La marine russe pourrait être privée d’aviation de combat embarquée pendant très longtemps

L’incendie qui s’était déclaré, le 12 décembre, à bord de l’Amiral Kouznetsov, l’unique porte-avions de la marine russe, a fini par être éteint après avoir ravagé les entrailles du navire pendant près de 24 heures. Selon les services de secours, une surface de 500 m2 a été détruite par les flammes. Quant au bilan humain, il a été fait état de 10 blessés, dont un se trouve dans un état grave, d’un mort et d’un officier disparu.

Au moment de l’incident, le porte-avions se trouvait à quai pour de lourdes opérations de maintenance et de modernisation. Déjà lourdement endommagé, l’an passé, par la chute d’une grue sur son pont, il devait reprendre la mer en 2022. Un objectif qui avait été confirmé deux jours plus tôt par Alexei Rakhmanov, le Pdg du conglomérat United Shipbuilding Corporation [USC], malgré la nécessité de réaliser des travaux supplémentaires.

Si une enquête a été lancée, l’origine de cet incendie est déjà connue. « On effectuait le remplacement de l’équipement électrique à bord du bateau. Lors d’une soudure, une étincelle est tombée dans une cale où se trouvait du carburant », a en effet expliqué M. Rakhmanov, le 11 décembre.

Les autorités russes ont fait savoir qu’elles évalueraient l’étendue des dégâts une fois l’incendie éteint. Mais tout laisse à penser que le porte-avions « Amiral Kuznetsov » ne s’en remettra pas. En effet, un feu à bord d’un navire dégage une importante quantité de fumées toxiques tandis que la chaleur peut affecter sa structure. En tout état de cause, la remise en état du bâtiment, si elle est jugée viable, devrait prendre, au mieux, quelques années.

La conséquence est que la marine russe sera privée d’aviation de combat embarquée pendant longtemps. Ce qui posera des problèmes pour la formation et le maintien des compétences de ses pilotes, apponter sur un porte-avions n’étant pas un sport de masse.

Certes, il est régulièrement question, dans la presse russe, du très ambitieux « Projet 23000E Shtorm », lequel porte sur la construction d’une nouvelle classe de porte-avions, devant afficher, aux dernières nouvelles, 70.000 tonnes de déplacement et être doté d’une propulsion nucléaire. Et même s’il devait être lancé d’ici quelques mois, un tel projet ne pourrait prendre que beaucoup de temps pour se concrétiser, en raison d’un manque de savoir-faire des chantiers navals locaux dans ce domaine et des contraintes budgétaires.

Mais dans des entretiens donnés en décembre 2018 à l’agence TASS et au journal des forces russes par le major-général Igor Kohzin, le chef de l’aviation navale russe, dont les propos ont été analysés par le site Red Samovar, on voit bien la construction d’un nouveau porte-avions ne fait pas partie des priorités de Moscou, contrairement à Pékin, par exemple.  À telle enseigne que la modernisation des avions embarqués [Su-33 et MiG-29K(UB)R] devait se faire a minima au cours des prochaines années et que l’accent sera surtout mis sur l’acquisition de Su-30SM, qui ne peut qu’opérer depuis la terre.

D’une manière générale, la chasse embarquée n’a jamais été vraiment la tasse de thé de l’état-major russe. Durant la période soviétique, Joseph Staline et Nikita Khrouchtchev ne voyaient pas l’intérêt du porte-avions, malgré l’insistance de l’amiral Kouznetsov.

Plus tard, les projets – souvent ambitieux – visant à en doter la marine soviétique furent régulièrement affectés par des coupes budgétaires. Il fallut attendre le début des années 1970 pour voir le lancement de la construction de quatre porte-avions la classe Kiev [Projet 1143]. Actuellement, un seul est encore en service… au sein de la marine indienne, Moscou ayant accepté de vendre à New Delhi, en 2004, « Amiral Gorshkov » pour près d’un milliard de dollars [sa remise en état aura finalement coûté le double et sa livraison a été faite avec plus de 4 ans de retard].

Cela étant, l’aviation navale russe est surtout basée à terre, ses avions de combat embarqués n’était que rarement sollicités. La seule fois où ils ont été engagés en opération a été en 2016, depuis la Méditerranée orientale, dans le cadre de l’intervention en Syrie.

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