Dassault et Airbus ont remis une offre aux pays impliqués dans le Système de combat aérien du futur

Pour la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, le programme SCAF [Système de combat aérien du futur], dirigé par la France en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, est « depuis quelques mois comme un avion qui perdrait son élan et sa portance », et donc proche du point de décrochage.

La raison? Des désaccords profonds sur le partage du travail entre Dassault Aviation, le maître d’oeuvre pour l’avion de combat sur lequel reposera le SCAF, et Airbus Defence & Space, de facto majoritaire dans le programme, avec Airbus Allemagne et Airbus Espagne.

Lors des discussions sur la phase 1B du projet, qui doit ouvrir la voie à la mise au point d’un démonstrateur, Dassault Aviation a accepté de n’avoir plus qu’un tiers de la charge de travail et qu’environ 50% des tâches spécifiques [les « work packages »] se fassent sans responsable désigné. Et que l’autre moitié soit partagée selon la règle des trois tiers [dont deux tiers revenant à Airbus].

Cependant, ces concessions ne semblaient pas encore suffisantes. D’où la « sortie » de la chancelière allemande, Angela Merkel, à l’issue d’un conseil de défense franco-allemand tenu le 5 février. « C’est un projet sous leadership français mais il fait quand même que les partenaires allemands puissent être à un niveau satisfaisant face à leurs homologues [français]. Nous devons donc voir très précisément les questions de propriété industrielle, de partage des tâches et de partage de leadership », lança-t-elle, dans une allusion à la revendication d’Airbus pour qu’il y ait un « équilibre » sur les douze tâches sensibles concernant la mise au point de l’avion de combat.

En outre, l’idée de développer un second démonstrateur en Allemagne fut avancée… Aussi, estimant qu’il ne pourrait pas, dans de telles conditions, assurer son rôle de maître d’oeuvre, le Pdg de Dassault Aviation, Éric Trappier, mit les pieds dans le plat en évoquant un plan B, c’est à dire en lançant une coopération à sa main et laissant entendre que la France avait toutes les capacités technologiques pour réaliser le SCAF seule. En outre, il n’était pas question de céder quoi que ce soit sur les questions de propriété intellectuelle, ainsi que sur le principe dit du « meilleur athlète » défini au moment du lancement du programme.

Mais telle n’était pas la vision défendue par Dirk Hoke, le Pdg d’Airbus Defence & Space, lors d’une audition au Sénat, en mars. S’il admettait que Dassault Aviation devait avoir les « leviers pour exercer son rôle », et donc avoir la possibilité d’arbitrer d’éventuels désaccords, il affirma également que le « maître d’oeuvre ne devait pas tout contrôler et prendre seul les décisions du programme. » Et donc être davantage un « coordinateur » ayant à prendre en considération les « investissements » technologiques consentis par l’Allemagne et l’Espagne « il y a des dizaines d’années. »

Les deux positions étaient donc très éloignées… Mais le plan B évoqué par M. Trappier a-t-il fait bouger les lignes? Toujours est-il que, ce 2 avril, le cabinet de Florence Parly, la ministre des Armées, a indiqué que Dassault Aviation et Airbus avaient fini par trouver un « accord de principe », confirmant ainsi une information de La Tribune.

« Les États ont reçu une offre des industriels concernés pour la réalisation d’un démonstrateur d’un nouvel avion de combat. […] L’objectif partagé par tous les acteurs est d’aboutir à la contractualisation prochaine de la phase suivante du projet », a en effet indiqué le cabinet de la ministre, rapporte l’agence Reuters.

Seulement, a-t-il ajouté, les négociations entre les industriels et les États concernés « se poursuivent toujours » pour trouver un accord sur le partage des tâches sur l’ensemble du projet SCAF.

Mais cet accord entre les États et les industriels n’éloignera pas pour autant le programme du point de décrochage : il faudra en effet convaincre les députés allemands de l’accepter… dans la mesure où ces derniers ont toujours le dernier mot dès qu’il s’agit d’un investissement supérieur à 25 millions d’euros. Or, s’il s’agit de faire voler un démonstrateur en 2026, il faut impérativement qu’ils donnent leur feu vert avant la fin de la session parlementaire, c’est à dire avant l’été… et les prochaines élections fédérales dont l’issue pourrait bien remettre en question le SCAF. En outre, au vu des difficultés rencontrées pour la phase 1A, la partie est encore loin d’être gagnée.

D’autant plus que quand une solution est en passe d’être trouvée d’un côté, une nouvelle difficulté surgit de l’autre. Tel est le cas des moteurs du futur avion de combat, dont le développement doit être assuré sous la maîtrise d’oeuvre du français Safran. Déjà, le rôle de ce dernier avait été constesté par les parlementaires allemands, estimant que le motoriste MTU était trop désavantagé.

Et, maintenant, c’est l’arrivée dans le projet de l’espagnol ITP, filiale du britannique Rolls Royce, par ailleurs impliqué dans le programme concurrent Tempest, qui pose problème. En effet, logiquement, Safran veut s’appuyer sur le moteur M88 du Rafale..; alors que MTU et ITP plaident en faveur de l’Eurojet, le moteur de l’Eurofighter, pour lequel ils ont collaboré.

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