Pour le chef de la diplomatie de l’UE, la décision de l’Australie d’annuler l’achat de sous-marins français est « rationnelle »

Depuis que Canberra a fait part de son intention de former une alliance avec la Grande-Bretagne et les États-Unis [AUKUS] pour contrer les visées chinoises dans la région Indo-Pacifique et de renoncer à l’acquisition de 12 sous-marins océaniques à propulsion classique « Shortfin Barracuda » auprès de Naval Group, le gouvernement français n’a eu de cesse de dénoncer une « trahison », une « coup dans le dos » et une « rupture de confiance majeure » avec l’Australie et les États-Unis.

Dans cette affaire, Paris a cherché à obtenir le soutien de l’exécutif de l’Union européenne [UE] ainsi que celui de ses partenaires européens. Soutien qui a mis un peu de temps à venir.

Ainsi, cinq jours après la décision de Canberra de rompre avec Naval Group pour se doter de sous-marins à propulsion nucléaire, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a estima que la France « a été traitée d’une manière qui n’est pas accepable ». Et d’ajouter : « Nous voulons savoir ce qui s’est passé et pourquoi ».

Le président du Conseil européen, Charles Michel, affirma peu ou prou la même chose, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre. « Les principes élémentaires entre alliés c’est la transparence et la confiance, ça va ensemble. Et là, que voyons-nous? Un clair manque de transparence, de loyauté », avait t-il dit.

Alors que l’annonce concernant l’alliance AUKUS fut faite le même jour où il devait dévoiler la stratégie de l’UE pour l’Indo-Pacifique, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, fit savoir que l’exécutif européen n’avait pas été préalablement informé du partenariat stratégique qu’entendaient nouer l’Australie, la Grande Bretagne et les États-Unis.

Cela étant, l’alliance AUKUS « ne fait que souligner que la région est très importante pour notre sécurité, pour nos capacités économiques. Cela nous oblige à réfléchir à la nécessité de porter haut la question de l’autonomie stratégique européenne », avait commenté M. Borrell.

Plus tard, interrogé par France24, le chef de la diplomatie européenne affirma que « l’Union européenne et les États-Unis devaient travailler à renforcer la confiance » dans leur partenariat après la crise franco-américaine provoquée par la décision de l’Australie de renoncer aux sous-marins de Naval Group.

« Je vais moi-même me rendre à Washington au mois d’octobre pour commencer une communication stratégique permanente en matière de sécurité entre l’Europe et les États-Unis afin d’éviter que des évènements comme ceux que nous venons de vivre ne se reproduisent », avait ainsi indiqué M. Borrell.

En tout, s’il a donné le sentiment d’en critiquer la « forme », celui-ci comprend visiblement le « fond » de la décision australienne, qu’il a qualifiée de « rationnelle » lors du « Nueva Economía Fórum », organisé à Madrid, ce 8 octobre.

« L’Australie a décidé de renforcer ses liens militaires et militaro-industriels avec ceux qui pouvaient lui offrir la même protection », ainsi affirmé le chef de la diplomatie européenne.

[voir à la 20e minute environ]

Sur le plan strictement militaire, il est vrai que les capacités mises en oeuvre par les forces françaises dans la région Indo-Pacifique ne peuvent pas rivaliser avec celles de leurs homologues américaines. Voire britanniques, du moins ponctuellement. Pour rappel, la Marine nationale ne dispose pas de moyens de lutte anti-sous-marine dans la zone… où prolifèrent pourtant les sous-marins chinois.

« Si vous n’avez pas de sonars pour écouter ce qu’il y a sous l’eau dans cette zone alors que la Chine construit de nombreux sous-marins, vous ne servez à rien », a d’ailleurs admis l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], dans un entretien donné à La Tribune en juillet dernier.

En revanche, s’agissant du domaine industriel, il en va autrement. Par exemple, les deux porte-aéronefs de la Royal Australian Navy [classe Canberra, nldr], ont été livrés par l’espagnol Navantia… et non pas un constructeur américain ou britannique. En outre, les entreprises australiennes devaient être fortement impliquées dans la construction des sous-marins français que devait se procurer la Royal Australian Navy [à hauteur de 60%] et le contrat prévoyait des transferts de technologie. En optant pour des sous-marins à propulsion nucléaire, Canberra va vers l’inconnu…

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