Le chef des forces navales américaines en Europe se dit aussi concerné par les activités de la Chine

En juin, à l’issue de deux jours de réunion avec les ministres de la Défense des pays membres l’Otan, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance, a évoqué les défis « évidents » que pose désormais la Chine pour l’espace euro-atlantique.

« La Chine a le deuxième plus grand budget de défense au monde. Elle investit massivement dans de nouveaux systèmes d’armes à longue portée et de nouveaux systèmes de missiles pouvant atteindre tous les pays de l’Otan. Elle modernise ses capacités maritimes en étendant la portée de ses forces navales », a en effet détaillé M. Stoltenberg. Et d’affirmer que « c’est la Chine qui se rapproche de nous » pour justifier qu’elle soit désormais « en bonne place sur l’agenda » de l’Alliance.

Lors d’un « webinaire » récemment organisé par l’International Institute of Strategic Studies, un centre de réflexion basé à Washington, le commandant des forces navales en Europe et en Afrique, l’amiral James G. Foggo, qui est aussi à la tête du commandement allié de forces interarmées de Naples, s’est aussi dit « concerné » par les activité chinoises dans sa zone de responsabilité, qui va du Grand Nord à l’Afrique du Sud [soit 93 pays représentant 23% de la population mondiale].

Ainsi, l’amiral Foggo a expliqué que la Chine « travaille activement en Europe et en Afrique pour renverser l’architecture internationale qui, fondée sur des règles, a permis de maintenir la paix depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale » au travers de son initiative « One Belt, One Road » [les nouvelles routes de la soie, ndlr], laquelle combine des « armes économiques, diplomatiques, militaires et politiques. » Et, selon lui, « ce type d’influence est un problème de sécurité. »

En effet, la Chine accorde des facilités financières à certains pays [sous la forme de prêts, généralement], puis les utilise pour « influencer les gouvernements », a accusé l’amiral Foggo. Et, par exemple, en se donnant ainsi les moyens de prendre le contrôle de ports et d’aéroports, la Chine pourrait être en mesure d’en restreindre l’accès, tout en collectant des informations gouvernementales et militaires sensibles via des technologies déployées par des entreprises contrôlées ou proche du pouvoir chinois. Et là, évidemment, on pense à Huawei, avec les réseaux 5G et les… câbles sous-marin, Huawei Marine Networks ayant multiplié les investissements en Méditerranée… et même installé le câble « Hannibal », reliant la Tunisie à l’Italie.

Les préoccupations de l’amiral Foggo ne sont pas nouvelles. Une note de l’Institut Français des Relations Internationales [IFRI] les avait déjà évoquées en 2018. « Les investissements [chinois] dans les câbles sous-marins ou les ports de la région [Méditerranée], et notamment l’acquisition de certains, rendent possibles le développement d’activités non commerciales, telles que l’accueil de forces militaires ou la collecte de renseignement. Ils posent également des questions en terme d’indépendance stratégique : certaines entreprises chinoises ont désormais, techniquement, les capacités de limiter l’accès à certains ports de la Méditerranée, ou à certains câbles sous-marins [et donc l’accès à Internet] dans le cas où elles – ou l’État chinois – le souhaiteraient », y lit-on.

En outre, a ensuite continué l’amiral Foggo, Pékin « achète des médias et des sociétés de divertissement pour pousser sa propagande et effacer toute critique contre son gouvernement » tout en s’immiscant dans les élections ou les affaires intérieures de certains pays [comme Taïwan ou l’Australie, ndlr]. La Chine « restreint les informations sur le coronavirus tout en faisant des dons d’équipements, même en Europe, pour montrer qu’elle est un leader mondial », a-t-il dénoncé.

Aussi, rappelant qu’elle s’était même qualifiée de « pays proche de l’Arctique » [en publiant un Livre blanc sur cette région en 2018, ndlr], l’amiral Foggo a estimé que l’Otan ne « pouvait plus ignorer les activités de la Chine en Europe ». Et de citer ses ambitions dans la 5G, les rachats d’infrastructures portuaires et aéroportuaires et les nouvelles routes de la soie.

Au niveau des forces navales, l’amiral Foggo a estimé qu’une nouvelle stratégie maritime de l’Otan est nécessaire, afin de prendre en compte la montée en puissance de la Russie ainsi que celle de la Chine.

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