allemagne. Ils ne sont pas autorisés à franchir la frontière, sont poursuivis, battus. C’est une honte totale et une violation complète des conventions internationales », a-t-il lancé avant la réunion du Conseil de sécurité. Et de critiquer ainsi la Pologne pour son « absence de transparence » à sa frontière, où « les journalistes et les ONG n’ont pas de droit d’accès ».

Par ailleurs, le diplomate russe a également justifié les mouvements d’avions de chasse dans le ciel biélorusse, près de la frontière avec la Pologne. Il s’agit d’une « réponse au déploiement massif » de gardes-frontières et de militaires polonais, dont les effectifs ont été portés à 15’000 hommes, a-t-il dit.

Et d’ajouter : « Nous avons des obligations dans le cadre de l’unité entre la Russie et la Biélorussie. S’il y a une concentration de ressources militaires à la frontière avec la Biélorussie, nous devons réagir. Ce sont juste des vols de reconnaissance, rien de plus, c’est une activité normale ».

Cependant, Moscou a, semble-t-il, cherché à faire passer un message en envoyant, le 10 novembre, deux bombardiers Tu-22M3 [code Otan : Backfire] à capacité nucléaire patrouiller en Biélorussie, dans le but, a-t-il été expliqué, d’entraîner la défense aérienne locale à les intercepter.

Et, le lendemain, deux autres bombardiers stratégiques, des Tu-160 « Blackjack », cette fois, ont effectué une mission similaire. Ces appareils ont volé jusqu’au champ de tir de Ruzany, situé à seulement 60 km à l’est de la Pologne. Selon le ministère biélorusse de la Défense, des avions de chasse ont « simulé leur interception ».

Le type des appareils sollicités pour cet exercice n’a pas été précisé… Mais les forces aériennes biélorusses disposent de MiG-29, de quatre Su-30 et plusieurs dizaines de Su-25, dédiés à l’attaque au sol.

Quoi qu’il en soit, selon Minsk, ces exercices impliquant des bombardiers stratégiques russes seront effectués « régulièrement » à l’avenir. « Laissez-les crier et grincer. Oui, ce sont des bombardiers à capacité nucléaire, mais nous n’avons pas d’autre choix », a commenté le président Loukachenko, soulignant que les vols de ces appareils étaient une « reponse aux tensions » frontalières avec la Pologne.

Interrogé par l’agence Interfax, le général Leonid Ivashov, ancien responsable des coopérations militaires au sein du minstère russe de la Défense, a estimé que de tels vol étaient « nécessaires » pour « démontrer le soutien de Moscou à Minsk » dans le contexte actuel et « éviter un éventuel conflit qui pourrait dégénérer en une grande guerre ».

Histoire d’enfoncer le clou, les ministères russes et biélorusses de la Défense ont annoncé, ce 12 novembre, l’organisation de manoeuvres impliquant des parachutistes des deux pays à Gozhsky dans l’ouest de la Biélorussie, près de la frontière avec la Pologne.

À Moscou, on a précisé que les militaires russes concernés retourneraient dans leur base d’origine à l’issue de ces exercices, menés dans le cadre d’un « contrôle surprise de l’état de préparation » des troupes aéroportées russes et des forces spéciales biélorusses. Des avions de transport Il-76 ainsi que des hélicoptères ont été mobilisés.

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