Libye : L’Union européenne lance une opération navale pour appliquer l’embargo de l’ONU sur les armes

En janvier, lors de la conférence de Berlin, les pays impliqués dans le conflit libyen parce que soutenant l’une ou l’autre des factions se disputant le contrôle de la Libye, s’étaient mis d’accord pour appeler « toutes les parties concernées à redoubler d’efforts pour une suspension durable des hostilités, la désescalade et un cessez-le-feu permanent  » et prirent l’engagement de « refréner toute activité exacerbant le conflit, y compris le financement de capacités armées et le recrutement de mercenaires. »

Pour rappel, le gouvernement d’union nationale [GNA], installé à Tripoli et appuyé par une myriade de milices, s’oppose à celui de Tobrouk, soutenu par le Parlement élu en juin 2014 ainsi que par le puissant maréchal Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne [ANL].

Ces deux rivaux bénéficient d’appuis extérieurs. De par sa proximité de certains de ses membres et soutiens avec la confrérie des Frères musulmans, le GNA est notamment aidé par le Qatar et la Turquie, laquelle a envoyé à Tripoli des mercenaires recrutés parmi les groupes rebelles syriennes qu’elle appuie. En outre, Ankara a signé un accord avec ce GNA en vue d’accroître son domaine maritime et avoir voix au chapitre sur l’exploitation de gaz naturel au large de la République de Chypre.

De son côté, le maréchal Haftar peut compter sur le soutien des Émirats arabes unis, de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite et… de la Russie, qui a dipose dans le pays de mercenaires employés par la société militaire privée Wagner.

Malgré la déclaration finale signée à Berlin, l’embargo sur les armes appliqué à la Libye depuis 2011 a régulièrement été violé par les « parrains » des deux rivaux. Aussi, en février, et malgré les réticences de la Russie, qui s’est finalement abstenue, le Conseil de sécurité des Nations unis a adopté la résolution 2510.

Ce texte « rappelle les engagements pris à Berlin en faveur du respect de l’embargo sur les armes et exige de tous les États Membres notamment qu’ils se conforment pleinement à l’embargo sur les armes […] et en particulier de cesser d’apporter toute forme d’appui aux mercenaires armés et d’opérer leur retrait total. »

Jusqu’à présent, la surveillance de cet embargo était en partie assurée par l’opération navale européenne EUNAVFOR Sophia, lancée initialement par l’Union européenne [UE] pour lutter contre les passeurs de migrants opérant depuis le littoral libyen. En effet, cette mission faisait partie de son mandat depuis l’adoption de la résolution 2292 [placée sous chapitre VII], du Conseil de sécurité.

Seulement, en raison de désaccords profonds entre certains États membres [l’Italie s’opposant à ce que les migrants sauvés en mer soient systèmatiquement débarqués dans ses ports], EUNAVFOR MED Sophia a été privée de navires…

D’où la mise en place d’une nouvelle opération navale, dont le principe a été approuvé la semaine passée par les 27 États membres. Appelée « EUNAVFOR MED IRINI » [Irini signifie « paix » en grec], cette mission se concentrera prioritairement sur la mise en oeuvre de l’embargo sur les armes destinées à la Libye.

Pour autant, le droit de la mer imposant à un navire de porter assistance à des naufragés, la Grèce a accepté d’être le pays de débarquement des migrants éventuellement secourus par les navires militaires qui seront engagés dans cette opération. Cette question avait été un point de blocage, notamment pour l’Italie.

Cette nouvelle opération a été formellement lancée le 31 mars. À cette occasion, l’UE a précisé qu’elle aurait recours à des « moyens aériens , satellites et maritimes » et qu’elle « pourra effectuer des inspections de navires en haute mer au large des côtes de la Libye soupçonnés de transporter des armes ou du matériel connexe à destination et en provenance de la Libye conformément à la résolution 2292 (2016) du Conseil de sécurité des Nations Unies. »

« Seules des solutions politiques et le plein respect de l’embargo sur les armes imposé par l’ONU apporteront une solution à la crise libyenne. Mais la diplomatie ne peut réussir que si elle est appuyée par l’action. Cette opération sera essentielle et contribuera clairement à promouvoir la paix dans notre voisinage immédiat grâce à un cessez-le-feu permanent », a commenté Josep Borrell, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Cependant, EUNAVFOR MED IRINI aura aussi le mandat de « surveiller et recueillir des informations sur les exportations illicites de Libye de pétrole , de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés », de « contribuer au renforcement des capacités et à la formation des garde-côtes et de la marine libyens aux tâches d’application de la loi en mer », et de « contribuer à la perturbation du modèle économique des réseaux de trafic et de traite d’êtres humains par la collecte d’informations et les patrouilles par les avions. »

Comme l’opération Sophia, Irini sera commandée par un amiral italien, en l’occurrence le contre-amiral Fabio Agostini. Son quartier général sera situé à Rome.

Pour le moment, on ignore quelles seront les contributions des États membres à cette opération. S’agissant de la France, la Marine nationale avait engagé un avion de surveillance maritime Falcon 50 dans la mission Sophia. Sans doute sera-t-il maintenu pour Irini.

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