Le Royaume-Uni envisage d’augmenter son arsenal nucléaire de 40%

En novembre 2020, le ministère britannique de la Défense [MoD] a annoncé qu’il allait reprendre le contrôle d’Atomic Weapons Establishment Plc. [AWE], la structure qui développe les ogives nucléaires équipant les missiles balistiques mer-sol Trident des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la Royal Navy.

Or, AWE avait été totalement privatisée en 2008, après la décision du gouvernement travailliste de Gordon Brown de céder la participation de la société publique British Nuclear Fuels à l’américain Jacobs Engineering, les deux autres actionnaires étant alors le britannique Serco et Lockheed-Martin.

« Le changement de modèle supprimera les accords commerciaux actuels et améliorera la gestion future de la dissuasion nucléaire du Royaume-Uni, tout en respectant les objectifs fondamentaux du MOD et le rapport qualité-prix pour le contribuable », avait alors expliqué Ben Wallace, le ministre britannique de la Défense.

Quelques semaines plus tôt, les États-Unis et le Royaume-Uni ayant en commun le missile Trident [produit par Lockheed-Martin, ndlr], ce dernier avait écrit au Congrès américain pour le convaincre de voter les crédits nécessaires au développement d’une nouvelle tête nucléaire, la W93, qui décrit comme étant essentiel à la dissuasion britannique, serait le premier programme de production d’une arme nucléaire depuis les années 1980. Pour rappel, il s’agirait de remplacer les actuelles W-73 [appelées « Holbrook » outre-Manche], conçues dans les années 1970.

Ces deux éléments ont-ils les prolégomènes de la décision que le gouvernement britannique s’apprête à annoncer officiellement à la faveur de la publication de la dernière revue stratégique de défense et de sécurité, ce 16 mars?

En effet, selon le quotidien The Guardian, qui a eu accès à ce document avant sa diffusion, le Royaume-Uni envisage d’augmenter la taille de son arsenal nucléaire de 40%, ce dernier devant ainsi passer de 180 à 260 ogives.

Une telle décision tourne le dos à la politique ayant consisté à réduire progessivement l’arsenal britannique, qui compta jusqu’à 500 armes nucléaires durant la Guerre Froide.

Après avoir brièvement disposé d’une composante terrestre [avec les missiles Thor de la Royal Air Force et MGR-1 Honest John de la British Army], le Royaume-Uni a progressivement dissous la composante aéroportée de sa force de frappe, avec le retrait du bombardier stratégique Avro Vulcain, puis celui de la bombe nucléaire tactique WE.177, en 1998. Et, il y a encore peu, il fut question de porter à trois le nombre de SNLE « Vanguard » de la Royal Navy, lesquels peuvent chacun emporter 16 missiles Trident II D5 [ce nombre a été ramené à 12 en 2009, ndlr].

En 2015, si le programme « Dreadnought », qui vise à remplacer les actuels SNLE, a été confirmé, il fut décidé de réduire le « stock total d’armes nucléaires à 180 ogives au maximum » et de maintenir à 120 le nombre d’armes déployées.

Pour justifier cette volte-face, le gouvernement britannique met en avant une « panoplie croissante de menaces technologiques et doctrinales », ainsi que la « menace active » incarnée par la Russie et le « défi systèmique » que pose la Chine. « Une dissuasion nucléaire minimale, crédible et indépendante, affectée à la défense de l’Otan, reste essentielle pour garantir notre sécurité », assure-t-il.

Une autre raison serait que cette annonce au sujet de l’arsenal nucléaire britannique pourrait convaincre les États-Unis de co-financer le développement de l’ogive W93, dont les coûts ne sont pas connus [il est question d’une dizaine de milliards de livres sterling…].

À noter que parmi les pays signataires du Traité de non-prolifération nucléaire [TNP], seule la Chine a augmenter son arsenal en 2019, si l’on en croit les derniers chiffres du Stockholm International Peace Research Institute [SIPRI].

Photo : SNLE de classe Vanguard © Royal Navy

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