L’Arabie Saoudite négocierait avec la Russie l’achat d’avions Su-35 Flanker-E et de systèmes S-400

Durant la campagne présidentielle américaine, Joe Biden avait dit voloir traiter l’Arabie Saoudite comme un État paria… Mais le ton qu’il a adopté une fois élu n’est plus tout à faire le même. Désormais, le chef de la Maison Blanche parle de « recalibrer » les relations des États-Unis avec le royaume saoudien, lesquelles reposent sur le pacte du Quincy, signé en 1945.

Alors que le renseignement américain s’apprête à déclassifier un rapport sur l’implication des services saoudiens dans l’assassinat du journaliste Jamal Kashoggi, M. Biden s’est entretenu avec le roi Salmane, pour la première fois depuis qu’il a pris ses fonctions.

Selon le compte-rendu qui en a été fait par la Maison Blanche, il n’a apparemment pas été question de l’affaire Kashoggi. En revanche, le président américain et le roi saoudien ont « discuté de la sécurité régionale, y compris des efforts diplomatiques » des Nations unies et de Washington pour « mettre fin à la guerre au Yémen » ainsi que de « l’engagement des États-Unis à aider l’Arabie Saoudite à défendre son territoire face aux attaques de groupes alignés sur l’Iran. »

Avant de quitter la Maison Blanche, le président Trump avait décidé de désigner les rebelles houthistes, soutenus par l’Iran au Yémen, comme terroristes, notamment pour leurs « attaques transfrontalières menaçant les populations civiles [en Arabie Saoudite, ndlr], les infrastructures et le transport maritime ». Et cela afin de « renforcer la dissuasion contre les activités néfastes du régime iranien. »

Or, l’administration de M. Biden est revenue sur cette mesure. « Nous avons entendu les mises en garde des Nations unies, des groupes humanitaires et des membres des deux partis politiques représentés au Congrès, parmi d’autres, selon lesquelles ce classement aurait pu avoir un impact dévastateur sur l’accès des Yéménites aux biens de première nécessité comme la nourriture ou le carburant », a en effet justifié Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine.

Quoi qu’il en soit, pour le Pentagone, et face à l’Iran, une brouille avec Riyad ne serait pas la bienvenue. La semaine passée, le général Kenneth McKenzie, chef de l’US CENTCOM, le commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, a réaffirmé son intérêt à disposer de bases de repli sur les côtes saoudiennes donnant sur la mer Rouge en cas de tensions avec Téhéran, les emprises militaires américaines au Moyen-Orient se trouvant à la portée des drones et des missiles iraniens.

Cela étant, si M. Biden entend recaliber les relations avec l’Arabie Saoudite, Riyad entend visiblement en faire de même, en particulier dans le domaine de l’armement… en se tournant vers la Russie et la Chine [en particulier pour les drones MALE, que les États-Unis refusaient alors de lui vendre]. Et la décision récente de Washington de geler une commande saoudienne de 3.000 bombes GBU-39 SDB ne peut que renforcer cette inclinaison.

À vrai dire, les relations en matière d’armement entre Riyad et Moscou ont commencé à prendre de l’épaisseur à partir de 2016, soit après l’accord sur le nucléaire iranien, l’administration Obama ayant alors adopté une approche plus « souple » à l’égard de Téhéran. En 2017, des protocoles d’accord furent signés afin de produire certains armements russes en Arabie Saoudite. L’un d’eux, concerna la fabrication de fusils d’assaut Kalachnikov AK-103, s’est d’ailleurs récemment concrétisé.

Et, a priori, Riyad ne craint nullement les rigueurs de la loi américaine dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act], laquelle prévoit des sanctions à l’égard des pays qui signeraient des contrats avec l’industrie russe de l’armement. En effet, des négociations sont en cours en vue d’une commande saoudienne de systèmes de défense aérienne S-400 et d’avions de combat Su-35 « Flanker-E ».

« Tant que nous ne signons pas les contrats, nous n’en parlons pas mais le processus de négociation est en cours », a ainsi déclaré Sergeï Chemezov, le Pdg du groupe russe d’armement Rostec, lors d’un entretien donné à Russian Today.

Si on sait Riyad s’intéresse au S-400 depuis la visite faite en 2017 à Moscou par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane [par ailleurs fortement soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat de Jamal Kashoggi, ndlr], l’intérêt pour le Su-35 est en revanche nouveau. Jusqu’à présent, l’Arabie Saoudite, dont l’aviation de combat repose essentiellement sur des avions fournis par les États-Unis et le Royaume-Uni, ne faisait pas partie – sauf erreur – des clients potentiels pour l’appareil russe, contrairement aux Émirats arabes unis.

En 2018, l’éventualité d’une commande saoudienne de batteries S-400 avait débloqué celle du système américain THAAD [Terminal High Altitude Area Defense] pour environ 15 milliards de dollars. Aussi, on peut s’interroger sur les réelles motivations de Riyad.

Plus largement, l’attitude saoudienne traduit-elle un revirement dans le domaine de l’armement? En tout cas, certaines des discussions entamées en 2017 ont abouti : outre les fusils d’assaut AK-103, des accords ont été signé pour la livraison et la production par la Saudi Arabian Military Industries [SAMI] de plusieurs systèmes russe, dont le lance-roquettes multiple TOS-1A « Solntsepek », le mssile antichar 9M133 Kornet et le lance-grenade AGS30.

Mais il peut s’agir aussi de de faire comprendre à Wahington qu’il vaudrait mieux revenir à de meilleurs sentiments ou encore de convaincre les industriels américains de l’armement de nouer des coopérations, comme l’a suggéré Walid Abukhaled, le Pdg de la SAMI, dans les colonnes de Defense News?

La semaine passée, Ahmed bin Abdulaziz Al-Ohali, le gouverneur de l’Autorité générale des industries militaires [GAMI], a indiqué que l’objectif de Riyad que son industrie de l’armement soit en mesure de couvrir la moitié des besoins des forces saoudiennes, via un plan d’investissement doté de plus de 20 milliards de dollars dans les dix ans à venir.

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